Intervention de Philippe Knoche

Réunion du 24 mars 2015 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Philippe Knoche, directeur général d'Areva :

Le retour d'expérience des premiers projets d'EPR devrait permettre de gagner 20 à 30 % de coût. On identifie bien désormais les aléas survenus et les façons de les éviter, dont il faudra tenir compte pour Hinkley Point. Le nucléaire a toujours fonctionné par paliers, en particulier en France : on peut optimiser le design de l'EPR, puis les construire deux par deux de façon à descendre sur la courbe d'expérience. On vise ici un coût au mégawattheure inférieur à celui des sources alternatives, qui se situe entre 70 et 90 euros pour une installation neuve. Le projet de Taishan constitue déjà un pas dans cette direction.

UraMin bénéficie aujourd'hui d'approvisionnements diversifiés grâce aux ressources du Niger, du Canada et du Kazakhstan ; l'exploration se fait également en Mongolie. Nous conservons enfin la propriété du gisement en Namibie. Les coûts historiques s'élevant à 2,7 milliards d'euros, nous avons déprécié les investissements réalisés. Au total, nous disposons donc d'un vrai plan d'approvisionnement.

Monsieur Goua, plutôt que le nombre d'entités, c'est la gouvernance de la filière nucléaire qui m'apparaît importante. Il faut s'assurer que sur chaque sujet d'investissement ou d'offre commune les acteurs s'alignent plutôt que de poursuivre des stratégies ou des tactiques différentes.

Il est prématuré à ce stade d'évoquer la recapitalisation et son niveau. Comme l'a indiqué le ministre de l'Économie, M. Emmanuel Macron, l'entreprise doit avant tout faire des efforts sur elle-même, puis étudier la possibilité de renforcer ses fonds propres.

Monsieur Mariton, sans s'arrêter sur les cessions que nous pourrions faire à l'avenir ou le développement des énergies renouvelables – en forte croissance il y a quelques années, le marché des éoliennes offshore a été divisé par deux en quelques mois en 2014 –, notre engagement relevait bien d'un choix industriel qui visait à gagner de l'argent. Areva dispose de capacités technologiques importantes, mais les risques que représentent les grands projets nous amènent aujourd'hui à revoir les volumes de marché potentiels et à participer à la consolidation du secteur. En matière d'éoliennes offshore, nous avons créé, avec Gamesa, la co-entreprise Adwen qui reprend nos obligations, dans laquelle nous sommes présents à parité avec notre co-actionnaire, un industriel expérimenté du secteur. En revanche, compte tenu de l'évolution du marché du photovoltaïque, nous ne poursuivrons pas les activités de solaire à concentration.

S'agissant du niveau des exigences de l'ASN, nous entretenons un dialogue permanent avec l'Autorité ; il m'apparaît sain d'être toujours poussé le plus loin possible dans ce domaine. Le principe de la proportionnalité aux enjeux, prévu par la réglementation, nous enjoint, au lieu de nous attacher à des aspects médiatiques, de nous focaliser sur les points essentiels de sûreté. Nous menons un dialogue de qualité, nourri et continu, avec l'ASN, alors que l'évolution permanente de la réglementation constitue un défi à la fois pour l'Autorité et pour nous.

La restructuration de l'industrie chinoise pourrait-elle devenir un obstacle ? Nous comptons aujourd'hui six filiales dans ce pays. Tout se mérite, rien n'est donné à Areva : il s'agit d'un territoire de croissance, mais où nous devons faire preuve de notre technologie et de notre capacité à la délivrer. Aucune place garantie ne nous est réservée sur ce marché, nous y agissons en propre ou avec des partenaires chinois, participant nous-mêmes à la structuration de l'industrie chinoise par nos implantations locales et par nos partenariats.

Quant à Rosatom, c'est un partenaire, un client et un fournisseur, mais également un concurrent, même si nous avons des offres conjointes. Tous les acteurs de l'industrie nucléaire ont leurs responsabilités ; en France, EDF exploite les réacteurs, Areva, les installations du cycle et le CEA, celles de recherche. Différents acteurs apparaissent complémentaires et Rosatom est pour nous un partenaire important.

Le dialogue social a toujours été important chez Areva, et il doit l'être d'autant plus que la situation est difficile. Nous nous sommes efforcés de partager l'information, mais je ne peux à ce jour donner aucune piste prioritaire. L'ensemble des sujets seront considérés avec une conscience profonde de la portée des enjeux de compétence et d'emploi, y compris dans les territoires. La semaine dernière, je me suis ainsi rendu sur le site du Tricastin ainsi que de Melox et Marcoule pour rencontrer les organisations syndicales et les salariés. Nous sommes tous attachés à nos compétences, mais nous devons faire face à un marché en difficulté ; ainsi, pour le travail effectué à Melox, la fin des livraisons aux clients allemands se produit en ce moment même, alors que le démarrage des premiers réacteurs japonais qui brûleront du combustible MOX s'est décalé à la fin de l'année. Ces aspects feront l'objet d'un dialogue social ; Philippe Varin et moi y tenons beaucoup et rencontrons régulièrement les organisations syndicales et les salariés afin d'anticiper et d'adapter au mieux l'entreprise aux circonstances.

