Intervention de Michel Françaix

Séance en hémicycle du 25 mars 2015 à 15h00
Modernisation du secteur de la presse — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Françaix, rapporteur de la commission mixte paritaire :

Madame la présidente, madame la ministre de la culture et de la communication, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, nous arrivons peut-être au bout du parcours de cette proposition de loi, qui est le résultat à la fois d’une analyse partagée sur tous les bancs, du rapport sur l’avenir de l’Agence France-Presse – un rapport qui, pour une fois, sera suivi d’effet – et enfin des travaux de la commission mixte paritaire, qui en a amélioré les dispositions.

De quoi s’agit-il ? L’analyse est largement partagée : la presse est confrontée à une crise conjoncturelle, à une mutation structurelle qui touche l’ensemble de la filière. Le passage à l’ère numérique modifie non seulement les modèles économiques des différents titres de presse mais aussi, et surtout, les usages des lecteurs de la presse. Il accélère le rythme de diffusion de l’information, y compris à l’échelle internationale, et met en question les modes de lecture entre les formats papier et le numérique. Il pose évidemment la question du réseau des correspondants locaux.

Demeure en revanche l’exigence fondamentale, dans une société démocratique, de garantir l’accès de tous, pour permettre à chacun d’exercer pleinement sa responsabilité de citoyen, à une pluralité de titres de presse à même de rendre compte, de manière diversifiée, de l’information.

Le texte s’articule en trois parties. Premièrement, la période nécessite de pousser plus loin la rationalisation de l’économie de la presse papier afin d’en assurer la pérennité. Le législateur se doit d’accompagner la transition en évitant la rupture et en accélérant la régulation du système de distribution.

Deuxièmement, l’Agence France-Presse, seule agence internationale de langue française sur le marché hautement sélectif des agences de presse mondiales, est certes une pépite, un instrument de rayonnement de notre pays, une exception culturelle, mais encore faut-il lui donner les moyens de ne pas faire trop de lyrisme, d’éviter la précarité et de passer aux actes.

Troisièmement, la période, si les conditions sont favorables, peut se révéler source d’opportunités pour les acteurs, notamment ceux de la nouvelle économie, susceptibles d’investir le champ de la presse et de renouveler d’autant son caractère pluraliste.

Je résumerai en quelques mots le travail de la commission mixte paritaire.

Le titre Ier réforme la régulation du système coopératif de distribution de la presse vendue au numéro. Il renforce le pouvoir de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse – l’ARDP, lui confère le statut d’autorité administrative indépendante et élargit sa composition à une personnalité qualifiée. Il crée une procédure d’homologation des barèmes des messageries par les instances de régulation et la proposition du Sénat de confier l’homologation des barèmes à l’ARDP après avis du président du Conseil supérieur des messageries de presse – le CSMP – a été retenue.

Le titre II porte sur l’Agence France-Presse et constitue la traduction législative de certaines propositions que j’avais inscrites dans le rapport remis au Premier ministre le 14 avril 2014, voilà déjà – ou seulement – un an et qui comportait notamment plusieurs propositions de modernisation de la gouvernance de l’Agence.

Des modifications de la composition du conseil d’administration ont été adoptées : le nombre de représentants de la presse quotidienne est ramené de huit à cinq, et cinq personnalités de la presse quotidienne nommées par le conseil supérieur de l’AFP doivent être ajoutées. La commission mixte paritaire a retenu par ailleurs la proposition du Sénat consistant à prévoir au sein du conseil supérieur la présence de trois personnalités ayant une expérience internationale significative. La représentation du personnel est renforcée puisqu’un troisième représentant du personnel, journaliste professionnel, est introduit.

Le conseil supérieur est redynamisé : les deux membres cooptés sont remplacés par deux parlementaires, et l’ensemble des membres du conseil doivent être en activité. Un objectif de parité a été ajouté pour la composition tant du conseil supérieur que du conseil d’administration. La durée du mandat des membres de toutes les instances de gouvernance passe de trois à cinq ans.

Je rappelle que plusieurs modifications de la gouvernance de l’AFP introduites par le Sénat n’ont pas été retenues, car l’institution d’une commission de surveillance nous paraissait aller trop loin. Mais si nous avons émis des doutes sur la pertinence d’une telle proposition, ainsi que sur sa constitutionnalité, nous avons trouvé une solution d’équilibre qui a été retenue par la commission mixte paritaire : les instances qui devaient fusionner au sein d’une telle commission verront leurs prérogatives renforcées sans que le rôle du conseil d’administration, que nous souhaitions largement renforcer, en soit amoindri.

Les missions du conseil supérieur sont élargies : le conseil devra se réunir au moins chaque semestre, il pourra désormais donner un avis sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens de l’Agence et adresser au président-directeur général des observations sur la mise en oeuvre de sa stratégie. Le conseil sera en outre consulté avant toute décision stratégique pour l’Agence France-Presse.

Le président-directeur général sera tenu de lui transmettre tous les documents et renseignements qu’il jugera utiles pour l’exercice de ses missions et de répondre à ses convocations pour rendre compte de l’activité, de la gestion et de l’indépendance de l’AFP. Le conseil supérieur pourra décider de rendre ses avis publics. Enfin, un rapport rendant compte de la situation économique, financière et sociale de l’Agence ainsi qu’en matière de respect de l’indépendance et de la déontologie sera remis chaque année par le conseil supérieur au Parlement.

Le titre III, qui crée le statut d’entreprise solidaire de presse d’information, a été enrichi d’un volet fiscal que nous avions appelé de nos voeux en écho aux événements tragiques du début de cette année. Deux dispositifs ont été retenus par la commission mixte paritaire. Le premier consiste en une réduction d’impôts pour la souscription au capital d’une entreprise de presse, réduction majorée lorsqu’il s’agit d’une entreprise solidaire de presse d’information. Le second, dit « amendement Charb », transcrit dans la loi la défiscalisation des dons émanant de particuliers effectués au bénéfice d’associations d’intérêt général ou de fonds de dotation exerçant des actions concrètes pour le pluralisme de la presse d’information politique et générale, dont la pratique, nous le savons, repose aujourd’hui sur un reçu fiscal.

Le texte me paraît donc avoir été amélioré. Les amendements du Gouvernement que nous examinerons dans quelques instants sont purement rédactionnels et n’en remettent pas en cause les dispositions. J’espère donc qu’il sera voté à l’unanimité, comme ce fut le cas à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire.

En conclusion, si cette proposition de loi n’a pas pour ambition de résoudre l’ensemble des problèmes de la presse, elle procède néanmoins à des modifications qui me paraissent indispensables à la mise en oeuvre des réformes dont le secteur a besoin. Elle a su reprendre beaucoup d’amendements issus de l’Assemblée nationale et intégrer des demandes du Sénat.

Accélérer la transition et éviter la rupture. Ni immobilisme, ni grand soir, ni bougisme, mais pragmatisme. Le statu quo n’est pas une option valable. La modernisation n’était pas une erreur, elle est évidemment totalement nécessaire. Je vous remercie.

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