La réforme des collèges constitue une étape nouvelle, et décisive, de notre action en faveur de l'éducation. Après avoir traité, dès 2012, la question de l'école primaire, nous nous attaquons aujourd'hui à la réforme des collèges. On considère en effet que le collège est le maillon faible de notre système éducatif : les choses s'y passent assez mal pour les élèves – sauf pour une minorité d'entre eux. Nous devons donc accorder une beaucoup plus grande attention à la façon dont les enfants s'approprient les enseignements. Ce qui importe, c'est moins le nombre des matières enseignées que l'étendue de ce que les élèves ont retenu à la fin de la scolarité obligatoire.
La réforme des collèges s'inscrit dans une approche globale. Elle porte sur le contenu des apprentissages, avec la définition d'un nouveau socle de connaissances et de nouveaux programmes, mais aussi sur les pratiques pédagogiques et sur l'évaluation des connaissances, avec la réforme du diplôme national du brevet (DNB). Elle entrera en vigueur en septembre 2016.
Contrairement à certains changements introduits ces dernières années, elle ne soumettra pas les enseignants à des injonctions paradoxales, comme celles qui leur demandent à la fois de faire travailler davantage les élèves en groupe tout en respectant des programmes sans cesse plus étoffés. Et elle réussira d'autant mieux qu'elle utilisera tous les leviers.
La réforme se fonde sur plusieurs constats. Dans les matières fondamentales, les résultats se sont dégradés ces dix dernières années. Un élève sur huit à l'entrée au collège et un élève sur quatre à la sortie ne maîtrisent pas les fondamentaux du français. Les mêmes difficultés sont observées en mathématiques et en histoire-géographie. Les inégalités sociales sont croissantes : un enfant de cadre a 95 % de chances de décrocher le brevet, contre 75 % pour un enfant d'ouvrier. L'écart entre les plus forts et les plus faibles n'a cessé de se creuser. Enfin, le collège n'a pas su s'adapter pour apporter aux élèves les compétences qu'ils sont en droit d'attendre dans le monde actuel – capacité à s'exprimer à l'oral, à travailler en groupe, à maîtriser les langues vivantes et l'outil numérique. Ainsi, à tous points de vue, la situation est insatisfaisante.
La réforme a la particularité de s'appuyer sur le monde enseignant et sur ce qui fonctionne sur le terrain. Les mesures qu'elle contient n'ont pas germé dans les cerveaux des fonctionnaires de la rue de Grenelle, mais s'inspirent d'expérimentations qu'ont menées les équipes enseignantes les plus innovantes et qui ont fait leur preuve. Il s'agit aujourd'hui d'en faire bénéficier tous les collégiens, et non plus simplement ceux qui ont la chance d'avoir des professeurs à l'avant-garde.
Les équipes pédagogiques seront libres d'organiser les nouveautés – accompagnement personnalisé, enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), travail en petit groupe – sur 20 % du temps scolaire, en fonction des besoins des élèves. Ainsi, dans certains établissements, l'accompagnement personnalisé se concentrera plutôt sur le français, dans d'autres sur les sciences. Tout en réaffirmant le collège unique, la réforme mettra donc fin à l'uniformité – qui veut qu'un même contenu soit proposé de façon identique dans tous les établissements –, pour s'adapter à la diversité des élèves.
Que contient en effet la réforme des collèges ? Le premier axe vise à garantir la maîtrise des fondamentaux. Cela passe par un socle de connaissances plus exigeant et par la rénovation des programmes. Ceux-ci seront plus cohérents, plus progressifs, plus lisibles et plus simples. Les nouveaux programmes de français mettront par exemple au centre des apprentissages la maîtrise de la langue, à l'écrit et à l'oral. En mathématiques, ils rendront l'enseignement plus attractif, notamment grâce à l'utilisation de l'informatique. En histoire, un effort sur la chronologie offrira des repères spatio-temporels plus clairs et plus simples.
