Il y a quelques jours, le magazine Challenges titrait à propos de votre entreprise que nous vivions un scandale d'État. On peut en effet se demander qui va payer pour la quasi-faillite d'Areva et comment le groupe en est arrivé là. Pourquoi le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives – CEA –, premier actionnaire d'Areva, n'a-t-il à aucun moment alerté les pouvoirs publics sur sa situation ?
Certes, pour les écologistes, la surprise n'est pas totale. Comme M. Oursel, président-directeur général d'Areva, le disait il y a quelques mois devant la commission d'enquête sur les coûts du nucléaire, le business model du nucléaire s'est écroulé. Vous avez beau clamer votre confiance dans la compétitivité d'un nucléaire sûr, les chiffres que vous citez – et les rapports de la Cour des comptes – prouvent que les coûts ne cessent d'augmenter. La vraie question est donc de savoir s'il existe encore un business model pour le nucléaire ou bien s'il faut réorienter l'entreprise vers d'autres activités.
Dans le cadre d'une conférence de presse à l'occasion de la publication de vos résultats, vous indiquez – affirmation typique de la surestimation systématique de l'avenir de votre filière – que le nombre de projets nucléaires pourrait augmenter de 50 % d'ici à 2030. Vous dites également disposer d'un carnet de commandes de 46 milliards d'euros. Pouvez-vous nous en dire plus ? À quel type de projets – existants ou virtuels, comme la construction de réacteurs de type Atmea, dont on n'est pas encore sûr qu'ils passeront les contrôles de sûreté – ce carnet de commandes renvoie-t-il ? Cela nous permettrait d'évaluer sa vraie valeur.
La rumeur veut que des Chinois pourraient entrer au capital d'Areva. Cette éventualité fait sourire ceux qui ont toujours douté du nucléaire français puisqu'un pays où cette source d'énergie pèse 2 % dans la production de l'électricité viendrait sauver une filière qui en pèse 75% – preuve que pour être un leader international, point n'est besoin de produire autant d'énergie nucléaire. Ces rumeurs sont-elles exactes ?
À rebours du dumping en matière de sûreté auquel semble vous inviter Hervé Mariton, confirmez-vous que la sûreté ne sera en aucune façon une variable d'ajustement dans les plans d'économie d'Areva ? Les préconisations de l'ASN dans le cadre des évaluations complémentaires de sûreté consécutives à l'accident de Fukushima seront-elles bien prioritaires pour protéger les installations existantes, dont celle de la Hague pour laquelle l'ASN a également demandé un reconditionnement de certains déchets ? Confirmez-vous qu'il n'est pas question de toucher aux provisions obligatoires pour faire face aux charges futures en matière de démantèlement et de gestion des déchets ?
S'agissant de l'EPR, chacun peut constater les retards et les surcoûts du projet. Vous avez évoqué Hinkley Point ; mais n'est-il pas temps de se demander s'il est raisonnable de commencer un nouveau chantier dont le coût estimé s'élève à 30 milliards d'euros tant qu'on n'a pas démarré un seul réacteur de ce type pour vérifier que la technologie fonctionne ? Par ailleurs, puisqu'on évoque un EPR « optimisé », ne faut-il pas privilégier ce modèle par rapport à celui conçu il y a une dizaine d'années ?
Enfin, n'entraînons pas EDF dans la chute d'Areva ; au moment où le monde entier se tourne vers les énergies renouvelables, où la part du nucléaire ne cesse de décroître, Areva lui-même devrait se tourner vers la diversification et le démantèlement plutôt que de persévérer dans le modèle nucléaro-centré et d'entraîner EDF dans une relation qui risquerait de plomber notre électricien national.