Intervention de Patrick Hetzel

Réunion du 24 mars 2015 à 17h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Hetzel :

Le fait que vous abordiez la réforme des collèges ne doit pas induire que la question du premier degré est réglée : le travail doit aussi se poursuivre pour l'école primaire. Nous partageons néanmoins au moins un constat : le collège constitue un maillon faible pour la réussite de nos jeunes. Il est inacceptable que 25 % des élèves ne maîtrisent pas les compétences de base à la fin de la troisième. Il faut donc agir.

Comme le montrent des travaux de recherche, la réduction constante des heures consacrées au français depuis trente ans est une cause majeure de l'effondrement du niveau académique des collèges. Comment allez-vous concilier la nécessité de remonter le niveau, avec la réduction supplémentaire des heures de français que votre réforme va sans doute entraîner ? Elle prévoit certes le même volume horaire que précédemment, mais dès lors que 20 % de l'emploi du temps global, inchangé, pourront être consacrés à des approches interdisciplinaires, les autres matières verront nécessairement leurs horaires diminuer. Or l'accès à l'interdisciplinaire nécessite au préalable une bonne maîtrise des matières fondamentales, sans lesquelles ces enseignements sont inefficaces. Lorsqu'elle fustigeait la précédente majorité coupable, à ses yeux, d'avoir réduit le nombre d'enseignants, l'opposition d'hier insistait sur la question du volume horaire. Or ce souci a totalement disparu des préoccupations de la majorité actuelle !

À aucun moment vous ne parlez de la manière dont sera effectué le suivi de la réforme. L'OCDE et la Cour des comptes ont pourtant indiqué qu'il ne fallait pas simplement réformer, mais prévoir un dispositif d'évaluation pour s'assurer que les objectifs soient atteints.

D'autre part, j'ai du mal à comprendre pourquoi vous voulez supprimer les cours formalisés de latin et de grec comme le dénoncent notamment beaucoup d'enseignants. Sans doute ces cours sont-ils perçus comme élitistes. Ils n'en ont pas moins une importance réelle. Certains pays, où le latin et le grec n'étaient pas toujours privilégiés par les élèves, ont accordé à ces matières le même statut que les langues vivantes. Pourquoi ne pas s'inspirer des expérimentations qui marchent à l'étranger, afin que ce qui constitue le socle culturel de notre société et de notre civilisation ne soit pas passé par pertes et profits ?

Vous avez parlé d'enseignements personnalisés. Or une manière d'aller vers une personnalisation efficace est de répartir les élèves par groupe en fonction du degré de maîtrise de leurs fondamentaux, matière par matière. Des pays, comme la Finlande, s'orientent dans cette direction. Pourquoi écartez-vous cette piste, alors que les organisations enseignantes vous ont fait des propositions en ce sens ?

Enfin, vous passez sous silence une question clé : le suivi individualisé des élèves, que la Cour des comptes juge mal piloté et mal évalué, alors que 2 milliards d'euros y sont consacrés. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet, Madame la ministre ? Le décret n° 2014-540 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service des enseignants ne comporte aucune disposition sur ce suivi personnalisé, dont vous semblez faire un des leviers de la réforme. Comptez-vous le modifier ?

Vous l'aurez compris, votre réforme laisse le groupe UMP dubitatif. Disraeli voulait « conserver ce qui vaut, réformer ce qu'il faut ». Il me semble que vous faites l'inverse : vous réformez ce qui vaut – les matières – et conservez ce qu'il ne faut pas.

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