Intervention de Jean-Christophe Fromantin

Réunion du 18 mars 2015 à 9h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Fromantin :

Merci d'accueillir cette table ronde. Certains d'entre vous ont participé à la mission d'information parlementaire que j'ai animée pendant près d'un an avec M. Bruno Le Roux afin de porter cette candidature. Je vous en rappellerai les étapes et les prochaines séquences, avant de revenir sur sa structuration et son objectif, qui ont été présentés la semaine dernière à la Fondation Louis Vuitton dans le cadre d'une conférence de présentation officielle de la candidature française.

L'idée de déposer la candidature de la France à la prochaine Exposition universelle a émergé en 2011. Ce genre de manifestations a lieu tous les cinq ans : celle de Milan s'ouvrira dans quelques semaines, celle de Dubaï en 2020 et la suivante se tiendra donc en 2025. Pour cette dernière, la date de dépôt des dossiers a été fixée en 2016.

Nous avons en effet pensé, avec un certain nombre d'universitaires et de patrons de grandes entreprises françaises, que la contribution des expositions universelles à la grande séquence industrielle du XIXe siècle avait été décisive pour notre pays, en termes d'aménagement du territoire, d'architecture, d'aménagement urbain et d'économie. Des centaines de produits sont nés au cours de cette « saga » des expositions universelles, dont la première a été organisée en France en 1855 et la dernière en 1900. Celle que l'on a appelée « le bilan du siècle » a eu un énorme succès et a attiré à Paris 53 millions de visiteurs – à comparer avec les 73 millions de visiteurs de l'exposition de Shanghai de 2010.

Ces opérations incroyables, planétaires, qu'on a pu qualifier d'« Olympiades du progrès », ont pour finalité l'innovation et l'échange sur des valeurs universelles ainsi que la volonté de progresser en y associant l'ensemble du monde.

Il nous a semblé que l'élan de la Révolution industrielle et les éléments de conjoncture de la dernière partie du XIXe siècle étaient assez similaires – toutes proportions gardées – avec ce que nous vivons aujourd'hui, à savoir : un certain doute sur notre modèle économique, des trajectoires d'innovation extrêmement accélérées et une forme de mondialisation. À l'époque, le contexte avait permis d'avancer. Notre mission parlementaire en a conclu qu'il était temps, aujourd'hui, que la France retrouve une trajectoire d'innovation et de progrès et mobilise le pays, ses habitants, ses PME, ses TPE, ses territoires, ses grandes entreprises dans ce grand rendez-vous que la France pourrait donner au monde en 2025.

Une Exposition universelle n'est pas un événement isolé, mais une étape dans une trajectoire. De fait, le projet que nous mettons au point suppose dix ans de préparation puis, nous l'espérons, des années et des années pendant lesquelles nous en tirerons les fruits. Pensez à l'électricité, à la télévision, aux bateaux-mouches et à la tour Eiffel, nés des expositions universelles. L'impact incroyable de ces expositions prouve qu'elles constituent un investissement sur l'avenir.

J'observe qu'il s'agit d'abord d'une candidature française, et pas seulement de celle d'une ville. C'est celle d'un pays entier, et d'ailleurs le fait que nous proposions de l'organiser sur l'ensemble du territoire est un des éléments marqueurs de cette candidature.

Ensuite, le dépôt du dossier aura lieu en 2016, et la décision sera prise en 2018 par les 170 États membres du Bureau international des expositions (BIE). Cette structure, qui porte les expositions universelles dans le monde, existe depuis 1928 et son siège est à Paris. Les chefs d'État y délèguent tous les cinq ans un ambassadeur pour voter l'attribution d'une Exposition universelle. Ce sont donc les États qui candidatent et qui choisissent.

À la fin de l'année 2014, le Président de la République a officiellement annoncé que la France serait candidate à l'Exposition universelle de 2025. Nous sommes donc entrés dans un processus de construction de notre candidature, pour être les premiers à déposer un dossier en avril 2016, au BIE. Suivra une campagne électorale au niveau international, puisqu'il faut aller voir l'ensemble des pays qui votent, pour les convaincre que la France pourrait être le pays hôte de cette Exposition universelle.

Plusieurs rendez-vous se sont tenus à Matignon. Le Premier ministre nommera un délégué interministériel pour nous accompagner dans ce processus de candidature. Un certain nombre de partenaires, dont la liste s'allonge de jour en jour, se sont d'ores et déjà mobilisés – des collectivités, mais aussi des entreprises et des associations.

Une série de diapositives, que je vais vous commenter, illustre le thème « ExpoFrance 2025 ».

Évoquons tout d'abord, les grandes orientations de la candidature :

Une candidature à une Exposition universelle est un appel « universel » à la mobilisation. Celle-ci sera une exposition multipolaire, dans la mesure où nous avons pris le parti de ne pas nous limiter à un seul site.

