Intervention de Philippe Knoche

Réunion du 24 mars 2015 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Philippe Knoche, directeur général d'Areva :

S'agissant des énergies renouvelables, même si comme tous les opérateurs, nous devons nous adapter à un marché en forte baisse, Adwen a repris tous les engagements d'Areva au Havre et à Rouen ; j'en ai d'ailleurs discuté ce matin même avec le directeur général de la co-entreprise.

J'ai dirigé le projet OL3 – qui a démarré en 2003 – entre 2006 et 2009, dans un contexte particulier tant du point de vue des caractéristiques du client que des conditions du marché nordique, en situation de surcapacité. L'autorité de sûreté finlandaise était d'autant plus exigeante qu'il s'agissait d'une tête de série. J'assume ce que j'ai fait pour assurer que le projet avance, en minimiser les coûts et en améliorer l'efficacité ; étant donné les difficultés auxquelles elles ont fait face, nos équipes n'ont pas à rougir de leur travail.

Dans le cadre du plan de redressement, l'entreprise doit avant tout faire des efforts sur elle-même. Tout investissement – quel que soit l'investisseur – devra être rentable, mais Areva conserve des atouts et un potentiel de développement sur les marchés.

Chaque année, Areva effectue des achats pour plus de 3 milliards d'euros, majoritairement en France ; les rendre plus efficaces ne signifie pas pressuriser les sous-traitants, mais structurer la chaîne de fourniture et travailler ensemble sur les spécifications et l'innovation collaborative. Récemment, nous avons ainsi construit un ensemble de bâtiments de crise qui, dans des conceptions anciennes, auraient coûté 20 à 30 % de plus qu'avec les développements que nous avons réalisés avec les fournisseurs ; ces nouvelles installations sont donc à la fois plus compétitives et plus sûres. Efficacité d'achats et sûreté ne sont en rien contradictoires : au contraire, on innove bien sous la contrainte, et comme dans tous les secteurs, l'innovation partagée avec nos fournisseurs représente un important levier de compétitivité.

Le fait que les actionnaires de la coopérative TVO n'aient pas déprécié leur investissement dans OL3 signifie qu'ils l'estiment rentable. Or, leurs tests de rentabilité prennent en compte les prix de l'électricité actuels du marché nordique. Quant à l'arbitrage qui nous oppose, il s'agit d'un sujet de moyen terme : les mémoires ont été soumis et les auditions sont en cours, mais même si le consortium Areva-Siemens réclame plus de 3 milliards d'euros à nos clients, le jugement définitif n'interviendra pas avant plusieurs années.

Je répète : nous ferons tout pour que les départs, s'ils s'avèrent nécessaires, se fassent sur la base du volontariat. Je ne souhaite pas me prononcer sur les partenariats potentiels dans telle ou telle activité, mais la priorité dans le Gard rhodanien consiste à travailler avec le CEA sur la perspective 2016-2020 puisque le contrat actuel arrive à échéance. C'est la clé pour sécuriser l'emploi et l'activité du groupe sur ce site et je me félicite des progrès accomplis dans ce domaine au cours des dernières semaines.

D'une façon générale, le recentrage doit nous amener à investir de manière prioritaire dans les technologies liées au coeur de nos procédés. Nous investissons chaque année près de 300 millions d'euros dans l'innovation – chiffre qui apparaît directement dans notre compte de résultat –, l'effort total reporté dans notre bilan étant encore supérieur. Cet effort continuera, à la fois en interne – avec nos partenaires, le CEA et EDF – et avec nos sous-traitants.

S'agissant de ces derniers, nous avons en effet le devoir de garantir le respect des règles de sécurité et de sûreté lorsqu'ils interviennent sur nos installations. Ce point fait l'objet de procédures avec les entreprises concernées et en interne.

Nous menons un dialogue approfondi avec l'État – notamment par le biais de l'Agence des participations de l'État – sur les sujets financiers et stratégiques et plus généralement sur la transformation de l'entreprise, et faisons tout pour le rendre le plus fluide possible. Le contrôle s'exerce à travers le conseil d'administration, l'État disposant d'un éventail de moyens d'action – réglementaires ou non – sur l'entreprise. Profondément refondue, cette gouvernance est désormais pleinement installée ; avec Philippe Varin à sa tête, le conseil d'administration travaille avec l'ensemble des acteurs de l'entreprise sur le plan de transformation.

