Intervention de Fleur Pellerin

Séance en hémicycle du 25 mars 2015 à 15h00
Modernisation du secteur de la presse — Présentation

Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, la démocratie française, qui s’exprime en ce moment même dans les urnes, dans toute sa diversité, qui fait valoir les différences politiques, sait aussi se rassembler, parfois, sur l’essentiel. C’est la force des partis républicains.

Ainsi, l’Assemblée nationale et le Sénat ont su s’accorder sans heurts, sans effets de manche ni jeux de rôle. En commission mixte paritaire, députés et sénateurs ont trouvé une rédaction de compromis et ont réussi à voter un texte ambitieux pour la modernisation du secteur de la presse. Il est logique et en même temps précieux que vous mainteniez – que nous maintenions – bien vivant l’esprit du 11 janvier lorsque viennent en discussion au Parlement la liberté de la presse et son pluralisme. À cet égard, je tenais à vous exprimer toute la reconnaissance du Gouvernement.

Cet accord est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite l’adoption du texte qui vous est soumis aujourd’hui avec la même unanimité qui a prévalu en première lecture devant votre Assemblée comme au Sénat. Cette unanimité de la représentation nationale exprime votre confiance et la nôtre. Confiance dans le fait que la presse peut trouver des pistes pour se réformer. Confiance dans la capacité de la presse à demeurer alerte, diverse, stimulante, informative, et parfois percutante.

Des amendements de nature purement rédactionnelle vous sont soumis par le Gouvernement pour parachever le texte aujourd’hui examiné. L’équilibre de fond a été trouvé en bonne intelligence entre les deux assemblées, s’agissant tant de la distribution de la presse que de l’Agence France-Presse ou des mesures fiscales en faveur du pluralisme de la presse. Il ne saurait être remis en cause.

Je tiens tout particulièrement à saluer ici le travail de réflexion, de proposition et de persuasion qu’a mené à chaque étape Michel Françaix, premier auteur et rapporteur de la proposition de loi. Sa connaissance remarquable des sujets dont nous discutons, son inventivité jamais prise à défaut, son sens du compromis républicain nous permettent aujourd’hui, à tous, de nous accorder sur ce texte indispensable pour accompagner un secteur en mutation profonde.

La première partie du texte réforme la régulation de la distribution de la presse au numéro.

Le renforcement du rôle de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse ne faisait pas débat dans le principe, mais il fallait trouver un point d’équilibre. La discussion en commission mixte paritaire a permis d’aboutir sur plusieurs points essentiels. L’ARDP devient une autorité administrative indépendante en bonne et due forme, dotée de son propre budget. Elle peut réformer les principales décisions du Conseil supérieur des messageries de presse. Surtout, l’ARDP approuvera désormais les barèmes des messageries de presse, après avis du président du CSMP. Cette procédure permet à la fois de préserver le secret des affaires, de conserver le rôle précieux d’expertise du président et de la commission économique du CSMP et d’affirmer le rôle de régulation de l’ARDP.

La deuxième partie du texte modernise le statut de l’Agence France-Presse, dans le respect de sa singularité et de son indépendance envers l’État aussi bien qu’envers tout acteur privé.

Selon le souhait exprimé dans le rapport de Michel Françaix, chaque organe de gouvernance de l’agence est renforcé dans son rôle propre. Ainsi, la mission déontologique et d’orientation du conseil supérieur de l’AFP est clarifiée, sa composition évolue pour intégrer un parlementaire de chaque assemblée. Le conseil d’administration voit sa composition élargie à cinq personnalités qualifiées et indépendantes, dont trois au moins possédant une expérience significative au niveau européen ou international. Le nombre des représentants des personnels de l’agence au conseil d’administration passe de deux à trois. Les désignations de ces deux organes doivent respecter la parité. Enfin, la commission financière, entièrement composée de magistrats de la Cour des comptes en activité, voit ses prérogatives de supervision comptable et budgétaire consolidées.

En outre, l’article 12 de la loi transcrit en droit interne les mesures utiles proposées par la Commission européenne pour respecter le droit européen de la concurrence, en sécurisant le financement public de l’AFP.

La troisième et dernière partie de la proposition de loi comporte diverses dispositions importantes.

Tout d’abord, la création du statut d’entreprise solidaire de presse d’information, inspirée de l’économie sociale et solidaire, permettra à des investisseurs de fonder ou soutenir des projets éditoriaux d’information politique et générale en s’engageant à maintenir le capital et les dividendes dans la société assez longtemps pour consolider le projet et fidéliser les lecteurs. C’est une belle opportunité pour les projets innovants qui émergent dans le secteur et pour les repreneurs d’entreprises en difficulté qui choisiraient ce modèle de financement.

Dans cette troisième partie du texte, selon le souhait des deux assemblées, le droit pour des journalistes d’accompagner des parlementaires visitant les prisons est affirmé et précisé.

Deux mesures fiscales sont également soumises à votre approbation. La première permet une réduction d’impôt sur le revenu pour la souscription de capital d’entreprises de presse d’information politique et générale, réduction accrue pour les titres dotés du statut d’entreprise solidaire de presse d’information.

La seconde mesure rend déductible de l’impôt sur le revenu les dons aux associations qui reversent ces dons ou investissent au capital des titres de presse. C’est l’amendement « Charb ». J’ai pleine confiance dans le fait que vous l’adopterez tout à l’heure.

Dans une époque volatile, dure, ou le repli sur soi peut être la tentation, la représentation nationale sera fidèle à la maxime du 11 janvier dernier : « l’Assemblée nationale est Charlie ». Oui, nous croyons dans la presse, nous croyons dans sa liberté, nous croyons en sa mission démocratique fondamentale. Je vous remercie.

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