Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur la participation d'autres pays aux diverses opérations extérieures.
Il y a un point très positif : la participation européenne au Mali. La MINUSMA, dispositif d'action militaire essentiel pour la sécurisation du territoire, compte 400 Néerlandais, 200 Suédois, des Allemands et des Espagnols et les Britanniques continuent de nous aider en matière de transports. Avec mes homologues suédois et néerlandais, nous allons nous rendre prochainement au Mali pour bien marquer la dimension européenne de cette force. Nous pourrions toujours revenir sur la situation du passé, qui appelle une autre question : parmi les pays européens, qui a la capacité d'entrer en opération en premier ? À part la France et le Royaume-Uni, s'il le veut bien, il n'y en a pas d'autres. Mais s'agissant de la situation actuelle, il n'y a rien à dire.
Pour le Nigeria, les choses sont différentes. Nous n'y sommes pas présents et, pour être clair, nous n'avons pas l'intention d'aller directement au combat. Si un État avec lequel nous sommes alliés, comme le Niger ou le Tchad, avait besoin de notre soutien, nous le lui apporterions, mais il n'est pas demandé d'intervention au Nigeria. Notre mission dans la région recouvre l'assistance, le conseil, le renseignement dans le cadre de la cellule de coordination et de liaison installée à N'Djamena dans les locaux qui abritent le poste de commandement de l'opération Barkhane.
Certes, il serait bon que les Britanniques participent. Pourquoi ne le font-ils pas encore ? Plusieurs raisons peuvent expliquer leur attitude. Tout d'abord, ils se trouvent dans une période pré-électorale. Ensuite, ils sont confrontés à un précédent : en août 2013, le Parlement britannique a voté contre l'intervention en Syrie. Enfin, ils sont au début d'une révision de l'équivalent de leur Livre blanc et de leur loi de programmation militaire, qui ne sera effective qu'après les élections. Cela n'empêche pas nos relations d'être bonnes. J'ai pu ainsi dire à mon homologue qu'il serait des plus utiles que deux officiers britanniques rejoignent rapidement la cellule précitée.
Je me réjouis par ailleurs qu'une véritable volonté africaine se soit fait jour et se manifeste très concrètement, alors qu'auparavant ces initiatives tenaient souvent du déclaratoire. Les soldats se battent. Il faut dire que ces pays sont directement menacés. Prenons le cas du Tchad, confronté au Nord aux combats en Libye, au Sud à Boko Haram, à l'Est aux Shebab. Nous devons pouvoir accompagner cette dynamique positive.
Je dois dire que je suis plus optimiste qu'il y a quelques jours pour ce qui est de la lutte contre Boko Haram.
La Tunisie, monsieur Pueyo, a, en effet, un rôle essentiel à jouer. Jusqu'à l'élection du président Essebsi à la fin du mois de décembre 2012, le pays se trouvait dans une situation politique complexe. Il est à présent entré dans une logique de coopération plus active. L'Algérie soutient la restructuration de l'armée tunisienne et la France est entrée dans un processus collaboratif, conjointement avec les Émirats arabes unis.
Avec l'Égypte, le renforcement de nos relations va au-delà de la vente de Rafale, de la FREMM et de quatre corvettes. La formation des pilotes et marins appelle le développement d'étroites collaborations, marquées par le volontarisme de part et d'autre. Nous avons passé un accord de principe dans le domaine des forces spéciales et du renseignement et deux directeurs de nos services de renseignement se rendront sur place dans les jours qui viennent.
Si l'armée égyptienne a attaqué plusieurs positions de Daech autour de Derna en représailles de l'assassinat de ses ressortissants coptes, je ne suis cependant pas sûr qu'elle soit en mesure de mener des opérations au sol d'envergure en Libye. La longueur de ses frontières exige qu'elle puisse protéger également la partie sud de son territoire.