Pour que les élèves puissent mieux comprendre, mieux s'approprier et mieux réutiliser les connaissances, une nouvelle démarche pédagogique sera privilégiée. Ainsi, les nouveaux enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) croiseront les disciplines et décloisonneront les savoirs. Les élèves y réutiliseront leurs apprentissages dans des projets pratiques réalisés en groupe et suivis d'une présentation : ils seront ainsi amenés à sortir de la passivité pour s'impliquer de façon très participative. Pour un élève qui a des difficultés en mathématiques, est peu intéressé par l'histoire-géographie et ne prend jamais la parole en classe, participer à un EPI, par exemple autour du développement durable, lui permettra de mieux manipuler les formules mathématiques, de comprendre la mécanique des continents, mais aussi de s'exprimer devant ses camarades pour expliquer le projet collectif.
Ces EPI porteront sur des thèmes, que choisiront les équipes parmi les huit suivants : développement durable ; sciences et société ; corps, santé et sécurité ; information, communication, citoyenneté ; culture et création artistiques ; monde économique et professionnel ; langues et cultures de l'Antiquité ; langues et cultures régionales et étrangères. Les apprentissages – participation des élèves, construction des projets, réalisation finale – seront évalués et inclus dans les compétences du diplôme national du brevet.
Le deuxième axe de la réforme vise à apprendre aux élèves à mieux travailler, ou pour le dire autrement « apprendre à apprendre ». Les méthodes de travail – prise de notes, révision des leçons, préparation d'un exposé, recherche documentaire – leur seront donc enseignées de manière plus explicite. Cet accompagnement personnalisé bénéficiera à tous les élèves – et notamment à ceux des classes de sixième, qui bénéficieront de trois heures par semaine, afin que la transition école-collège se déroule dans les meilleures conditions.
Toujours pour mieux accompagner les élèves, le travail en petit groupe sera développé. Tous les enseignants le savent : il est parfois beaucoup plus facile de faire travailler les élèves en petits groupes homogènes, car cela permet d'établir d'autres relations, de prendre le temps de revenir sur des sujets mal assimilés. Pour que ce fonctionnement puisse se déployer dans tous les collèges, 4 000 équivalents temps pleins (ETP) seront créés.
Cela traduit notre volonté de sortir de l'uniformité pour développer la personnalisation de l'apprentissage. Il s'agit d'adapter l'enseignement à la singularité de chacun, afin que l'élève qui décroche puisse rattraper son retard et que l'élève précoce puisse approfondir ses connaissances.
Le troisième axe de la réforme des collèges vise à donner de nouvelles compétences aux collégiens. Le collège ne s'est pas suffisamment adapté au monde actuel : nos collégiens maîtrisent peu l'oral, ne sont pas habitués à coopérer, à laisser libre cours à leur créativité, à élaborer une démarche essai-erreur… Les EPI sont précisément destinés à améliorer leurs compétences dans ces domaines. Comme le film Les Héritiers, inspiré d'un fait réel, l'a par exemple très bien illustré, lorsqu'on fait travailler des élèves ensemble, il arrive toujours un moment où chacun d'eux parvient à révéler ses potentialités, et donc à améliorer son estime personnelle, qui se répercute ensuite sur ses résultats scolaires. Toutes les études montrent que ces éléments ont une incidence sur la façon dont chacun s'insère dans la société : c'est ainsi que les jeunes deviennent de futurs citoyens, confiants en eux-mêmes, dans leurs concitoyens et dans les institutions.
La deuxième compétence que nous voulons qu'acquièrent les jeunes, c'est la pratique des langues étrangères. Lors de la dernière enquête TOEFL (Test of English as a foreign language), la France s'est classée au soixante-neuvième rang sur 109 pays. En la matière, les grands décrocheurs sont en particulier les garçons relevant de l'éducation prioritaire. À partir de 2016, une première langue vivante (LV1) sera enseignée dès le cours préparatoire (CP) dans tous les établissements, et une deuxième langue vivante (LV2) sera enseignée dès la classe de cinquième. Les expérimentations de cet apprentissage en cinquième, en particulier à Toulouse, ont été un très beau succès : l'apprentissage précoce d'une langue étrangère est d'autant plus bénéfique que les élèves ont un âge où ils ne sont pas encore trop inhibés, où ils osent facilement prendre la parole, contrairement aux élèves plus âgés, comme en quatrième.
