Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 10 mars 2015 à 17h15
Commission des affaires européennes

Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur :

Le sujet du PNR a été posé pour la première fois au Parlement européen en 2003. Entre cette date et 2015, nous savons quelles ont été les majorités au sein de cette institution. En ce qui concerne les socialistes, Mme Revault d'Allonnes vous a répondu, madame Fort. J'ai également pu constater que les socialistes allemands ont évolué, ce qui facilite mes discussions avec le ministre de l'intérieur allemand, lequel est soucieux que ce sujet ne soit pas abrasif pour sa coalition. Je suis donc confiant, mais, comme je le dis souvent, citant un dicton normand, une grande confiance n'exclut pas une petite méfiance. Il faut être pugnace, sans antagoniser personne, pour parvenir à un compromis et à un vote dans le courant de l'année.

Y a-t-il des États réticents ? C'est la question de Mme Karamanli et de Mme Bechtel. Des États ont été réticents, mais la proposition déposée devant le Parlement européen est le résultat d'un accord du Conseil et de la Commission européenne. Le Conseil européen a demandé l'inscription du PNR, et je n'ai entendu aucun de mes homologues autour de la table y témoigner de l'hostilité.

M. Bleunven demande s'il est possible de travailler à la création d'un espace plus intégré avec l'Afrique du Nord. Oui, c'est la compétence du Service européen pour l'action extérieure (SEAE), qui dispose d'un certain nombre de fonds pour aider au développement économique de ces pays. C'est d'ailleurs notre volonté que la Commission renforce ses relations avec les pays de provenance et crée les conditions d'une prise en charge des migrants dans ces pays. C'est un sujet sur lequel elle n'est pas encore suffisamment mobilisée, et le HCR est souvent à l'avant-garde.

En ce qui concerne, madame Karamanli, les agendas de la lutte contre l'immigration irrégulière, il s'agit de faire monter Frontex en puissance et d'assurer la protection des frontières extérieures, ensuite de faire travailler les services de police et de justice ensemble dans la lutte contre les filières de l'immigration irrégulière, de travailler avec les pays de provenance, et d'examiner l'ensemble des textes pouvant permettre d'articuler l'action des pays. Il faut bien entendu que la France adapte sa législation. Il doit y avoir une première lecture du texte sur l'asile au Sénat ; je souhaite que ce texte soit adopté avant la fin de 2015. Il est par ailleurs prévu que le texte sur l'immigration soit débattu au Parlement au cours du premier semestre de cette année. Ces deux textes relèvent de deux logiques, mais avoir l'un sans l'autre nous priverait d'une politique globale et cohérente.

En matière d'interceptions téléphoniques, monsieur Popelin, j'ai expliqué notre action à l'échelle européenne et internationale en ce qui concerne les communications sur internet. Nous menons ce combat en mobilisant l'ensemble des opérateurs. Nous procédons par ailleurs à des échanges d'informations entre pays de l'Union concernant des interceptions conduites par les uns et les autres dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Le trafic d'armes à feu, monsieur Popelin, est un trafic compliqué à maîtriser car, contrairement au trafic de stupéfiants, qui porte sur de grandes quantités et où des sommes spectaculaires d'argent s'échangent, cela concerne un très faible nombre d'armes et de petits montants financiers. Une kalachnikov coûte 250 euros. C'est donc un travail de dentelière qui doit être conduit, reposant sur le renseignement, sur Interpol, sur les moyens de la lutte contre la cybercriminalité, que nous entendons mobiliser.

En ce qui concerne les foreign fighters, j'entends dire qu'il ne faudrait pas qu'ils reviennent, et certains hommes politiques français m'expliquent que la Grande-Bretagne va prendre des dispositions en ce sens. Non, la Grande-Bretagne ne peut pas empêcher des ressortissants britanniques de revenir en Grande-Bretagne, car c'est contraire au droit international. Aucun pays ne peut refuser le retour sur son sol de ses nationaux : on ne peut pas fabriquer des apatrides. La Grande-Bretagne – j'ai eu de nombreuses discussions à ce sujet avec mon homologue britannique – nous a demandé, quand nous repérons un combattant de nationalité britannique dans un aéroport français, de signaler sa présence aux autorités britanniques et de le garder quelques heures, de telle sorte qu'elles puissent le récupérer dans des conditions permettant sa mise hors d'état de nuire et sa judiciarisation.

Si tous les pays de l'Union prévoyaient d'interdire le retour des combattants, tous se retrouveraient avec les combattants étrangers des autres pays sur leurs territoires sans possibilité de les judiciariser. Préconiser cette mesure est donc absurde. Cela n'empêche pas qu'elle revienne régulièrement dans le débat, car ceux qui avancent l'idée, bien qu'ils sachent qu'elle ne peut être appliquée, s'imaginent qu'elle plaît. Comme il arrive que l'on cherche à plaire plutôt qu'à être efficace, je ne doute pas que nous en entendrons encore parler.

En ce qui concerne la directive « Retour », monsieur Larrivé, c'est un sujet que nous traitons. Nous avons demandé à Frontex de financer les retours, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Nous devons faire monter le dispositif en puissance et tâcher d'obtenir des pays tiers la multiplication des laissez-passer consulaires. Je ne fais pas un voyage sans parler de ce sujet, et cela tend parfois l'ambiance. Je souhaite par ailleurs que le SEAE prenne le relais. En tout cas, il n'y a pas de tabou, le sujet doit être traité, de façon humaine, équilibrée et résolue.

La Grèce a fait une déclaration selon laquelle elle fermerait ses centres de rétention. Elle a depuis lors changé de position. L'Europe a quelques inconvénients mais c'est aussi un processus d'acculturation. Nous nous sommes parlé. Je me suis inquiété de ces déclarations et j'ai immédiatement réagi. Nous continuerons d'échanger sur ces questions.

Sur l'obligation d'interroger Schengen, madame Bechtel, je suis absolument d'accord avec vous. La France est favorable à une modification du code Schengen, mais en attendant nous proposons des contrôles systématiques et coordonnés. La pression aidant, je pense que nous parviendrons à rendre ces contrôles obligatoires. La France continuera d'être à la pointe sur ces sujets.

C'est le conseil d'administration de l'OFPRA, monsieur Richard, qui prend la décision de placer tel ou tel pays sur la liste des pays d'origine sûre. C'est ainsi que les choses se sont passées s'agissant du Kosovo, qui n'est pas aujourd'hui un pays incertain. C'est en tout cas l'appréciation que nous portons, et il faudra par conséquent en discuter à nouveau.

S'agissant de Frontex, c'est comme pour les opérations extérieures : il y a ceux qui contribuent sans délai, ceux qui contribuent en se faisant tirer l'oreille et ceux qui ne contribuent jamais. Frontex ne peut monter en puissance que si des pays y apportent leur contribution. Le combat de la France est que cette agence soit de plus en plus présente, visible, efficace, et il ne se passe pas un Conseil JAI sans que nous exprimions cette demande. Nous contribuons à Frontex, même si c'est moins le cas que d'autres dans la mesure où nous conduisons seuls un certain nombre d'opérations extérieures assurant la sécurité de l'Europe dans son ensemble.

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