Intervention de préfet Alain Zabulon

Réunion du 17 mars 2015 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

préfet Alain Zabulon, coordonnateur national du renseignement :

Le PNR français a été voté dans la loi de programmation militaire, les décrets d'application sont parus, et il devrait entrer en application progressivement d'ici fin 2015, début 2016, nécessitant l'intégration des données de plus de 230 compagnies aériennes et plates-formes de réservation. Il permettra de collecter les données de réservation des passagers entre la France et l'étranger, hors Union européenne, c'est-à-dire que nous pourrons suivre le passager d'un vol Paris-Berlin mais non celui du vol Berlin-Rome : il aurait fallu, pour cela, que l'Allemagne et l'Italie aient chacune leur propre PNR. Le PNR français ne verra ainsi qu'une partie de l'information. Des démarches ont donc été entreprises par le ministre de l'Intérieur auprès des autorités européennes pour que l'Europe se dote de cet outil absolument indispensable. Cela suscite un débat sur la protection des données, mais une personne qui réserve un billet d'avion ne dévoile pas ses opinions politiques, sa religion ou ses orientations personnelles. Ces données de réservation peuvent être utiles aux services de renseignement car elles permettent de connaître les trajets des individus qui les intéressent.

Le PNR européen avance laborieusement. Il existe encore un blocage au niveau de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen. Nous espérons que le sujet évoluera positivement dans les mois à venir et le ministre de l'Intérieur s'est fortement mobilisé sur le sujet. Nous avons quelques alliés, notamment les Britanniques, qui ont déjà leur propre PNR eux aussi. Les Allemands sont plus partagés.

S'agissant de votre seconde question, nous ne sommes pas optimistes pour l'avenir. Nous pensons que ce phénomène de djihad à la française est désormais durablement ancré dans une partie de notre jeunesse. Je préfère parler d'idéologie plutôt que de religion, car ces jeunes gens ont en réalité une formation religieuse des plus sommaires, voire inexistante. Ils voient dans le djihad un exutoire à leurs frustrations. Ces jeunes gens se marginalisent en basculant dans la radicalité. Ils y trouvent un nouveau sens à leur vie. J'appelle d'ailleurs votre attention sur l'effet d'attractivité extrêmement puissant exercé par le mouvement Daech sur cette fraction heureusement très minoritaire de notre jeunesse.

Le phénomène n'est pas uniquement français. La Belgique est au moins aussi touchée que la France, comme nous l'avons vu avec les récentes interpellations de Verviers. Des pays comme le Canada ou l'Australie sont également concernés. Cela relativise les explications franco-françaises qui consistent à dire que tout cela serait le résultat de l'échec de nos politiques d'intégration, politiques de logement, politiques de la ville. Que ces politiques aient été insuffisantes pour réaliser l'intégration, c'est vrai, mais cette explication n'est pas suffisante. Le phénomène du djihad est aujourd'hui mondial. Dans les troupes de Daech, les contingents les plus importants sont ceux des pays du Maghreb, comme la Tunisie. Si quelque 400 Français sont sur place, les Tunisiens sont plus de 3 000.

La poussée de l'islamisme radical et l'émergence d'un mouvement terroriste qui s'est transformé en État, ont tellement bouleversé cette partie du monde que l'influence du phénomène sur une fraction de notre jeunesse est, je crois, durable. La réponse de l'État ne peut être uniquement sécuritaire ; elle doit être également sociétale, par l'éducation, par la représentation du culte musulman en France, par un contre-discours déconstruisant le processus de radicalisation. Le phénomène est nouveau et le contre-discours reste encore à bâtir.

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