Vous l'avez compris, le caractère multipolaire de notre projet fait débat. Certes, les expositions du XXe siècle ont évolué vers un système de pavillons. Mais pour autant, cela ne figure pas dans le cahier des charges du BIE. Ce n'est pas une obligation, c'est une dérive.
Au XIXe siècle, les expositions universelles n'avaient pas de pavillons, mais de grandes galeries thématiques. L'idée était d'y réunir le monde pour y partager des inventions et des innovations. Ensuite, quand l'esprit d'innovation s'est un peu délité, on a supprimé les grandes galeries communes, et on s'est reporté sur les cafés et restaurants que les pays installaient en périphérie : le café de la Belgique, celui du Chili, etc. C'est l'origine des pavillons nationaux. Mais l'ère des pavillons n'est plus innovante. À Shanghai, on a fait appel à des architectes internationaux qui exposent ce qu'on a l'occasion de voir par d'autres canaux : l'internet, la 3D, etc. Les expositions avec des pavillons n'ont plus d'avenir parce qu'elles ne correspondent plus à rien.
Je précise que l'idée de cette nouvelle structure a été « mûrie » par un groupe de 400 jeunes que nous mobilisons depuis deux ans, et auxquels nous avons demandé ce que serait pour eux une Exposition universelle du XXIe siècle. Ils nous ont tous dit que faire la queue dans des pavillons pour voir une architecture que l'on voit ailleurs, les produits que fabriquent les pays et un peu de folklore, ne les intéressait pas. Ce qui les intéresse, c'est de partager des expériences – terme utilisé dans tous les groupes de travail.
Nous avons donc décidé de ne pas reproduire le modèle de Shanghai, que va reprendre Milan et que fera Dubaï. Inventons un autre modèle, tout en restant dans l'esprit du BIE – en veillant à ne pas transgresser le cahier des charges.
Sans doute est-ce un peu risqué, car certains vont peut-être nous dire qu'ils tiennent à leur pavillon national. Mais si l'on ne prend pas ce risque, sincèrement, notre candidature n'aura aucun intérêt. N'oublions pas que l'on sortira de l'exposition de Dubaï de 2020, qui mettra des dizaines et des dizaines de milliards pour construire une nouvelle ville avec un système de pavillons. Présenter en 2025 un modèle dégradé de ce qu'aura fait Dubaï ou Shanghai n'aurait pas de sens.
L'idée est de jouer la multipolarité, et de jouer sur les transports. C'est une contrainte, mais c'est aussi un challenge extraordinaire que d'amener les opérateurs de transport à innover. On pourra répondre au BIE qu'il y aura plusieurs sites, mais que, par là même, nous serons capables, en 2025, de proposer une expérience de transports toute autre que celle d'aujourd'hui.
On doit néanmoins respecter le cahier des charges du BIE. J'ai tenu plusieurs réunions avec son secrétaire général, un Espagnol, qui a simplement exigé que, sur au moins un site, tous les pays se retrouvent à égalité. De la même façon, dans le cadre de la mission parlementaire que nous avons animée avec Bruno Le Roux, le secrétaire général a précisé que nous pourrions tout imaginer, la multipolarité, la mise en place de grands pavillons thématiques dans le Grand Paris et dans le reste de la France, sous réserve d'aménager un site central. C'est la raison pour laquelle nous avons imaginé le pavillon numérique.
Ensuite, plusieurs d'entre vous se sont interrogés sur la place des territoires ruraux. On ne veut pas trop bousculer le BIE en lui annonçant que l'on va s'installer dans la ruralité profonde. Mais l'idée est que le visiteur puisse se rendre dans des sites agréés, des villes ou des villages figurant sur une liste préétablie ; j'ai d'ailleurs suggéré à notre collègue Yves Albarello de voir s'il était possible de travailler sur cette question en partenariat avec le Conseil national des villes et villages fleuris français. De cette façon, le visiteur se verrait proposer : le site numérique ou site central, les douze forums, et une liste de 1 000 ou 2 000 sites agréés, pouvant aller jusque dans les zones rurales.
Certains se sont interrogés sur le modèle économique prévu. Certes, ce n'est pas celui des pavillons. Mais peut-être l'avez-vous remarqué, dans le projet financier sur lequel on travaille, les pays ne sont pas sollicités comme c'est habituellement le cas ; par exemple, la France a mis 50 millions d'euros dans son pavillon de Milan. Nous avons plutôt envie de proposer aux pays d'amener de la ressource technologique pour que ce pavillon numérique soit une expression très contemporaine et inventive de ce partage d'expériences autour des technologies nouvelles.
Selon les spécialistes, notre modèle est à la fois « B to B » et « B to C » : il est très professionnel, très exigeant sur le plan de la technologie et des transports ; en même temps, il réintègre la dimension ludique des expositions universelles en multipliant les offres d'expériences populaires ouvertes au grand public.
J'en viens à la dimension écologique de notre approche. Nous utilisons l'existant et, par là même, nous valorisons notre patrimoine. On ne réinvente pas du dur, car cela paraîtrait un peu suranné. Il n'est pas question de recréer une Exposition avec des centaines d'hectares de constructions. Il n'y aura que quelques monuments emblématiques.
On a le patrimoine, on a l'écrin. Mais le monde entier a son écrin : c'est le Sahara chez l'un, une ville chez l'autre, etc. L'idée est que le monde est un patrimoine, qu'il vaut mieux utiliser le numérique pour le valoriser plutôt que de le reconstruire en permanence.
Sur un tel projet, l'effet accélérateur est essentiel. Comme le rappelait l'un d'entre vous, une Exposition universelle constitue une étape. La concevoir comme un objectif ou une finalité serait une erreur stratégique. C'est une étape qui entraîne, mais ce n'est jamais qu'une étape dans un processus d'innovation et, d'une certaine manière, dans un processus de confiance. Avec un tel projet, on fait ensemble de la politique, au sens premier du terme.
J'ai conscience que je ne réponds pas à toutes les questions, mais je pense que nous aurons l'occasion de reparler de ce sujet et de l'enrichir.