C'est un projet entrepreneurial et collaboratif. Le modèle économique choisi est extrêmement particulier puisqu'il ne sera pas fait appel à des subventions. Enfin, c'est un projet très axé sur des mobilités. Ceux qui en sont les acteurs reviendront sur le sujet tout à l'heure.

Ensuite, passons au thème de cette Exposition universelle : « Au coeur des territoires s'ouvre celui des hommes ».

Bien sûr, ce n'est pas un thème proprement dit, puisque l'exposition se veut universelle, donc ouverte sur l'ensemble des problématiques mondiales. Mais c'est le résultat d'un travail mené pendant deux ans par 400 étudiants sur ce que devrait exprimer une Exposition universelle. Et pour eux, c'était l'hospitalité.

Selon eux, il existe deux types de mondialisation possibles : une mondialisation très « standardisante », très lissante qui neutralise petit à petit nos cultures et nos avantages comparatifs ; et une mondialisation qui, par le truchement de toutes les technologies et de tous les effets amplificateurs, peut nous permettre de mieux appréhender la diversité des hommes, des territoires et des cultures. Et la mondialisation dont cette génération a envie, c'est la seconde, celle qui s'enrichit de ses diversités territoriales.

L'expression « au coeur des territoires s'ouvre celui des hommes » est ainsi née de la nécessité d'accueillir, mais également d'offrir des regards sur la diversité des cultures dans le monde. Et cela nous a paru particulièrement heureux, compte tenu de notre diversité territoriale et culturelle.

Il est question de bâtir une exposition sur plusieurs pôles, tout en respectant le cahier des charges du BIE qui impose, notamment, un site central. Le site central sera ici un grand pôle numérique où l'on pourra découvrir les cultures, les atmosphères et les paysages du monde entier. Ce que l'on pourrait appeler aussi « village » ou « palais » ou « galerie » numérique reste à inventer. Cet espace unique de 200 000 à 300 000 mètres carrés, qui pourra accueillir 50 à 80 millions de visiteurs, fera l'objet d'un appel à projets, sur le territoire du Grand Paris. Ensuite, douze « forums » de l'Exposition universelle : « villages », « palais » ou « galeries » thématiques seront répartis sur Paris, le Grand Paris et les métropoles françaises.

J'ajoute qu'un territoire numérique sera ouvert avant l'exposition. Il accueillera, notamment, une plate-forme d'appel à l'innovation afin de résoudre tous les problèmes posés par l'accueil d'une Exposition universelle et cette trajectoire d'innovation.

Le « Village numérique » permettra une expérience immersive au coeur des territoires du monde. En 1900, on avait imaginé de construire sorte de sphère immense, que les gens auraient pu visiter par un système de passerelles, afin de découvrir l'ensemble des pays du monde. C'est un peu l'idée qui inspire le « Village numérique » : découvrir le monde par le biais des technologies du moment, des technologies de projection d'images qui seront certainement très intéressantes à découvrir à cette occasion.

Ce « Village numérique » sera développé par un groupement d'entreprises et d'universités françaises et internationales. C'est un projet d'innovation en tant que tel, géré par une entreprise dédiée – comme l'a été à l'époque la tour Eiffel – et enrichi à partir d'une plate-forme de crowdsourcing, d'appel à l'innovation mondiale, pour incrémenter toutes les innovations qui pourraient être nécessaires. Le budget d'investissement sera de 500 millions d'euros. Enfin, le site, sélectionné sur appel à projets, sera converti après l'exposition.

On l'a dit, douze forums, palais ou galeries thématiques seront répartis à la fois sur le territoire de Paris, du Grand Paris et dans les métropoles. Sur l'une des diapositives, vous trouvez le palais de référence de toutes ces grandes expositions universelles : le « Palais des machines ». Le dernier, qui date de 1900, fut le Grand Palais.

L'idée est que la nouvelle exposition ne sera pas construite sur le modèle des pavillons actuels construits par pays, mais sur le mode de douze grandes galeries transversales où tous les pays pourront venir exposer et partager ce qu'ils peuvent mettre en avant, dans le cadre du thème proposé.

Il y aura : l'agora des arts vivants ; la galerie des paysages ; le « mooc » des connaissances – un massive open on line course, qui durera pendant six mois et portera sur toute une série de thèmes ; le quartier oxygène, très écologique ; une galerie sur les terres d'accueil, liée au tourisme ; un espace avant-gardiste sur les mobilités connectées ; le palais des découvertes ; un site sur les nouveaux patrimoines du nouveau siècle ; le grand restaurant du monde ; le palais des images ; un voyage dans l'espace et le génie du corps, un site sur les grandes problématiques de santé publique. Là encore, ces grandes thématiques ont été travaillées avec une douzaine d'universités et de grandes écoles françaises.

