Intervention de Bernard Soulage

Réunion du 18 mars 2015 à 9h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Bernard Soulage, vice-président de la région Rhône-Alpes délégué à l'Europe et aux relations internationales :

J'interviens au titre de l'Association des régions de France (ARF), et sans doute aussi parce que notre région a activement participé à l'Exposition universelle de Shanghai et qu'elle est très impliquée dans celle de Milan.

Je vais d'abord vous dire quelques mots de notre expérience. À Shanghai, nous avions un pavillon – situé sur la deuxième zone, sur la rive droite du Bund – où nous nous rendrons dans quinze jours pour accueillir une importante délégation composée, notamment, de parlementaires. À Milan, nous sommes également présents parce que nous sommes très liés à la Lombardie. Nous intervenons à l'intérieur du pavillon France. Mais nous travaillons aussi avec nos partenaires des « quatre moteurs pour l'Europe » que sont la Catalogne, la Lombardie et le Bade-Wurtemberg, dans le pavillon lombard, juste à côté du pavillon italien.

Je voudrais ensuite revenir sur quelques points.

Premièrement, le nombre des participants : sachez que celle de Shanghai a reçu moins de 10 millions d'étrangers et 63 millions de Chinois. C'est logique, car l'exposition avait été principalement faite pour les Chinois – d'ailleurs les seuls à accepter de faire quatre heures de queue pour entrer dans un pavillon. (Sourires) Milan recevra un nombre bien plus modeste de visiteurs : 10 millions d'étrangers, voire un peu plus compte tenu de la proximité européenne, et 10 à 12 millions d'Italiens.

Je remarque que ces visiteurs sont principalement des touristes, qui viennent voir des pavillons, et qu'il y a très peu de VIP et de personnes intéressées par le business. Avec les Chinois, c'était caricatural. Ce sera sans doute encore le cas à Milan, bien que l'on ait essayé de limiter le phénomène.

Deuxièmement, l'héritage des expositions : à l'occasion des derniers jeux olympiques d'hiver et d'été, je me suis aperçu que cet héritage était fondamental dans le choix du pays d'accueil. Au comité international olympique (CIO), c'est le mot qu'il faut utiliser. De la même façon, au BIE, il devient de plus en plus important de démontrer qu'il y aura un héritage.

Cela dit, cela dépend des manifestations. L'héritage de Shanghai est quasi nul. Le seul héritage, ce sont les lignes de métro, qui auraient sans doute été faites dans les mêmes conditions, puisqu'elles l'ont été à Pékin. Mais les pavillons n'existent plus, la zone n'est pas encore reconvertie. Les Chinois n'avaient d'ailleurs aucun objectif d'héritage puisque tout était démontable, même le pavillon chinois. Dans leur logique, il s'agissait d'abord de faire venir des visiteurs et ensuite, que la vie continue comme avant. Quant à l'héritage de l'exposition de Milan, il sera faible. Pour les jeux olympiques, c'est assez différent. Ceux de Pékin ont laissé un héritage assez faible, purement sportif : un parc sans trop d'intérêt, qui vit mais n'a pas transformé la ville. En revanche, à Londres, on a assisté à une véritable transformation de quartiers – en particulier, avec la rénovation d'une partie très difficile de la ville.

Troisièmement, la thématique de l'exposition de Milan, que les Italiens ont volontairement choisie unique : « Nourrir la planète ». De fait, l'exposition est entièrement centrée sur l'alimentation et l'agroalimentaire. Ils ont fait ce choix d'abord parce qu'il s'agissait, selon eux, d'un sujet fédérateur au niveau de la planète, ensuite parce qu'ils voulaient démontrer que la Lombardie était capable de faire autre chose que de l'industrie, enfin parce qu'ils voulaient accentuer la dimension « business » de l'opération. C'est le moyen de dire aux visiteurs qu'une Exposition universelle, ce n'est pas uniquement des pavillons, mais aussi des colloques et beaucoup de travail sur le fond.

L'exposition ne commence que dans deux mois et on ne peut pas dire si elle sera ou non une réussite, ni si le fait d'avoir choisi une seule thématique – certes large – changera par rapport à tout ce qui a été fait précédemment, qui était très généraliste.

Jusqu'à présent, toutes les expositions universelles ont misé sur des pavillons nationaux dans la mesure où c'est le seul moyen de « gagner de l'argent ». La logique que vous avez adoptée pour 2025 est toute autre et cela m'amène à m'interroger.

Aujourd'hui, ce qui intéresse des pays comme l'Arabie saoudite ou le Qatar, c'est de réaliser un formidable pavillon pour attirer, à terme, des visiteurs chez eux. Ils l'ont fait à Shanghai et ils le referont à Milan. De son côté, la France avait réalisé un simple escalier, où l'on descendait et d'où l'on ressortait après avoir vu les grandes marques et les savoir-faire français. Le pari avait en effet été fait que 5 à 10 millions de personnes passeraient par ce pavillon.

L'exposition de Milan, qui porte sur une thématique précise, s'organise toujours autour de pavillons nationaux. En revanche, celle de Paris ferait « exploser » la dimension nationale dans douze lieux. Cela mérite d'y réfléchir, ne serait-ce que pour des raisons financières. Nous aurons besoin de bailleurs de fonds. Je n'ai pas encore vu d'Exposition universelle qui n'ait pas fait, au moins partiellement, financer les pavillons par les intéressés. Ma région contribue au pavillon français de Milan parce que nous y allons. Mais cela reste un pavillon national, avec un responsable français, chargé de récolter l'argent des régions, des villes, des entreprises. La logique que vous proposez est toute autre.

Je suis très lié au président de la région Piémont et au maire de Turin – ville qui n'est qu'à une heure de TGV de Milan. Pourtant, leur participation à l'Exposition universelle sera assez modeste. Seront d'abord concernés la ville de Milan, la région lombarde et l'État italien. Votre projet a une dimension plus « nationale ».

Honnêtement, je pense que c'est jouable. Mais cela suppose que certains États ne s'y opposent pas en disant qu'ils ne sont intéressés que par Paris, et qu'ils tiennent à leur pavillon national. Cela pourrait avoir des conséquences sur le choix du BIE qui, tout comme le CIO, est le siège d'une diplomatie très complexe. Je vous mets en garde. Pour preuve, je suis en train d'organiser un grand événement à Lyon pour préparer la COP 21 et l'un des principaux obstacles auquel je me heurte est précisément que certains des participants voudraient aller à Paris.

Enfin, les régions, et je parle au nom de l'ARF, seraient intéressées par cette dynamique qui associe les métropoles. Je conseille toutefois de ne pas s'en tenir aux seules métropoles. En effet, en fin de compte, ce sont les régions les plus grandes contributrices. J'en veux pour preuve les deux dernières expositions universelles. D'ailleurs, pour préparer l'Exposition de Milan, le ministre et le délégué général font la tournée des régions, afin de les mobiliser.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion