Intervention de Erwan le Meur

Réunion du 24 mars 2015 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Erwan le Meur, président de la FEDEREC BTP :

FEDEREC est une fédération d'entreprises spécialisées dans le domaine du recyclage, présentes sur 1 500 sites. Je suis président de la branche BTP qui représente 90 entreprises. Notre fait d'arme a été le pilotage des travaux dans le cadre du plan industriel « Recyclage et matériaux verts » de la gestion et du recyclage vert des déchets, notamment des matériaux du BTP, et les propositions que nous avions formulées en 2014 ont été retenues. Je suis par ailleurs président de l'Association des entreprises du port de Gennevilliers et donc concerné par ce qu'a évoqué M. Philippe Yvin au sujet du transport fluvial.

Le but de FEDEREC est de réussir à optimiser la valorisation des déchets du bâtiment. Lorsque l'on évoque le Grand Paris, ce sont quasi exclusivement les déblais issus de la part souterraine du chantier qui sont mentionnés ; or les gares représentent des volumes énormes de déchets non dangereux mais non inertes. Il est donc essentiel de parler de ces gares à construire ainsi que de la réhabilitation des quartiers environnants. La valorisation constitue une source d'économie, dans le domaine de la revalorisation évoquée par M. Philippe Yvin, nos sociétés de BTP possèdent des outils, telle la plate-forme SolDating. L'enjeu est la mise en relation des chantiers générateurs de terres et les chantiers qui en ont besoin, cela en lien avec l'Agence des espaces verts du conseil régional d'Île-de-France. Nous pensons que 5 à 10 % de terres pourraient ainsi être réutilisés sans retraitement préalable.

Une deuxième possibilité réside dans le traitement des terres gypsifères, ou sulfatées, qui posent le problème de leur stockage dans des installations spécialisées. Parfois très humides à la sortie du tunnelier, ces terres peuvent êtres criblées après une opération de ressuyage. Le criblage produit des cailloux, des fractions un peu plus grossières de ces terres qui, dès lors, ne sont plus gypsifères au lieu d'être stockés dans des installations de stockage de déchets inertes (ISDI). On estime que 10 à 15 % des déblais concernés pourraient ainsi être valorisés. Enfin, le chaulage, traitement à la chaux des terres, est déjà pratiqué industriellement sur un certain nombre de chantiers franciliens ; un million de tonnes par an environ sont ainsi réutilisées dans les travaux publics et le génie civil.

Le total des quantités de déblais pouvant être valorisés par les techniques que je viens d'indiquer s'élève à 20 ou 30 % ; il y a là une source d'économie puisque le transport et le stockage des terres inertes à un coût. Comme M. Philippe Yvin, je pense que des plates-formes tampons équipées de cribleuses et de chauleuses constituent une bonne réponse. La responsabilité de la maîtrise d'ouvrage de ces installations reste à étudier mais, d'ores et déjà, un certain nombre de sociétés sont prêtes à exploiter ces plates-formes voire à aider la Société du Grand Paris à rechercher des terrains.

Nous sommes totalement en phase avec vous au sujet de la traçabilité des déchets de chantiers de BTP. Les récents scandales dans le domaine de leur gestion en Île-de-France, en Seine-et-Marne ou dans le Val-de-Marne du côté de Limeil-Brévannes, il y a trois ans, ne sont plus de mise dans un chantier aussi énorme que celui du Grand Paris, et la traçabilité constituera un enjeu majeur. Au regard des choix effectués par la SGP, la solution de l'allotissement est nécessaire, il faut absolument constituer un lot consacré au percement du tunnel et un autre dévolu à la gestion des terres excavées. C'est la seule solution susceptible de garantir une traçabilité totale et cela est économiquement vital ; l'histoire de la construction du métro illustre cette nécessité.

Dans le domaine du traitement et du recyclage des déchets du bâtiment, à la différence de la région Rhône-Alpes, par exemple, la région Île-de-France est très déficitaire. Lorsque l'on démolit pour construire du neuf, on produit quantité de déchets non dangereux, de bois, de plastique, de carton, de ferraille et de gravats mélangés qui nécessitent des équipements de tri. Il existe 5 à 6 chaînes de traitement en Île-de-France aujourd'hui, ce qui est notoirement insuffisant. Les chantiers du Grand Paris, avec la construction des gares et la rénovation des quartiers avoisinants, nécessiteront au moins 10 chaînes supplémentaires, sinon 15, celles-ci devront pouvoir traiter 100 000 à 150 000 tonnes de matière par an. C'est avec huit ans de retard sur la directive-cadre européenne de 2008 que le projet de loi relatif à la transition énergétique et la croissance verte impose, à l'horizon 2020, un objectif de 70 % de valorisation et de recyclage des déchets du bâtiment. Nous considérons que cet objectif doit être inscrit dans les marchés publics de travaux concernant les gares et la réhabilitation des quartiers concernés.

La dernière question est celle de l'utilisation comme matière première des matériaux recyclés dans le cadre des chantiers du Grand Paris, particulièrement de génie civil pour les gares et leurs alentours, dans des quartiers pilotes qui appelleront beaucoup de réhabilitation comme Universeine à Saint-Denis qui constituera un test intéressant. Enfin, un projet d'arrêté ministériel, bientôt à la signature de la ministre, doit être mieux rédigé afin de sortir le granulat recyclé du statut de déchet. Si tel n'était pas le cas, ce sont 4 à 5 millions de tonnes par an de ces granulats qui ne pourront pas être utilisés comme matière première sur des chantiers tels celui du Grand Paris alors que les entreprises ont déjà fait la transition.

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