Entre l'Égypte et l'Algérie, il n'y a pas de convergence au sujet de la Libye. Ma volonté personnelle – mais j'entre sur un terrain qui ne relève pas directement de ma compétence – est que l'Égypte, l'Algérie et le Tchad adoptent une position commune. Ce serait un préalable à la mise en place d'un processus qui pourrait avoir le soutien de l'Italie, de la France, des États-Unis et des Nations unies.
Compte tenu du fait que le ministre algérien des Affaires étrangères, M. Ramtame Lamamra, s'est, il faut le dire, beaucoup impliqué dans la résolution du processus de pacification au Nord-Mali, une action de l'Algérie est-elle possible du côté de la Libye ? Cela n'est pas certain. Mokhtar Belmokhtar, chef du groupe Al-Mourabitoune, né de la fusion avec le MUJAO, qui a organisé la prise d'otages du site In Amenas, menace à nouveau la sécurité algérienne. On peut penser qu'il y aura une prise de conscience mais, pour l'instant, elle n'est pas effective.
La mission des Nations unies dirigée par Bernardino León a du mal à aboutir. J'ai cru comprendre qu'une date butoir serait fixée par une résolution pour déterminer jusqu'à quand les négociations pourraient avoir lieu, mais je n'en suis pas certain.
Le cas libyen préoccupe particulièrement l'Italie. Une rencontre entre les ministres de la défense et des affaires étrangères italiens et français aura lieu dans les jours qui viennent pour décider des initiatives qui peuvent être prises.
S'agira-t-il de pousser Bernardino León à conclure un accord provisoire pour permettre à un embryon d'État de se mettre en place ? Auquel cas, cela nécessiterait de déployer des forces d'accompagnement pour consolider la sécurité du dispositif. Pour l'heure, la France n'a ni la vocation ni la capacité à assurer seule ce genre d'opération. Le Premier ministre Renzi et son ministre des Affaires étrangères travaillent à un concept d'opération de maintien de la paix. Espérons qu'il y aura rapidement des éclaircies en ce domaine. Je reste prudent et très inquiet.
S'agissant de l'Égypte, je ne voudrais pas oublier de mentionner la visite que j'ai rendue au pape de l'église copte Théodore II, pour présenter les condoléances de la France au nom du Président de la République. Je tiens à le rappeler car cet acte très symbolique a été éclipsé dans les médias par la signature du contrat Rafale.
Quant au mécanisme Athena, je ne peux que vous encourager à travailler à son élargissement, monsieur Pueyo. À cet égard, je dois vous préciser que lors de la réunion informelle des ministres européens de la Défense à Riga il y a dix jours, j'ai poussé un « coup de gueule » comme on dit, à propos du dispositif EUMAM de formation des cadres de l'armée centrafricaine. Le principe de la participation de soixante officiers a été acté il y a deux mois par une réunion formelle des ministres de la Défense et il a été impossible de faire venir ces soixante officiers, alors même qu'ils bénéficient de la protection de la MINUSCA et de Sangaris. L'une des raisons de cette situation particulièrement irritante est financière. Tant que le dispositif Athena ne couvrira que 10 % des coûts d'une opération, les vocations ne pourront être stimulées. Les Britanniques, qui bloquent la situation, m'ont dit qu'ils feraient un effort. Pour l'heure, l'effort que je crois deviner est extrêmement marginal. Il est nécessaire d'élargir le périmètre du dispositif Athena aux transports et aux équipements des armées auxquelles nous apportons notre soutien.
Quant aux milices de défense des chrétiens d'Irak, je ne dispose pas d'informations précises à ce sujet.
Vous évoquez, monsieur Marty, la possibilité d'une intervention de la France en Libye. Pour l'heure, nous n'en voyons même pas le début. Nous nous en tenons à des actions de renseignement, en particulier dans le Sud. Les Italiens, comme je l'ai dit, travaillent à la mise en place d'une opération de maintien de la paix, mais celle-ci ne sera possible que s'il y a un accord politique. Or, deux gouvernements et deux parlements continuent de coexister et le président égyptien Sissi ne reconnaît que celui de Tobrouk, considérant qu'il a été élu et l'autre pas, ce qui est au moins en partie vrai. Même si les Égyptiens ont abaissé le niveau de leurs exigences, la perspective d'une résolution n'est donc pas encore proche. Je ne peux prendre d'engagement sur une intervention de la France, compte tenu du très fort niveau d'emploi de nos forces, même si les effectifs dédiés à Sangaris sont appelés à diminuer.