Ces douze forums seront adossés à des sites existants, à des monuments ou à des sites en projet. Des villes, des départements ou des régions nous ont dit avoir un projet de musée, de palais des congrès ou de stade et vouloir l'intégrer dans l'une de ces douze grandes thématiques. Il s'agit d'utiliser ce qui est en cours ou qui pourrait l'être, et de l'adapter aux besoins de chaque thème. Le montant estimatif des cofinancements de la part de la structure d'organisation de l'Exposition universelle est de 800 millions d'euros. Les sites seront sélectionnés via un appel à projets, qui sera probablement lancé au cours de 2015.

La dernière orientation de notre candidature réside dans les mobilités interconnectées et positives. L'exposition étant multipolaire, les mobilités doivent être à l'avenant.

Il me semble important de ne pas faire des mobilités des éléments de contrainte, mais des éléments positifs. Nous aurons à travailler sur un système de gestion multimodale des déplacements. Il faut pouvoir anticiper les centres d'intérêt et le voyage qu'aura à effectuer, notamment sur le territoire français, toute personne qui souhaite se rendre à l'Exposition universelle de Paris, qu'elle vienne d'Australie, d'Amérique ou d'ailleurs. C'est la raison pour laquelle ADP, la SNCF, la Société du Grand Paris, Renault, la RATP et Air France, tous partenaires d'ExpoFrance depuis plus d'un an, travaillent sur la construction de ces mobilités.

Passons aux éléments financiers du projet – le business plan.

On prévoit un peu plus de 3 milliards de recettes. Ces recettes sont construites autour de l'hypothèse de 40 millions de visiteurs – une part des 80 millions de visiteurs qui entrent en France chaque année – et d'un ticket à 40 euros permettant de visiter le pavillon numérique et l'ensemble de ses sites. Cela génère une recette d'à peu près 1,6 milliard d'euros. Par ailleurs, les exposants contribuent également aux recettes, on prévoit 100 000 exposants – traditionnellement, il y en a 200 000 à 250 000 sur une Exposition universelle – avec un droit d'entrée à 10 000 euros. D'où une recette supplémentaire d'un milliard d'euros. Il faut enfin évoquer une série de recettes liées, entre autres, au site internet sur lequel les prévisions de trafic seraient de l'ordre d'un milliard de connexions de visiteurs uniques.

La prévision de dépenses est de 2,9 milliards. Le préfinancement du Village numérique représenterait 500 millions d'euros. Le cofinancement des douze forums, destiné à soutenir les initiatives des collectivités, serait de 800 millions d'euros. Il faudrait compter 500 millions d'euros pour la promotion, 700 millions d'euros pour l'organisation, et environ 400 millions d'euros pour l'aménagement et la location d'espaces – pour les exposants, notamment.

Cela conduit à un résultat net d'à peu près 200 millions d'euros, sur lequel il y a un effet de levier. Un groupe travaille avec les banques sur la façon d'utiliser ces 200 millions. L'idée est qu'avec un effet de levier de 4 ou 5, on pourrait mobiliser entre 1 et 1,5 milliard d'euros qui viendraient financer les innovations proposées sur la plate-forme de crowdsourcing.

Ce modèle semble complètement nouveau. Mais c'est exactement celui des expositions universelles du XIXe siècle, qui étaient tellement portées par la Révolution industrielle qu'elles n'ont pas coûté un franc d'argent public. Et j'ai lu des lettres de députés qui demandaient des faveurs pour acheter, au moment de l'Exposition universelle de 1889, davantage d'actions qu'ils n'en avaient le droit, tellement la perspective de gains était importante !

Malgré tout – et ce fut l'objet d'une discussion avec le Président de la République – la société d'organisation de l'Exposition universelle aura besoin d'une garantie de l'État pour lancer un emprunt obligataire, avant l'Exposition universelle. C'est nécessaire, dans la mesure où cette société n'est pas capitalisée et n'a donc pas d'historique financier. C'est la raison pour laquelle nous travaillons sur les grands principes de cet emprunt obligataire.

Ce sujet n'a de sens que s'il n'y a pas d'utilisation d'argent public – sauf pour soutenir et cofinancer les projets qui existent déjà. Si l'on avait recours aux subventions, ce projet d'Exposition universelle manquerait son objectif, qui est de pouvoir financer cette trajectoire.

La dernière diapositive présente la liste des partenaires d'ores et déjà mobilisés sur l'opération.

En conclusion, je vous propose de visionner le petit film qui a été présenté à la Fondation Louis Vuitton la semaine dernière…

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