Il est vrai que le débat sur le service civique a repris de l'ampleur depuis les attentats de début janvier. En tant que président de l'Agence du service civique depuis début 2014, je peux en témoigner et m'en réjouis.
D'ailleurs, nous connaissons à nouveau une augmentation de nos moyens pour développer ce service. Alors que 35 000 jeunes ont effectué un service civique l'an dernier et que l'objectif qui nous était assigné cette année était de 45 000, il nous est demandé d'en obtenir 150 000 à 170 000 à la fin de 2016 et 70 000 en 2015 – sachant que les moyens nous sont donnés pour cela, ce qui montre une véritable volonté politique.
Je rappelle que le service civique, qui figure dans le code du service national, a pour objet de renforcer la cohésion et la mixité sociales. Il permet un engagement de la part de jeunes âgés de 16 à 25 ans, conformément à une loi qui avait été adoptée avec un large consensus à l'Assemblée nationale, à l'initiative de Martin Hirsch.
Ce service, qui est un engagement citoyen à l'appui des politiques publiques, doit être distingué des emplois aidés, auxquels il n'a pas vocation à se substituer, pas plus d'ailleurs qu'aux autres emplois.
Les jeunes engagés à ce titre sont représentatifs de la jeunesse de notre pays. Ceux qui ont un niveau en dessous du baccalauréat représentent ainsi près de 30 %. Cependant, les femmes sont davantage représentées, avec un taux de 58 % de l'ensemble en 2013 et 56 % aujourd'hui, ce qui s'explique par la prédominance des actions sociales et de santé. Mais comme nous sommes en train de promouvoir des actions dans le développement durable et le sport, un rééquilibrage est en cours.
Mon inquiétude n'est pas tant de trouver des jeunes voulant faire un service civique – ayant eu en moyenne annuelle entre 130 000 et 150 000 demandes de jeunes en ce sens ces dernières années –, que d'organiser leur accueil. À ce jour, 84 % des jeunes font leur service civique dans le monde associatif, mon prédécesseur Martin Hirsch s'étant au départ appuyé sur les grands réseaux associatifs, sachant que nous ne disposions pas des moyens de le développer dans le secteur public. Mais si on veut accroître le service civique, il faudra aller au-delà et que les services publics, notamment la gendarmerie et l'armée, puissent s'y associer.
Cela étant, il faudra d'abord répondre aux besoins des associations, à qui ont été refusés jusqu'ici 20 à 30 % de leurs souhaits. Je rappelle que nous délivrons des agréments nationaux pour les grandes structures nationales, tandis que des agréments territoriaux le sont par les préfets de région, qui sont les délégués de l'Agence, avec des délégués territoriaux dans les départements.
Pour développer le service civique dans les structures publiques, nous travaillons sur de grands programmes. Nous sommes ainsi en train d'oeuvrer avec le ministère de la Santé pour développer ce service dans les hôpitaux – sans bien sûr remplacer les professionnels – pour l'orientation et l'accompagnement des malades. Nous développons aussi des actions dans les collèges, notamment dans les foyers socioculturels, de même qu'au ministère de l'Intérieur, par exemple dans l'accueil et l'accompagnement des étrangers ou au sein de la gendarmerie ou de la police, pour des actions de prévention essentiellement – comme la lutte contre l'alcoolisme, les addictions ou certains comportements sur la route. Nous menons également une expérimentation importante chez les pompiers, sachant qu'en zone rurale, 60 à 70 % des interventions sont réalisées par des pompiers bénévoles, dont le nombre diminue. On essaie dans ce cas d'adapter le service civique pour faire en sorte que les jeunes aient une période de formation, puis un accompagnement par des pompiers bénévoles ou professionnels, ce qui peut les inciter ensuite à vouloir exercer cette fonction.
Si nous n'avons pas encore entamé le travail de fond avec le ministère de la Défense, j'ai déjà eu des contacts avec le cabinet du ministre. La question est de savoir si on peut trouver des missions classiques auprès des armées – actions d'information ou de sensibilisation notamment – ou plus spécifiques – nous avons par exemple rencontré l'état-major de la marine au sujet d'actions de développement durable sur certaines zones du littoral – et si certaines peuvent donner lieu à une adaptation du service civique.
Je ne suis en tout cas pas pour un service civique obligatoire, même si selon les sondages la majorité des Français y est favorable. Je rappelle que les jeunes sont moins en faveur de cette idée et ceux en service civique pas du tout, considérant que la valeur de ce service repose sur l'engagement volontaire. D'ailleurs, la plupart des missions de service civique ne sont possibles que si les jeunes sont volontaires, comme celles auprès des personnes âgées dans les hôpitaux ou les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Si je suis favorable au développement du service civique et au fait d'inciter davantage les jeunes à le faire, avec, à la clé, une reconnaissance utile dans leur parcours, le rendre obligatoire en modifierait la nature.
Je suis en outre en train de réfléchir à la question de savoir s'il serait possible de valoriser ce service dans les parcours professionnels. Nous travaillons d'ailleurs avec des entreprises sur ce sujet. On pourrait aussi imaginer que cette expérience soit valorisée dans les concours de la fonction publique.
Mais pour inciter les jeunes à avoir des parcours de citoyenneté, il faut aussi rappeler le rôle des familles – sachant que des actions sociales doivent être conduites à l'égard de celles qui sont défaillantes – et de l'école – avec la question de savoir si la semaine de la citoyenneté doit être développée, de même que les stages dans le monde associatif ou politique. Je rappelle aussi le rôle de la journée de défense et de citoyenneté (JDC), dont des représentants sont présents au sein de notre comité stratégique et qui pourrait être aussi une occasion de faire connaître et promouvoir le service civique.
Nous avons par ailleurs des jeunes en service civique dans les établissements publics d'insertion de la Défense (EPIDe) pour accompagner les jeunes en difficulté, ainsi que le service militaire adapté (SMA).
Il y a donc de multiples parcours de citoyenneté. Le service civique ne doit pas être la seule démarche en ce sens mais permettre à ceux qui l'ont effectué d'avoir un avenir différent des autres.