Intervention de Laurent Desgeorge

Réunion du 17 mars 2015 à 17h00
Commission des affaires économiques

Laurent Desgeorge, coordinateur adjoint de l'Inter-CFDT :

À part toucher des dividendes, Bouygues, détenteur de 29,4 % des parts, n'a pas fait grand-chose pour Alstom. Bien que ce groupe soit leader dans le secteur, il n'a jamais livré de béton pour les centrales d'Alstom depuis qu'il en est devenu actionnaire. Sa démarche est donc purement financière.

Parmi les IRP, seul le Forum européen a été consulté ; il est constitué de toutes les sociétés d'Alstom en Europe, y compris en Suisse bien que celle-ci ne fasse pas partie de l'Union. Au sein de cette instance, une charte a en effet été signée par quelques organisations syndicales – pas la CGT, comme on vient de le rappeler –, dont la nôtre, qui l'a fait pour obtenir des informations, même si le document n'est pas « bordé ». De fait, la direction d'Alstom a décidé que le Forum européen serait la seule instance informée du montage avec GE.

Nous estimions, de notre côté, que les instances franco-françaises devaient aussi être informées, sinon consultées ; d'où la définition d'un accord de méthode pour lier le Forum européen aux sociétés françaises : nous avons déjà pu obtenir des informations par ce canal, bien que l'accord n'ait pas encore été signé. En tout état de cause, nous sommes seulement informés, très tardivement, et non consultés.

Si GE s'empare du pôle énergie, ne subsistera en effet, dans le giron d'Alstom, que le pôle transport. Le 11 mars dernier, M. Kron a déclaré que le prix de vente s'élevait à 12,55 milliards d'euros et non à 12,35 milliards – en vertu d'un tour de passe-passe automatique. Quoi qu'il en soit la dette, qui atteint aujourd'hui 3,2 milliards, retombera à zéro si une partie du produit de la vente lui est affectée. De plus, il faudra encore déduire de ce produit l'acquisition des coentreprises par Alstom Transport – ou Alstom « restant » –, pour un montant de quelque 2,5 milliards d'euros, ainsi que l'achat du pôle signalisation de GE, pour 600 millions. J'ajoute que, aux termes de l'accord conclu entre M. Immelt et M. Kron, la trésorerie, de 1,9 milliard, a été figée. In fine, si l'on prend de surcroît en compte le versement de dividendes, il ne reste donc rien dans les caisses.

L'accord prévoit une possibilité de sortie des coentreprises au bout de trois ou cinq ans, selon les cas ; mais seule la coentreprise dédiée aux renouvelables pourra être acquise par Alstom, au bout de trois ans, à hauteur de 60 à 100 %.

S'agissant de la turbine Arabelle, les brevets sont en effet en Suisse, ce qui me laisse dubitatif car cela limite les possibilités pour la France, même si l'État peut agir à travers sa gouvernance.

Quant à l'éolien, il est, pour 80 %, d'origine terrestre et implanté aux États-Unis. Le rapatriement de ce pôle au sein d'Alstom ne changera donc pas grand-chose. GE, en revanche, n'a développé aucune activité dans le offshore, contrairement à Alstom. Les premiers contrats ont été signés en ce domaine, mais nous nourrissons les plus grandes craintes pour l'avenir.

Le rachat des fonctions support par GE nous préoccupe également. Les 1 000 emplois promis, eux, seront bel et bien créés en France par GE seul. Aux termes de l'accord, si le delta n'est pas atteint trois ans après la signature du chèque de 12,35 milliards d'euros, les effectifs feront l'objet d'un examen détaillé. Les créations de poste consécutives aux départs, par exemple à la retraite, viendront en plus ; si bien que ce sont au total 1 600 emplois qui pourraient être créés : Mme Clara Gaymard l'a confirmé. En cas de non-respect de ces objectifs, l'amende s'élèverait à 50 000 euros par poste non créé.

Les commandes sont effectivement nécessaires pour faire vivre, non seulement le groupe, mais aussi ses prestataires français, que toute délocalisation laisserait donc « sur la paille ».

Tout s'est passé très vite. En avril 2014, on annonçait des alliances ; aujourd'hui, nous découvrons qu'il s'agit plutôt de vendre 70 % du groupe à l'un de ses concurrents : à la place de ses dirigeants, j'interpréterais cela comme une défaite. L'opération fut avalisée par le Forum européen en l'espace d'un mois seulement ; cela me semble lamentable pour une affaire de cette importance. Au niveau français, nous avons essayé d'obtenir le plus d'informations possible, mais GE s'est toujours refusé à les communiquer, n'ouvrant la voie aux expertises qu'il y a quinze jours. Beaucoup trop de questions restent sans réponse ; aussi me paraît-il important, monsieur le président, que votre commission convoque les directions de GE et d'Alstom pour une nouvelle audition.

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