Intervention de Jean-Claude Andreini

Réunion du 12 mars 2015 à 10h00
Mission d'information commune sur la banque publique d'investissement, bpifrance

Jean-Claude Andreini, vice-président du Comité stratégique de filière pour les éco-industries, COSEI :

Permettez-moi de préciser en préambule que je suis également chef de projet de l'un des trente-quatre plans industriels, celui dédié aux énergies renouvelables, et président de l'association des éco-entreprises de France, qui regroupe six mille des douze mille entreprises de ce type, ce qui me met en position de parler au nom de l'ensemble des professionnels du secteur.

Le financement public de l'innovation est perçu par les entreprises comme quelque chose de complexe. D'une part, il leur faut distinguer financements en amont, comme ceux provenant de l'Agence nationale de la recherche (ANR), et financements en aval, comme les fonds démonstrateurs qui accompagnent quasiment la mise sur le marché. D'autre part, elles font face à une multitude de sources de financement : internationales – Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI) –, européennes – Banque européenne d'investissement –, nationales – ANR, Fonds unique interministériel (FUI), fonds Écotechnologies –, mais aussi, réalité moins connue, régionales. Personne n'a véritablement de vision globale de la nature et de la destination des financements ou de la granulométrie des aides.

C'est la raison pour laquelle j'ai créé au sein du COSEI un groupe de travail consacré au financement, en plus d'un autre groupe consacré à l'innovation. Quatre questions simples ont structuré la réflexion : combien d'argent public est orienté vers les entreprises de l'environnement ? L'aide publique porte-t-elle plutôt sur l'amont ou l'aval de la recherche ? Quelles sont les filières financées ? Quels types d'entreprise bénéficient des aides publiques ? Nous sommes parvenus à établir une synthèse, nous manquent seulement les chiffres de l'ADEME et de Bpifrance pour les deux dernières années – mais nous ne désespérons pas de les obtenir.

Première question : combien d'argent public est orienté vers les entreprises de l'environnement ? Chaque année, elles reçoivent environ 600 millions d'euros : 300 millions d'euros au titre des investissements d'avenir et 300 millions au titre du crédit d'impôt recherche. Pour les deux dernières années, je le disais, je ne dispose pas d'éléments très précis, d'autant que Bpifrance travaille non par filières mais par produits, ce qui suppose des calculs supplémentaires. Cependant, nous pouvons raisonnablement penser qu'il y a eu une accélération : le CIR n'a pas diminué, les investissements d'avenir sont montés en puissance.

Deuxième question : l'aide publique porte-t-elle sur l'amont ou l'aval de la recherche ? Nous avons pu constater une bonne répartition entre la recherche académique et les fonds démonstrateurs, mais une moindre accentuation sur la mise le marché. À cet égard, on oublie souvent de dire que l'innovation au sens strict du terme ne représente que 10 % des moyens nécessaires pour l'entrée en bourse d'une société.

Troisième question : quelles sont les filières financées ? Il y a eu des modes : au photovoltaïque a succédé l'éolien puis telle ou telle filière. Je déplore que certaines filières de la transition écologique soient insuffisamment financées alors que leur poids économique est plus important que celui des filières énergétiques. Ainsi, la filière du recyclage, exportatrice nette avec 3 milliards d'euros d'excédents, et la filière de l'eau, particulièrement puissante en France, regroupent davantage d'emplois – respectivement 126 000 et 125 000 – que la filière des énergies renouvelables – 100 000 emplois. Il est important de savoir quelle filière les politiques publiques entendent encourager. En 2014, l'énergie photovoltaïque a été au premier rang des investissements énergétiques, avant le pétrole et le nucléaire. Pour les industriels du pétrole, la messe est dite : le solaire est l'énergie d'avenir, celle qui sera la plus distribuée et la plus vendue dans le monde et si nous nous montrions plus agressifs, nous pourrions, malgré notre faiblesse nationale en ce domaine, gagner des parts de marché.

Quatrième question : quels types d'entreprise bénéficient des aides publiques ? Pour simplifier, disons qu'elles vont pour un tiers aux PME, un tiers aux ETI et un tiers aux grands groupes. En nombre, il est évident que ce sont les PME qui sont davantage financées. En termes de montants, l'essentiel des moyens va plutôt à de grandes entreprises.

Dans le plan « Énergies renouvelables » dont j'ai la charge, j'ai insisté sur deux orientations prioritaires. D'une part, il me paraît essentiel que les aides aillent aux entreprises ayant une orientation forte vers l'export, condition essentielle de réussite, compte tenu de la petite taille du marché français qui ne représente que 3 % à 5 % du marché mondial. Bpifrance soutient d'ailleurs l'activité à l'export par des aides spécifiques. D'autre part, il me paraît important d'encourager les entreprises de taille intermédiaire afin de créer un Mittelstand à la française dans le secteur des énergies renouvelables. À cet égard, je me félicite que Bpifrance ait choisi les ETI comme cible principale. Toutefois, je souhaiterais que nos actions soient mieux coordonnées car parmi les entreprises que je suis, plusieurs ont vocation à développer leurs activités à l'export, à s'inscrire dans le Mittelstand, à établir un ancrage territorial sur un segment de marché. De la même manière, j'aimerais que les échanges avec l'ADEME soient renforcés.

Pour finir, j'évoquerai le guide de financement des éco-entreprises que nous avons élaboré. Nous avons identifié les milliers de financeurs qui existent en France pour les rassembler dans un seul document montrant vers quelles filières vont les financements, à quelle hauteur ils se situent – milliers, millions ou dizaines de millions d'euros –, à quel stade de développement de l'entreprise – amorçage ou mise sur le marché – ils interviennent. Nous espérons que nos deux partenaires s'impliqueront pleinement dans cette initiative.

En conclusion, je dirai que nous y voyons plus clair dans le financement des entreprises comme dans le financement de l'innovation, même si le panorama est moins précis pour les deux dernières années faute des données nécessaires. J'appelle de mes voeux une meilleure collaboration entre ADEME, Bpifrance et la filière que je représente en vue de définir une véritable politique publique : qui fait quoi ? Vers quelle direction va-t-on ? Est-on en compétition ? Vise-t-on les bonnes sociétés, les bons segments de marché, les bons marchés ? Nos échanges sont encore insuffisants, il y a moyen de les améliorer.

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