Intervention de Virginie Duby-Muller

Séance en hémicycle du 25 mars 2015 à 15h00
Modernisation du secteur de la presse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVirginie Duby-Muller :

Madame le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, le parcours législatif de ce texte de compromis arrive à sa fin. Nous ne pouvons que nous satisfaire des conclusions de la CMP, qui ont permis une franche évolution de cette proposition de loi relative à la modernisation du secteur de la presse.

Le rapporteur nous a présenté les grands axes des décisions qui ont été actées. La régulation a été renforcée par le transfert de l’homologation des barèmes des messageries à une Autorité de régulation de la distribution de la presse devenue autorité administrative indépendante. Les éditeurs de presse ont été mis devant leurs responsabilités en matière de couverture de coûts de distribution. La logistique de distribution est mieux appréhendée, avec la possibilité de régler la question du dernier kilomètre. Toutes ces évolutions vont dans le bon sens.

Nous saluons aussi le maintien dans la loi des trois dispositifs d’aide à la presse votés au Sénat, que je rappelle brièvement : la réduction d’impôt accordée au titre des souscriptions au capital d’entreprises de presse d’information politique et générale, prévue à l’article 15 bis ; la possibilité, pour les fonds de dotation, de concourir à des actions de développement et de modernisation de la presse, prévue à l’article 16 ; la réduction d’impôt accordée au titre des dons aux associations ou fonds de dotation oeuvrant pour le pluralisme de la presse, prévue à l’article 17 et issue d’un amendement du groupe UMP dit « Charb ». La commission mixte paritaire a toutefois adopté deux dispositions visant à préciser cet article 17 : l’organisme bénéficiaire des dons devra être reconnu d’intérêt général et aucun lien ne devra exister entre le donateur et l’entreprise de presse bénéficiaire du don.

Si la création d’un nouveau statut d’éditeur de presse ne soulève pas d’opposition particulière, elle suscite quelques interrogations dans la mesure où il ne s’agit que d’une coquille vide dans l’attente du vote d’un prochain volet financier dont nous savons peu de choses.

Malgré toutes ces avancées, madame la ministre, la question de l’avenir du secteur reste posée. Cette loi, comme les précédentes, en reste aux demi-mesures. Le fait que le rapport Jevakhoff relatif à l’avenir du schéma de diffusion de la presse écrite soit resté confidentiel n’est pas de nature à nous rassurer. Auditionné par le Sénat, son auteur considère qu’avant la fin de la décennie, la distribution de la presse quotidienne nationale va encore diminuer de quarante points, celle de la presse magazine de trente à trente-cinq points et que de nouveaux titres disparaîtront.

Nous connaissons toutes et tous la situation difficile du secteur de la presse, pris dans le tourbillon du numérique sans avoir anticipé la transition de son modèle économique. Résultat : un effondrement des ventes toutes catégories, qui se répercute sur la situation des messageries déjà fragilisées et sur le chiffre d’affaires déjà très bas des diffuseurs, sur fond de fort interventionnisme de l’État. Que faire pour que le secteur ne se transforme pas en tonneau des Danaïdes ? N’arrivons-nous pas aux limites de l’exercice ? Cette séance publique met un point final à une proposition de loi mais ne peut refermer le débat sur l’avenir du secteur.

Les événements tragiques du 11 janvier dernier ont douloureusement rappelé à chacune et chacun le combat protéiforme qu’entraîne la responsabilité de publier un titre de presse écrite – un combat économique, un combat pour la libre parole, et même parfois un combat où l’on risque sa vie. Les siècles passent et la responsabilité de l’État vis-à-vis de la presse devient plus complexe : il ne s’agit plus seulement de garantir la liberté d’expression et le pluralisme, mais également de garantir la pérennité même du secteur.

La décision de la Cour de justice de l’Union européenne relative à l’application du taux de TVA réduit aux livres électroniques aura aussi un impact sur la presse. Suite à l’adoption de la proposition de loi Le Roux-Bloche-Françaix tendant à harmoniser les taux de TVA applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne, en vigueur depuis le 1er février 2014, la Commission européenne a engagé une procédure d’infraction contre la France et a envoyé au Gouvernement une lettre de mise en demeure. Elle pourrait désormais envoyer un avis motivé. Madame le ministre, vous avez défendu une position constante sur la neutralité technologique. Nous espérons que vous parviendrez à introduire ce principe dans le droit européen, permettant ainsi l’application de taux réduits.

Avant de conclure, je souhaite revenir sur deux points précis du texte. D’abord, nous saluons le compromis auquel nous sommes arrivés en matière de gouvernance de l’AFP. Ainsi, le conseil supérieur de l’Agence intègre désormais un parlementaire de chaque assemblée.

Quant à la possibilité pour les journalistes d’accompagner les parlementaires lors des visites des lieux privatifs de liberté, nous avons soutenu cette disposition mais, à titre personnel, j’appelle l’attention et la vigilance de Mme le ministre sur la rédaction du futur décret d’application, qui devra encadrer strictement ce droit, notamment en matière de prises d’images, afin de maintenir les conditions de sécurité des établissements.

Le groupe UMP votera pour cette proposition de loi modifiée par les amendements de précision que le Gouvernement a déposés aujourd’hui.

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