Je tiens à saluer le formidable travail accompli par l'OCDE et tout particulièrement par M. Saint-Amans : si les choses ont évolué depuis deux ans, c'est largement grâce à l'OCDE et à la pression morale qu'elle exerce, en particulier sur l'Europe qui, sans cela, n'aurait sans doute jamais élaboré la directive sur les rulings. Mais, à la différence de l'Europe qui, en matière fiscale ne peut travailler qu'à l'unanimité, l'OCDE n'est pas soumise à l'obligation de légiférer, et c'est sans doute cela qui fait sa force. Quant à la difficulté que nous avons rencontrée avec certains de nos amendements jugés incompatibles avec le droit national, je reste convaincu, au regard des récentes évolutions internationales, que l'on doit pouvoir continuer d'avancer.
Ne nous le cachons pas, les paradis fiscaux sont au coeur de l'Europe. Profitant, d'une part, d'une règle américaine en vertu de laquelle tant que des profits ne sont pas rapatriés, ils ne sont pas imposés et, d'autre part, des possibilités légales d'optimisation fiscale offertes par l'Irlande ou le Luxembourg, les grandes multinationales américaines échappent à l'impôt. Google possède ainsi en Irlande deux sociétés : la première, qui recueille les profits, et la seconde, qui possède la marque mais n'est pas irlandaise puisqu'elle réunit son conseil d'administration aux Bermudes et profite donc du régime fiscal qui s'y applique, même si, en réalité, l'argent reste en Europe. Certes, l'Irlande s'est engagée, me semble-t-il, à remédier à cette situation, mais c'est encore pire au Luxembourg. Amazon y a deux sociétés : l'une réalise le chiffre d'affaires européen et devrait donc s'acquitter de l'impôt sur les sociétés ; au lieu de cela, elle reverse une redevance considérable à une seconde société qui possède la marque, basée également au Luxembourg et exonérée d'impôts sur le revenu des sociétés. Dès lors, Amazon n'est taxée ni aux États-Unis ni en Europe. Il faut donc que la pression politique soit suffisamment forte pour interdire dorénavant aux États de mettre en oeuvre des dispositifs non coopératifs qui nuisent à la concurrence. C'est d'ailleurs grâce à ce levier que la Commission européenne peut désormais tenter d'agir. Restera ensuite à s'accorder sur la manière de répartir la base imposable entre les différents pays, ce qui doit sans doute nous conduire à approfondir la notion d'établissement stable.
En matière de transparence, des progrès importants ont été faits en ce qui concerne les banques, qui doivent désormais publier leurs interventions pays par pays. L'OCDE recommande d'élargir cette obligation aux sociétés multinationales ; le Parlement européen y réfléchit également. Cela permettra de compléter l'échange d'informations sur les rulings.
En ce qui concerne la réforme de notre législation, la dizaine de propositions introduites dans la loi de finances pour 2014 émanaient toutes du rapport que nous avions produit avec Éric Woerth, lequel s'inspirait des travaux de l'OCDE, menés quasi concomitamment. Nous proposions entre autres que lorsqu'un produit n'est pas taxé dans un autre pays, il ne puisse échapper à la taxation en France, ce qui aurait permis de lutter contre les produits hybrides.
Dans le domaine du numérique, enfin, de nombreuses propositions ont été faites, dont aucune à ce jour n'a réellement abouti, faute de consistance. Notre rapport préconisait de développer le concept d'établissement stable ; certains proposent aujourd'hui de taxer la bande passante. Où en est l'OCDE sur cette question ?
Quant à votre proposition consistant à amender automatiquement les conventions fiscales bilatérales, je la trouve formidable.