Pour ce qui est de l'otage française, je me suis fixé pour principe de ne rien dire dans ce type de situation. Nous ne restons pas inertes, nous suivons de très près cette affaire, soit directement, soit indirectement. Je remarquerai seulement que le fait que l'enlèvement n'ait pas été revendiqué incite à aller vite.
S'agissant de la RCA, les consultations populaires sont en cours. Elles sont organisées dans chacune des préfectures et couvrent 80 % de la population. Certains voulaient empêcher qu'elles aient lieu à N'Delé et Bria, mais elles ont finalement pu s'y tenir. Un seul endroit a été laissé de côté pour l'instant, la préfecture de Vakaga, avec Birao, comme cela a déjà été le cas par le passé.
Vous le savez, nous avons condamné le processus de Nairobi, auquel ont pris part des hommes tels Michel Djotodia ou Nourredine Adam, qui feront l'objet de poursuites de la part de la Cour pénale internationale. Certains affirment que les Américains ont joué un rôle dans cette initiative tout à fait inappropriée. Peu importe. Notre ligne est de soutenir le processus initié en vue de la tenue du Forum de Bangui et des élections, sous l'égide du médiateur Denis Sassou-Nguesso.
Monsieur Lamour, j'en viens aux questions budgétaires que vous avez soulevées.
Je vous indique tout d'abord que la charge supplémentaire induite par les 1 500 postes que le mouvement de moindre déflation préserve pour 2015 peut être intégrée dans le budget, compte tenu des baisses du coût du carburant et de certains effets déflateurs.
S'agissant des OPEX, le surcoût a été de 140 millions d'euros pour janvier et février, soit un niveau inférieur à l'année dernière, du fait notamment de la moindre ampleur de l'opération Sangaris. Nous espérons maintenir cette tendance jusqu'à la fin de l'année. Le porte-avions Charles-de-Gaulle devait de toute façon être mobilisé pour des missions opérationnelles, notamment en Inde. C'est dans ce cadre que s'insérera, pendant huit semaines, sa participation à l'opération Chammal. Je vous rappelle que, conformément à l'article 4 de la loi de programmation militaire, le surplus global des coûts fait l'objet d'un financement interministériel. Il n'y a pas de raison que ce ne soit pas le cas cette année.
Vos questions renvoient à une double interrogation.
Premièrement, quel contrat opérationnel notre pays donnera aux forces armées pour la protection du territoire sur la durée ? Ce sera le sujet de l'actualisation de la loi de programmation militaire. Nous ne sommes plus dans l'hypothèse prévue par la LPM en cours, qui prévoyait la mobilisation de 10 000 hommes en une semaine pour une courte durée. Il faudra bien en tirer les conséquences. Je ne suis pas en mesure de vous apporter des réponses aujourd'hui, car nous sommes en train de travailler sur le type de mobilisation que l'on peut attendre de nos forces armées au titre de la mission de protection du territoire, qui est l'une des trois missions essentielles qu'elles sont appelées à remplir, aux côtés de la dissuasion et de l'intervention extérieure.
Deuxièmement, comment seront pris en charge les coûts liés à l'opération Sentinelle ? Je vous confirme que son coût est bien d'environ un million par jour, compte tenu des dépenses liées aux primes, à l'alimentation, à l'hébergement et au MCO. Son statut d'opération militaire intérieure, OPINT, l'a fait rentrer dans la catégorie des OPEX +. Elle constitue selon moi une forme d'OPEX. Je serai amené à mettre ces questions sur la table à la faveur de l'actualisation de la LPM.