Lorsqu'on évoque l'avenir de l'EPR, il faut distinguer les têtes de série – OL3 et FA3 – et les projets suivants qui bénéficient de ces premières expériences. La technologie de l'EPR n'est pas remise en cause. Nous avons remis le rapport de sûreté à l'ASN, mais si les étapes de conception, de fabrication et de construction sont capitales pour assurer la sécurité de l'installation, la sûreté est aussi quelque chose qui se pratique tous les jours, à chacune des opérations.

En parlant des perspectives d'Areva, l'un d'entre vous a remarqué que le contexte et le diagnostic étaient connus ; il faut commencer par saluer notre volonté de partager ces informations. Comme je l'ai indiqué aux salariés et aux représentants des organisations syndicales, à ce stade, toutes les actions à venir ne sont pas encore définies. La feuille de route stratégique propose un cadrage initial, mais c'est la discussion avec l'État, l'ensemble de l'entreprise et les parties prenantes qui déterminera un plan d'action détaillant chacun de ses axes. Pas plus que dans le dialogue avec l'État, je ne vois aujourd'hui de freins ou d'obstacles dans celui avec EDF.

Les conséquences de notre plan de transformation sur nos sous-traitants seront positives dans la mesure où nous innoverons ensemble pour améliorer la compétitivité de la filière ainsi que la sûreté et la sécurité de nos installations ; c'est toute la raison d'être du comité stratégique de la filière nucléaire. Je comprends l'inquiétude des entreprises sous-traitantes comme celle des salariés du groupe, mais comme je l'ai souligné lors de la centaine de réunions managériales et de rencontres avec les salariés que j'ai menées au cours du mois de mars, les efforts de l'entreprise doivent lui permettre, à partir de 2017 ou 2018, de financer toutes ses activités dans un contexte de compétition mondiale.

Le bilan de l'entreprise a été financé par les cessions d'activité et l'accroissement de la dette. Accéder à des moyens de financement opérationnels passera par la réduction de nos investissements et un ensemble d'autres mesures ; à terme, ce ne sont pas les efforts des salariés, mais bien la compétitivité qui résoudra le problème de l'endettement d'Areva.

L'histoire de notre partenariat avec le nucléaire chinois, marquée par la réalisation d'ouvrages importants, est vieille de plus de trente ans. Certes, les Chinois se sont totalement approprié les technologies, mais sans tomber dans la naïveté, il nous reste des atouts à faire valoir dans la maîtrise industrielle. Certains de nos sites en France coopèrent efficacement avec leurs homologues chinois à travers les joint ventures, profitant de cette activité additionnelle. De même, beaucoup de PME françaises présentes en France et en Chine bénéficient de l'essor du parc chinois grâce à leur implantation sur ce marché.

S'agissant de l'entrée au capital d'Areva, j'ai déjà souligné que l'entreprise devait avant tout faire des efforts sur elle-même, mais il faut également envisager des partenariats dans tous les domaines liés au développement.

Le projet Comurhex II avance : les installations de la phase 1 de Malvési ont été mises en service, nous permettant de passer à une phase de mise au point. Le centre de gravité du projet s'est désormais déplacé à Pierrelatte, sur le site du Tricastin, et nous entendons trouver les moyens de financer la continuité de cet investissement qui nécessitera encore plusieurs centaines de millions d'euros dans les années à venir. Le projet avait été lancé dans un contexte de marché différent, mais Areva est le seul à investir depuis plusieurs décennies dans une installation neuve et sera l'unique opérateur de cette technologie en Europe.

Concentré sur le destin de mon entreprise, je m'abstiendrai de commenter le devenir d'Alstom.

Les mesures que nous entendons prendre permettront à Areva de renouer avec la profitabilité et des résultats positifs, et de sortir du surendettement. Mais nous ne nions pas la crise profonde du secteur de l'énergie, qui déprime l'investissement dans les capacités énergétiques et touche toutes les entreprises qui y interviennent.

Pour revenir à l'EPR, l'autorité de sûreté finlandaise a approuvé le contrôle-commande et nous a autorisés à réaliser les tests, qui se déroulent conformément au planning. Le contrôle-commande de Flamanville progresse également, les ordinateurs dédiés à la sûreté étant en cours d'installation.

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