S'agissant du rapprochement avec EDF, nous avons mené des travaux opérationnels qui visent à éviter le désalignement et à optimiser la gestion des compétences de la filière. Dans le démantèlement, EDF et Areva agissent d'ailleurs dans le cadre de co-entreprises. Il est aujourd'hui prématuré de préjuger de la forme que prendra ce rapprochement ; nous travaillons sur l'efficacité de la filière.

Dans les conditions actuelles de marché, on prévoit une concentration des acteurs du renouvelable et du nucléaire. À ce stade, les actionnaires d'Urenco ont indiqué reporter le projet de cession ; la question n'est donc plus sur la table. Areva, pour sa part, doit se concentrer sur son plan de transformation et son retour à la rentabilité. Nous avons pour ambition de participer à la consolidation, mais sans oublier notre priorité.

Les 14 milliards d'investissements ont été financés par l'accroissement de la dette, passée de quasiment zéro à 5,8 milliards d'euros, et par des cessions d'actifs, pour près de 8 milliards. Ces cessions ont représenté un moyen de financement important pour le groupe.

En évoquant un cash-flow positif en 2018, je parlais de la génération de trésorerie. Notre objectif est d'être capables, à partir de cette date, de commencer à rembourser notre dette, même si elle reste encore très importante.

Lors de ma dernière audition, j'avais indiqué qu'Areva ne faisait pas face à un problème de liquidité à court terme. Au 31 décembre, la dette brute représentait 6,8 milliards, mais nous disposions d'un milliard d'euros pour faire face à nos engagements au cours de l'année. Le cash-flow net négatif de cette année – qui se situe entre 1,3 et 1,7 milliard d'euros – dépasse le montant de notre trésorerie de début d'année. Nous ferons face à cette situation : non seulement nous publierons un plan de financement d'ici à la fin de juillet, mais nous pourrons exercer des lignes de crédit auprès des banques pour un total de plus de 2 milliards d'euros, afin d'éviter de nous retrouver dans une situation critique. Ces lignes ayant elles-mêmes leurs propres échéances, le plan de financement est capital.

Nous avons commencé à chiffrer, dans les travaux opérationnels, les gains que pourrait nous apporter un rapprochement avec EDF, susceptible de minimiser les risques et d'augmenter l'efficacité. Mais je ne dispose pas encore de chiffres définitifs.

Au cours de l'année 2014, la gouvernance du groupe a fait l'objet de débats relatés dans la presse. Dès que j'ai été nommé directeur général délégué d'Areva, j'ai pris des mesures, fait une communication et me suis expliqué devant vous. Ce soir, je ne veux pas revenir sur le passé, mais me tourner vers l'avenir de l'entreprise pour évoquer la situation de crise à laquelle elle fait face, ses ambitions et ses chances de réussir. Oui, il existe un business model pour le nucléaire ; les difficultés actuelles d'Areva ne doivent pas occulter la compétitivité de la filière et le fait qu'au cours de la dernière décennie, le nucléaire a versé plus de 20 milliards d'euros de dividendes à l'État – un des bienfaits de sa compétitivité.

Notre carnet de commandes, qui n'inclut ni Hinkley Point ni l'Atmea, est essentiellement constitué de contrats d'approvisionnement de long terme basés sur les ressources d'Areva, dans la mine – pour 9,5 milliards – et dans l'amont du cycle – pour 19 milliards –, sujets sans lien avec les réacteurs. S'agissant de ces derniers, ce qui figure dans le carnet ne couvre que le chiffre d'affaires résiduel sur les contrats Olkiluoto 3 – OL3 –, Flamanville 3 – FA3 – et Taishan. Pour l'aval du cycle, le contrat de long terme avec EDF et les clients hollandais, italiens et japonais concerne près de 10 milliards d'euros. Ce carnet de commandes s'étale jusqu'en 2030 et couvre, pour 2015, plus de 80 % du chiffre d'affaires que nous entendons réaliser.

Les fonds de démantèlement sont dédiés à la réalisation d'opérations auxquelles nous nous sommes engagés et que nous avons commencées ; en forte augmentation, en particulier à la Hague, elles seront conduites à leur terme. Oui, les investissements dans ce domaine – qui représentent plus de 200 millions d'euros par an – sont sanctuarisés, sans compter les nouvelles installations telles que GB2 ou Comurhex II qui améliorent la sécurité et la sûreté, et que nous cherchons à achever le plus rapidement possible. Il n'y aura donc pas de compromis. La sûreté ne repose pas uniquement sur les investissements ; elle relève de la responsabilité de tout intervenant dans les entreprises relevant du nucléaire.

La priorité du groupe est son plan de transformation, mais celui-ci peut ensuite amener à des partenariats. Nous en avons dans toutes nos mines et dans notre usine d'enrichissement ; la question d'un partenariat avec la Chine pourra se poser à partir du moment où l'entreprise aura établi son plan de redressement, et il faudra l'aborder de manière ouverte.

Enfin, j'ai indiqué nos objectifs pour l'EPR de Hinkley Point. Tirer les enseignements du passé à long terme en adoptant un raisonnement par palier n'implique pas d'attendre chaque palier, mais bien de gravir chacune des marches.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion