Par sa nature et son intensité, le phénomène des filières syriennes est inédit. Nous avions perçu certains signes annonciateurs. Quand la France était présente en Afghanistan, quelques combattants français, de l'ordre d'une vingtaine, étaient partis dans ce pays. Lorsque l'opération Serval s'est déclenchée au Mali, les velléités de départ ont été vite contrariées, l'armée française ayant obtenu des résultats très rapides sur le terrain, et il ne s'est pas créé de filière malienne. À notre connaissance, il ne se crée pas non plus de filière vers Boko Haram, et la déclaration d'allégeance de ce mouvement à Daech, ne nous fait pas craindre, à court terme, compte tenu des distances entre les théâtres d'opérations et des capacités d'organisation logistique de ces groupes, un phénomène de coagulation qui verrait se créer une immense armée terroriste.
Boko Haram a un agenda régional. Son objectif est de créer le califat au nord du Nigéria, dans la région des grands lacs. D'autres mouvements, comme Al-Qaïda, ont un agenda international. Al-Qaïda maintient l'objectif de frapper ce qu'il appelle l'ennemi lointain. Aujourd'hui, Al-Qaïda dans la péninsule arabique est le mouvement terroriste le plus à même de projeter un attentat en Europe. Ce qui rassemble ces mouvements, c'est la haine de l'Occident. Le premier pays visé – cela figure dans les déclarations de tous leurs leaders du terrorisme international –, c'est la France, car notre pays est engagé militairement dans le combat contre le terrorisme, il participe aux frappes en Irak pour contrer les menées territoriales de Daech, il est engagé au Sahel, et par ailleurs, en matière de politique intérieure, notre concept de la laïcité, notre loi sur le voile, les débats sociétaux sur la place de l'islam, sont perçus ou interprétés par ces mouvements comme des agressions contre le monde musulman.
Pour le moment, le phénomène des combattants étrangers se limite à la Syrie. Nous ne voyons pas de filière se créer vers Boko Haram, et je ne crois pas vraiment à une telle éventualité.
En ce qui concerne les opérateurs, Mme Deletang était présente ce matin à une réunion que nous avons organisée pour leur présenter le texte de loi, qui leur créera certaines obligations. Ils ne sont pas inquiets, dès lors qu'ils auront une base légale. Ils souhaitent par ailleurs qu'il n'y ait pas de distorsion de concurrence, comme ce serait le cas si les obligations étaient imposées à certains et non à d'autres.