Les usages du numérique constituent la troisième compétence que nous voulons développer chez les collégiens. Il s'agira de leur apprendre à comprendre ces usages, à les maîtriser, à les mettre au service de leurs apprentissages. Les programmes préparés actuellement par le Conseil supérieur des programmes (CSP) prévoiront l'acquisition de connaissances en algorithmique et en informatique, ainsi que d'un esprit critique de la culture numérique au regard des enjeux de sécurité numérique, de fiabilité des sources, de civilité et de respect vis-à-vis d'autrui.
Par ailleurs, la rentrée 2016 correspondra à l'entrée en vigueur du plan numérique : les collégiens pourront ainsi accéder à des contenus utiles pour leurs apprentissages – manuels scolaires interactifs –, utiliser des outils pour travailler au quotidien – prise de notes, agendas électroniques –, recevoir des informations du collège – revues de presse du centre de documentation et d'information (CDI). Ces nouveautés seront expérimentées dès la rentrée 2015 : j'ai lancé un appel à projets afin de désigner les 300 premiers collèges du plan numérique, lequel verra le jour en 2016 pour tous les collèges.
Le quatrième et dernier axe de la réforme vise à faire du collège un lieu d'épanouissement et d'apprentissage de la citoyenneté. Ainsi, tient-elle compte de la mobilisation qui a suivi les attentats du mois de janvier.
L'emploi du temps des collèges sera construit autour des élèves : une pause méridienne d'une heure et demie sera accordée à tous les collégiens, les multiples « trous » qui affectent les emplois du temps des collégiens, avec leurs conséquences sur la qualité des apprentissages, seront ainsi mieux comblés pour respecter cette pause.
Des mesures seront prises pour détendre le climat scolaire et lutter contre les violences, en particulier le harcèlement, grâce à l'évaluation des tensions, la formation des enseignants et l'accompagnement des équipes.
La réforme prévoit également de mieux associer les parents à la vie du collège. Cela passera par une communication systématisée grâce à un livret scolaire unique, un meilleur suivi de l'absentéisme, ou encore des dispositifs d'aide aux parents les plus éloignés de l'institution, par exemple à travers une aide pour la maîtrise du français et la connaissance des codes de la réussite au collège.
Enfin, la réforme s'attache à renforcer la démocratie collégienne. Les conseils de la vie collégienne seront généralisés. Un média – radio, journal – sera développé dans chaque collège pour inciter les élèves à s'emparer de l'information. Les moments forts, comme la remise des diplômes ou les cérémonies commémoratives, seront systématisés.
Si nous voulons que le collège de 2016 offre de réelles perspectives de réussite à tous, nous devons mettre fin à la ghettoïsation. La carte scolaire sera donc révisée pour aboutir à des secteurs plus larges et à un processus d'affectation des élèves qui réponde mieux à l'objectif de mixité sociale, laquelle est un facteur de réussite particulièrement important.
Le 13/04/2015 à 09:42, laïc a dit :
"...à élaborer une démarche essai-erreur… "
Mme la ministre s'est-elle elle-même exercer à élaborer une démarche essai-erreur quant à sa conception des menus dans les cantines scolaires ?
Essai : il faut accéder aux revendications religieuses dans les cantines publiques et laïques, et donc faire des doubles menus quand du porc est proposé.
Erreur : la laïcité interdit de céder aux revendications religieuses dans l'espace public, et donc je me trompe en defendant les menus de substitution quand le porc est proposé.
Allez Mme la ministre, encore un effort, et vous arriverez à comprendre pour vous-même ce que vous proposez pour les autres.
Sinon, sur un sujet aussi grave que la laïcité, la solution de la démission vous reste grande ouverte.
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