Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du 25 mars 2015 à 15h00
Débat sur le rapport d'information relatif au contrat d'objectifs et de moyens de france télévisions

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili :

Nous avons d’ailleurs eu, par le passé, l’occasion de dénoncer certaines pratiques où le copinage semblait l’emporter dans les critères retenus pour pourvoir des postes de responsabilité. Mais cette nomination, indissociable du futur COM – contrat d’objectifs et de moyens – en préparation, dont l’État est partie prenante, ne peut être dissociée de la trajectoire qui se dessinera ainsi pour France Télévisions ; d’où l’exigence démocratique de mener ce débat sur l’avenir du service public de l’audiovisuel, débat dans lequel les parlementaires ont toute leur place.

Lors des ébats sur l’exécution des différents COM et leurs avenants, nous avons exprimé nos doutes, nos craintes, mais aussi nos attentes. Le rapport de notre collègue Martine Martinel sur l’avenant au COM a ainsi été l’occasion d’insister sur la nécessité de mieux représenter la diversité de notre société. Nous avons plaidé pour que France Ô ne devienne pas l’« alibi diversité » du groupe, pour reprendre son expression.

Nous avons indiqué combien le service public devait être exemplaire en ce qui concerne la place des femmes et leur visibilité ou la question du handicap, qu’il s’agisse de l’accessibilité des programmes, de l’emploi de personnes en situation de handicap ou encore de leur présence à l’écran.

Comme le signalait déjà Martine Martinel dans son rapport, et comme cela n’a eu de cesse d’être répété par la suite, malgré quelques avancées, l’urgence d’amplifier les efforts au-delà des symboles demeure ! Le rapport d’exécution du COM 2013 souligne lui-même une baisse du reflet de la diversité.

En outre, au vu du vieillissement de l’audience, autre sujet préoccupant, il nous paraît important de mieux répondre aux attentes des jeunes et de mieux les associer. Des initiatives intéressantes existent, par exemple de l’autre côté de la Manche, pour proposer une offre répondant à leurs nouveaux modes de consommation. Il pourrait être intéressant de regarder cela de plus près.

S’agissant de l’identité éditoriale des chaînes, je pourrais aujourd’hui encore reprendre le constat dressé par Martine Martinel : « Un effort indéniable de clarification est engagé mais () des améliorations [sont] encore possibles ». Si les rapports sont unanimes sur le besoin de renforcer les identités des chaînes, l’absence d’évolution est inquiétante.

Pour ce qui est de France 3 – sans empiéter sur les propos de mon collègue Paul Molac –, cette chaîne doit devenir la chaîne des territoires et non demeurer une chaîne nationale avec des décrochages régionaux. Il est donc grand temps d’inverser cette logique et de privilégier concrètement les territoires et l’offre de proximité. Alors que l’on ne cesse d’évoquer le besoin de renforcer le vivre-ensemble, nous disposons ici d’un outil exceptionnel largement sous-utilisé.

Cette sous-exploitation génère, parmi les salariés de France 3, un malaise parfois dramatique. Le sentiment de choix éditoriaux faits au coup par coup, sans vision stratégique globale, sans ligne éditoriale claire, tout cela nuit au travail des équipes. Certaines sont en surcharge de travail, d’autres en sous-charge alors qu’elles ne demandent qu’à produire.

Cette détérioration des conditions de travail est dénoncée depuis de nombreuses années, et pas uniquement à France 3. Le rapport Vacquin est ici éloquent et appelle, par extension, à s’interroger sur l’organisation structurelle du groupe. Il est nécessaire de redonner des perspectives aux salariés de l’ensemble du groupe ; les grèves actuelles témoignent de l’urgence d’agir.

Le projet « Info 2015 » n’échappe pas à ce besoin. La fusion des rédactions entre France 3 national et France 2 ne saurait avoir pour seule finalité la réalisation d’économies, avec les conséquences inhérentes sur l’emploi ou les conditions de travail. La question du projet éditorial et celle des valeurs du groupe doivent être posées et l’ensemble des personnels doit être associé à cette démarche.

Les nouvelles annonces des ministères de tutelle ont, à ce propos, semé le doute parmi les syndicats. Ces derniers appellent à un recentrage sur les missions de service public et plaident pour que la mission d’information soit réaffirmée.

La création d’une arche numérique de service public dédiée à l’information et favorisant les synergies entre les différents supports nous semble, à ce titre, une idée à creuser – avec les salariés, bien entendu.

Enfin, la question du financement est d’autant plus essentielle que les diminutions des dotations de l’État sont inquiétantes. C’est pourquoi, si la ré-internalisation de certaines productions ou une meilleure mutualisation des moyens sont des questions à poser, il paraît aussi nécessaire d’explorer d’autres pistes comme celle, par exemple, du financement par la création.

Aujourd’hui, dans le contexte des négociations du COM, l’État doit prendre sa part dans l’élaboration d’objectifs clairs allant de pair avec des financements appropriés.

Des choix ambitieux pour faire de l’audiovisuel public une force doivent être faits, en associant bien entendu l’ensemble des parties prenantes.

J’espère que ce débat permettra de faire entendre les attentes des parlementaires sur le service public de l’audiovisuel auquel nous aspirons tous.

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