Intervention de Laurent Degallaix

Séance en hémicycle du 25 mars 2015 à 15h00
Modernisation du secteur de la presse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Degallaix :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la liberté de la presse, son indépendance et son pluralisme sont intrinsèquement liés à la démocratie. La presse est en effet aussi essentielle pour l’équilibre des pouvoirs qu’elle est indispensable à la vitalité du débat citoyen. Elle est également un produit économique confronté à une crise profonde : pénalisées par la faiblesse du réseau de distribution, par des coûts d’impression et de diffusion élevés, par l’absence de stabilité et de visibilité financières, les entreprises de presse sont aujourd’hui également fragilisées par la concurrence du numérique et par l’émergence de nouveaux formats plus compétitifs.

Notre groupe estime qu’il est par conséquent essentiel de veiller à ce que la presse puisse continuer d’exercer ses missions fondamentales, tout en s’adaptant à un environnement économique, social et culturel bouleversé par de profondes mutations. Tel est l’objectif auquel concourt la présente proposition de loi qui, à défaut de révolutionner le monde de la presse, permettra néanmoins d’accompagner ses nécessaires évolutions.

Il va sans dire que nous aurions souhaité que la majorité privilégie une réflexion plus globale sur un modèle de développement viable et pérenne pour la presse, et qu’elle adopte une approche globale cohérente qui permette à la presse de réussir son adaptation aux défis du XXIe siècle.

Si elle ne constitue pas la grande réforme attendue, cette proposition de loi nous semble équilibrée et les mesures qu’elle prévoit pragmatiques. Les objectifs sont clairs : accélérer la régulation du système de distribution de la presse papier, adapter la gouvernance de l’Agence France-Presse afin qu’elle puisse valoriser son savoir-faire à l’échelle mondiale, soutenir les acteurs de la nouvelle économie pour favoriser le pluralisme de la presse.

Le texte vise en premier lieu à renforcer la régulation du système coopératif de distribution de la presse vendue au numéro pour garantir sa pérennité à court terme.

Le maintien du système actuel, caractérisé par des barèmes opaques et des iniquités fortes, était incompatible avec l’équilibre économique de la filière.

Il sera institué une procédure d’homologation du barème des tarifs des deux sociétés coopératives de messageries de presse par le Conseil supérieur des messageries de presse, rendue exécutoire par l’Autorité de régulation de la distribution de la presse.

À cet égard, nous nous félicitons que l’indépendance des réseaux extérieurs, notamment ceux de la presse quotidienne régionale, ait été confortée, et qu’il ait été précisé sans ambiguïté que le champ de compétences du Conseil supérieur des messageries de presse et de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse vise bien le seul système coopératif.

Le deuxième objectif de cette proposition de loi est de faire entrer de plain-pied l’Agence France-Presse dans le XXIe siècle, en faisant prendre à sa gouvernance le virage de la modernité.

Enfin, cette proposition de loi envisage la création d’un statut d’entreprise solidaire de presse d’information. Il s’agit de créer les conditions de l’émergence de nouvelles entreprises de presse, inspirées du modèle des entreprises de l’économie sociale et solidaire cher à mon collègue et ami Francis Vercamer et qui participent de la vitalité de notre économie.

Nous nous réjouissons que l’appellation initiale d’entreprise citoyenne de presse d’information, impropre, inadaptée et inopportune, ait été modifiée. Une telle appellation aurait en effet créé une confusion regrettable : la presse est citoyenne par essence, quel que soit le mode de gestion des entreprises.

J’appelle néanmoins l’attention de la représentation nationale sur un sujet qui me semble de toute première importance : la création de ce statut d’entreprise solidaire de presse d’information s’accompagne nécessairement de mesures fiscales incitatives, afin de rendre plus attractif le choix de ce statut. Ce levier fiscal permettra en effet de rendre possible la prise de participation du lectorat dans des projets innovants ou la reprise d’entreprises en difficulté grâce au financement participatif. Il me semble par conséquent utile que le nouveau statut bénéficie d’un avantage fiscal.

Cela ne signifie pas pour autant que l’inscription dans la loi d’août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse de la notion d’information politique générale, au sens de l’article 39 bis A du code général des impôts, nous paraisse adaptée. En effet, la définition de la notion d’information politique générale relève à la fois du code général des impôts et du code des postes et télécommunications, justifiant ainsi le bénéfice de dispositifs dédiés.

La création d’une nouvelle catégorie, en concurrence avec les deux périmètres existants, sera, selon nous, de nature à engendrer une confusion que nous aurions pu éviter. Il eût été préférable, je le pense, de procéder à une refonte globale des aides à la presse qui permette de soutenir davantage la presse quotidienne régionale et de mieux cibler les aides, afin de favoriser la modernisation du secteur de la presse.

Enfin, un amendement a été adopté par notre Assemblée pour que le droit d’accompagner des parlementaires dans les établissements pénitentiaires, les zones d’attente et les centres de rétention soit ouvert aux journalistes titulaires d’une carte de presse. En ouvrant la prison, cette institution républicaine, à la presse, nous faisons oeuvre de transparence sur la réalité carcérale et nous pouvons, je crois, en être fiers.

Le Sénat a utilement enrichi cette proposition de loi, dont l’équilibre avait été préservé à l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale, à travers trois mesures.

La première introduit, à l’initiative du sénateur David Assouline sous-amendée par le Gouvernement, une réduction d’impôt pour la souscription au capital d’une entreprise de presse. La deuxième conforte le dispositif d’aide à la presse existant en élargissant le champ d’action des fonds de dotation au soutien à la modernisation de la presse. Enfin, la dernière transcrit dans la loi la défiscalisation des dons émanant de particuliers effectués au bénéfice d’associations ou de fonds de dotation exerçant des actions concrètes pour le pluralisme de la presse d’information politique et générale, dont la pratique repose aujourd’hui sur un rescrit fiscal.

Parvenir à un accord de la commission mixte paritaire dépendait dès lors de deux conditions.

La première était que le périmètre de la proposition de loi ne soit pas élargi à des dispositions qui, aussi pertinentes soient-elles, soulevaient des problématiques juridiques majeures et rendaient son adoption difficile. Je pense ici à la délicate question de la protection juridique des sources des journalistes à laquelle nous sommes toutes et tous attachés et qui, indiscutablement, mérite d’être traitée de manière complète et approfondie dans un texte à part.

La deuxième était que l’apport significatif du Sénat sur la gouvernance de l’Agence France-Presse puisse être pris en compte. La rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire le permet.

Mes chers collègues, l’accord auquel est parvenue la commission mixte paritaire donne à voir une représentation nationale unie autour d’un objectif vital : protéger la liberté de la presse, la liberté d’expression et les valeurs de notre démocratie. L’unité autour de ces valeurs et la détermination à les défendre sont précieuses, comme nous l’ont brutalement rappelé les attentats qui ont frappé la France en janvier dernier.

Cette préoccupation constante, ainsi que les avancées permises par ce texte, amèneront notre groupe à voter en faveur de cette proposition de loi.

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