La situation du collège, considéré comme le maillon faible du système éducatif, est en effet préoccupante. Le premier sujet d'inquiétude est le niveau des élèves et des performances scolaires, très médiocre dans les disciplines fondamentales et bien en deçà de ce que l'on pourrait attendre d'un pays comme la France. La dernière enquête du programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) a révélé que 20 % des élèves français de quinze ans étaient en échec scolaire et ne maîtrisaient pas les savoirs fondamentaux. Les résultats de la session 2014 du brevet des collèges corroborent ce constat accablant, en révélant que les deux tiers des collégiens ont obtenu une note inférieure à la moyenne à l'épreuve finale de mathématiques.
Cette réalité nécessite que nous nous interrogions non seulement sur les contenus, mais aussi sur le fonctionnement du collège, sur les différentes façons d'y enseigner, et sur la pertinence du schéma « une heure, une classe, un professeur, une discipline », dont on peut aujourd'hui considérer qu'il n'a pas totalement fait ses preuves.
C'est le sens des deux mesures phares de votre réforme : travail en petits groupes en fonction des besoins dans le cadre de l'accompagnement personnalisé, notamment en sixième, qui permettra d'assurer la transition entre l'école et le collège ; enseignements pratiques interdisciplinaires, qui donneront du sens et de la cohérence aux apprentissages, actuellement trop cloisonnés, et qui permettront de rompre – enfin – avec cette logique du « petit lycée », peu adaptée à des élèves de onze ou douze ans.
Face aux difficultés, la solution de facilité aurait été de renoncer et de considérer que, en définitive, certains enfants n'ont aucune appétence scolaire, qu'ils ne sont pas faits pour étudier et qu'il est préférable, comme certains nous y enjoignent, de les orienter vers la vie active dès le plus jeune âge – ce qui reviendrait à sceller la destinée scolaire des élèves dès l'âge de treize ou quatorze ans.
La réforme que vous proposez réfute cette fatalité, en se fixant comme objectif la réussite de tous. Dans un contexte de fortes tensions, où des milliers d'adolescents, issus notamment des milieux populaires, éprouvent un sentiment de relégation et de ségrégation, cette réforme devient un enjeu central. Proposer un socle commun de connaissances, de compétences et de culture à toute une classe d'âge, c'est bien plus qu'une question de pédagogie : c'est créer un lieu où travailler et grandir ensemble, quelle que soit, par la suite, l'orientation de chacun, c'est créer des références, des valeurs, une culture communes, partagées par toute une génération, c'est favoriser la cohésion nationale. Au moment où se pose la question du vivre ensemble, il serait paradoxal de prôner la séparation des élèves dès le plus jeune âge et de renforcer ainsi la ségrégation sociale et le sentiment d'exclusion.
Choisir le renforcement du collège unique, qui n'est pas – faut-il le rappeler ? – le collège monolithique, c'est aussi faire un choix de société. La question de la ségrégation se pose de façon particulièrement aiguë au collège, car c'est là que se superposent et se renforcent différents types de ségrégation : ségrégation liée à l'environnement, mais aussi ségrégation sociale et scolaire, quasiment organisée par l'institution elle-même. Les fortes inégalités en matière d'offre scolaire entre les collèges, mais aussi entre les classes d'un même établissement, peuvent engendrer non seulement une compétition exacerbée au sein d'un même secteur, mais aussi souvent des tensions, voire des violences à l'intérieur des établissements, où se côtoient des classes dites « d'excellence », fort bien dotées, et des classes qui apparaissent comme des classes de relégation.
La réorganisation de l'apprentissage des langues vivantes, envisagée dans le cadre de la réforme, permettra de limiter cette ségrégation, puisque le choix d'une langue rare ou d'une classe bi-langues en sixième constitue bien souvent une stratégie privilégiée pour contourner la carte scolaire ou intégrer une classe d'excellence. La généralisation à l'ensemble des élèves de deux langues vivantes dès la cinquième et le choix entre plusieurs collèges de secteur, grâce aux mesures projetées sur la carte scolaire, auront, à n'en pas douter, des effets rapides sur la mixité sociale et scolaire, laquelle constitue l'un des objectifs affichés de la réforme.
C'est parce qu'elle est globale et qu'elle actionne tous les leviers disponibles que cette réforme est ambitieuse. Mais elle ne produira les effets escomptés que si les enseignants s'en emparent. C'est pourquoi le groupe SRC insiste sur le besoin impérieux de formation, tant pour l'accompagnement personnalisé – afin que celui-ci ne se réduise pas à la répétition de quelques pages d'exercice, mais puisse s'enrichir des apports d'autres méthodes et de pédagogies alternatives notamment –, que pour les enseignements pratiques interdisciplinaires. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce qui est prévu en matière de formation initiale et continue des enseignants, condition sine qua non de la réussite de la réforme ?