Monsieur le président, mesdames, messieurs, la proposition de loi visant à la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales, présentée par Elisabeth Pochon et l’ensemble du groupe socialiste, est examinée devant votre assemblée au lendemain du second tour des élections départementales, une nouvelle fois caractérisées par un niveau très élevé d’abstention. Hier, en effet, un électeur sur deux ne s’est pas rendu aux urnes, soit un taux de participation inférieur à 50 %.
Cette proposition de loi vise à permettre la réouverture des délais d’inscription sur les listes électorales pour l’année 2015 en revenant de façon exceptionnelle sur le principe de révision annuelle des listes électorales prévu par l’article L. 16 du code électoral.
Elle s’inscrit dans le prolongement des travaux engagés par votre assemblée, puisqu’elle repose sur deux expressions récentes du Parlement : le vote de la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, qui a reporté les élections régionales au mois de décembre 2015 ; les travaux de la mission d’information menée par Mme Pochon et M. Warsmann, auxquels je souhaite rendre hommage pour la qualité du travail qu’ils ont conduit ensemble.
Le rapport issu de leurs travaux est remarquable à plus d’un titre. D’abord, il analyse avec beaucoup de précision et de justesse la complexité et les contraintes pesant sur le calendrier d’inscription sur les listes électorales. Ensuite, il met en exergue l’impact massif de l’éloignement de certains électeurs potentiels de l’institution électorale. On estime aujourd’hui à près de trois millions le nombre de non-inscrits et à 6,5 millions le nombre de « mal inscrits ». L’analyse du scrutin départemental démontre en outre combien les jeunes sont frappés par ce phénomène : si le taux d’abstention a atteint, au soir du premier tour, 49 % des inscrits, il a culminé à 64 % chez les personnes âgées de moins de trente-cinq ans.
Dans la perspective des élections régionales de la fin de l’année, il y a donc urgence à agir, d’autant que, pour la première fois depuis 1965, un scrutin aura lieu en fin d’année. Pour répondre à cette situation exceptionnelle, il fallait une mesure elle aussi exceptionnelle. Vous en avez pris l’initiative et je vous en remercie.
Sans cette proposition de loi, seuls les électeurs inscrits avant le 31 décembre 2014, soit près d’un an avant la date du scrutin, auraient pu participer à l’élection des conseillers régionaux appelés à diriger les nouvelles régions issues de la loi du 16 janvier 2015.
Certes, le code électoral, dans son article L. 30, prévoit déjà des dérogations permettant une inscription en dehors des périodes de révision annuelle des listes, notamment pour les électeurs déménageant pour motifs professionnels. De nombreux cas ne sont toutefois pas couverts. Les Français, notamment les étudiants, mais pas seulement eux, seront nombreux à déménager sans motif professionnel durant l’été 2015. Grâce à cette réforme, ils pourront s’inscrire jusqu’au 30 septembre 2015.
Ce sera également le cas des personnes qui acquerront la nationalité française ou recouvreront l’exercice du droit de vote avant le 30 septembre 2015. Ne pas leur permettre de le faire risquerait d’engendrer un profond mécontentement et de créer un décalage entre le fonctionnement de notre démocratie et les réalités de notre société, marquée par une grande mobilité. Nous devons au contraire déployer tous nos efforts pour associer les Français à la réforme territoriale que nous menons actuellement. Ainsi, le rapprochement entre la date limite d’inscription sur les listes électorales et le jour du scrutin permettra d’obtenir un corps électoral plus sincère, à partir de listes électorales plus représentatives.
Dès lors, le Gouvernement ne peut que soutenir cette proposition de loi. Je remercie par avance les municipalités qui, en lien avec l’INSEE, devront effectuer les opérations d’inscription et de radiation durant les mois d’octobre et de novembre. Une fois la présente proposition de loi votée, le ministère de l’intérieur aura, en vertu de son article 2, la responsabilité de prendre le décret en Conseil d’État qui précisera les règles et les formes de l’opération d’inscription et de révision prévue. Nous le préparerons en lien avec l’association des maires de France et l’INSEE.
Cela étant, et je le dis ici sans ambiguïté, le Gouvernement appelle de ses voeux une réforme plus structurante, dont la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui peut constituer une première étape incontournable et utile. Elle permet de faire face à l’urgence d’une situation, mais nous devons d’ores et déjà envisager de franchir des étapes supplémentaires. Je sais que le député Hamon y est particulièrement attaché. Le Président de la République s’est clairement exprimé en faveur d’une modernisation de l’accès au scrutin, avec l’ambition que, en 2017, nos concitoyens puissent s’inscrire jusqu’à un mois avant l’échéance électorale, et non plus l’année précédant le scrutin. Le rapport de Mme Pochon et de M. Warsmann traduit la même préoccupation et contient des propositions très concrètes pour y répondre.
Une fois l’urgence réglée par le vote de cette loi, nous devrons travailler en ce sens afin d’aboutir à l’adoption d’un texte avant la fin de l’année…