Intervention de Michel Sapin

Réunion du 18 mars 2015 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics :

Bien entendu ! Qu'est-ce qu'une économie structurelle ? C'est une économie durable. Or, ces 4 milliards d'économies réalisées cette année se retrouveront l'année prochaine. Par des raisonnements différents – la Commission demande à la France de réduire son déficit structurel de 0,2 point supplémentaire en 2015 ; la France doit, en l'absence d'inflation, réaliser des économies supplémentaires pour parvenir à son objectif d'une réduction des dépenses de 21 milliards en 2015 –, la Commission et le Gouvernement aboutissent au même chiffre : 3 à 4 milliards.

J'en viens à la question des 30 milliards, chiffre qui, je le rappelle, ne figure pas dans la recommandation de la Commission. Lorsque celle-ci fait des prévisions pour 2016 et 2017, elle les fait à politique inchangée, c'est-à-dire, en l'espèce, sans prendre en compte les 15 milliards d'économies supplémentaires pour 2016 et les 14 milliards d'économies supplémentaires pour 2017 – ce qui correspond à peu près à 30 milliards. Il est vrai néanmoins que la Commission recommande – ce n'est pas une obligation – que notre effort structurel soit supérieur en 2016 et en 2017 à celui qui nous paraît approprié. Est-ce nécessaire pour que nous atteignions notre objectif nominal ? Non : la baisse des déficits est notre objectif et nous l'atteindrons. Cela peut-il avoir des effets sur la croissance ? Oui. Dès lors, se pose la question de savoir si nous devons limiter notre potentiel de croissance pour des raisons liées au déficit structurel. On peut en débattre, mais il y a une valeur d'ajustement : la croissance, c'est-à-dire l'emploi. Il nous faut diminuer nos déficits, mais sans freiner la reprise de la croissance et le recul de chômage.

Quant au plan Juncker, il pourrait, certes, être plus important, mais c'est déjà bien. En revanche – et mes homologues allemand et italien sont d'accord sur ce point –, ces 315 milliards doivent avoir une traduction immédiate, dès 2015, car ce plan est un des éléments qui contribueront à soutenir l'activité et la croissance. Sa mise en oeuvre doit être simple et rapide : telle est ma préoccupation.

Je conclurai en évoquant le volet recettes, c'est-à-dire la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales. En ce qui concerne la fraude, les choses ont beaucoup évolué, notamment grâce à l'échange automatique d'informations : il suffit pour s'en convaincre de voir le nombre considérable des demandes de régularisation de comptes détenus à l'étranger qui sont adressées au service de traitement des déclarations rectificatives – STDR. Les recettes supplémentaires qu'en tire l'État sont importantes : 2 milliards l'an dernier et probablement 2 milliards d'euros cette année.

Quant à l'optimisation fiscale des entreprises, elle passe par les prix de transfert mais également par d'autres dispositifs. Lutter contre ce phénomène au niveau national est voué à l'échec ; il nous faut agir au niveau international. C'est pourquoi un travail considérable a été accompli en la matière par le G20 et l'OCDE, qui a analysé les méthodes d'optimisation fiscale « agressives ». Au fond, la question, au plan international, n'est pas tant celle de savoir dans quel pays l'impôt est payé que celle de savoir s'il est payé. Or, il se trouve que de grandes entreprises qui font d'importants profits, en particulier dans le secteur numérique, ne paient d'impôt nulle part. C'est du reste la raison pour laquelle le G20 s'est mobilisé. En 2014, l'OCDE et le G20 ont ainsi adopté une partie des quinze principes qui vont être fixés en la matière ; l'autre partie, qui concerne notamment les prix de transfert et la rémunération des brevets, le sera cette année. Encore une fois, il importe d'agir harmonieusement avec les autres, afin qu'il n'y ait pas de trous dans la raquette.

Dans ce domaine, nous travaillons très bien avec la Commission. Celle-ci fera des propositions avant l'été, afin qu'une directive puisse être adoptée qui sera ensuite transposée dans les législations nationales, notamment en France. Nous reparlerons donc rapidement, en tout état de cause dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2016, d'un dispositif de lutte contre l'optimisation fiscale cohérent avec ceux qui seront adoptés dans les autres pays européens.

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