Merci de mettre l'accent sur cet aspect de notre action.
On peut prendre un exemple négatif : la réforme des quotas du FMI, qui n'a toujours pas été ratifiée par le Congrès américain malgré les engagements pris au G20 en 2010.
Dans le domaine fiscal, je peux, en revanche, vous donner un exemple de succès : en 2009, le sommet du G20 à Londres a déclaré l'ère du secret bancaire terminée. On aurait pu se contenter de recenser les engagements pris par différents pays – qui comprenaient la Suisse, Singapour, Hong Kong, le Luxembourg... Mais nous avons établi un forum mondial, qui relève de la partie II du budget de l'OCDE, et qui réunit aujourd'hui 126 pays sur un pied d'égalité ; il a pour objet de mettre en place un examen par les pairs des engagements pris par les États. Un reporting au G20 apporte la nécessaire dimension politique : un froncement de sourcils du G20, sur une petite juridiction, ce n'est pas inefficace. Nous avons mis en place deux phases. La première vérifie si les lois ont changé, si le bénéficiaire effectif d'un trust est connu – ce qui répond à votre question sur la fiducie, monsieur Goua –, si l'administration a accès à cette information sans restriction, si les conventions fiscales permettent l'échange effectif de renseignements avec tous les pays qui en font la demande... Aujourd'hui, nous avons réalisé cent vingt examens de phase I et rendu nos conclusions au G20. Et cela marche ! Douze pays seulement sont considérés comme défaillants – et je peux vous assurer qu'ils changent, à l'exception toutefois de Panama. La Suisse, qui a été considérée comme défaillante, a changé sa législation, processus pourtant très difficile ; elle est donc maintenant passée en phase II.
Si la première phase peut prendre très peu de temps – vingt-quatre heures ont suffi aux Îles Vierges britanniques, par exemple – encore faut-il que la nouvelle législation soit effectivement mise en pratique. C'est l'objet de la seconde phase que de vérifier l'effectivité des mesures prises – ce qui ne va pas forcément de soi. À la fin de l'examen de phase II, nous attribuons à chaque pays une note globale. Aujourd'hui, quatre pays sont non conformes : les Îles Vierges britanniques, le Luxembourg, Chypre et les Seychelles. Mais, là encore, ces pays changent très vite, car ils détestent figurer sur cette liste quand le G20 s'énerve. C'est donc là un exemple de succès.
Aujourd'hui, nous avons développé le standard de l'échange automatique de renseignements et recueilli l'engagement de quatre-vingt-treize pays, c'est-à-dire tous sauf le Panama, le Vanuatu, les Îles Cook et Bahreïn – parmi eux, seul Panama est une vraie place financière. Le forum mondial vérifiera, à partir de 2017, par un examen par les pairs, l'application de ce standard.
Quant au plan BEPS, nous en sommes en train d'en débattre : quel mécanisme de suivi allons-nous mettre en place pour nous assurer que les pays ont modifié leur législation, que les engagements sont tenus, les mesures appliquées ? Ces modifications législatives ne sont d'ailleurs pas faciles à mettre en place : nous devrons aider, accompagner les États. De façon très concrète, le standard minimum en matière de lutte contre l'abus des traités devrait faire l'objet d'une convention fiscale multilatérale avant la fin de l'année 2016. Nous irons vérifier que les Pays-Bas, par exemple, l'appliquent bien : ce pays compte, d'après un rapport officiel de son propre gouvernement, 10 000 avocats qui ne vivent que du treaty shopping. Nous vérifierons donc ce qui se passe concrètement. Dans les cas où il n'existe pas de standard minimum, nous essaierons de voir si l'application est cohérente : il faut, en effet, mettre fin à la double non-imposition, mais aussi assurer la sécurité juridique des contribuables. Il ne faudrait pas que notre système tourne à la foire et que chaque pays taxe n'importe comment !