Intervention de Sergio Coronado

Séance en hémicycle du 30 mars 2015 à 16h00
Réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, chers collègues, l’année 2015 présente deux nouveautés de taille sur le plan électoral : un calendrier inédit et un périmètre nouveau des collectivités territoriales concernées par l’élection.

A l’issue du second tour des élections départementales, qui s’est tenu hier, dimanche 29 mars, le constat est grave : la crise démocratique perdure et même s’accentue, avec un taux d’abstention encore supérieur à celui du premier tour. Il est inquiétant qu’un électeur sur deux n’ait pas vu l’intérêt de se rendre au bureau de vote, même si l’abstention est inférieure à celle observée aux cantonales de 2011. La participation électorale, vous le savez, est un des critères les plus sûrs de la bonne santé d’un régime démocratique.

Les élections régionales seront les dernières échéances électorales avant 2017. Fin 2015, les Français vont retourner aux urnes et décider par leur vote de la constitution d’assemblées représentant un périmètre régional nouveau. En métropole, le scrutin se déroulera en effet dans les treize régions nouvellement dessinées en décembre 2014, telles que la grande région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes ou encore la région Alsace-Champagne-Ardennes-Lorraine. En outre, le report de mars à décembre 2015 de l’élection des conseillers régionaux, des conseillers de Corse et des membres des assemblées de Martinique et de Guyane est entré en vigueur postérieurement à la date de clôture des inscriptions.

Mes chers collègues, cette proposition de loi s’inscrit, sinon dans la continuité, en tout cas dans l’esprit du rapport d’information sur les modalités d’inscription sur les listes électorales, présenté en décembre 2014 par Mme Élisabeth Pochon et par M. Jean-Luc Warsmann, rapport qui contient vingt-trois propositions visant à améliorer l’établissement des listes électorales et à favoriser le retour aux urnes de ceux de nos concitoyens qui s’en sont éloignés. Il est nécessaire que le législateur intervienne afin de permettre une mise à jour optimale desdites listes.

En 2012, une enquête de 1’inspection générale de 1’administration a pointé des problèmes démocratiques importants et de nombreux ratés : absence de fiabilité, délais de révision insoutenables et contrôle très approximatif de listes électorales qui ne sont pas tout à fait à jour du fait de l’absence de radiation d’électeurs ayant déménagé. Elle en concluait que notre système offre à un nombre significatif d’électeurs la possibilité de voter deux fois. Les incohérences touchaient plus d’un million d’électeurs, soit 2,5 % des inscrits, et plus de 500 000 personnes étaient concernées par une double inscription, soit plus de 1 % du corps électoral.

Par ailleurs, d’après l’excellente enquête de sociologie électorale de Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen, le choix de l’abstention comme mode d’expression politique concernerait 3 % du corps électoral. Mais à côté de ce choix délibéré d’expression de contestation des citoyens, il faut tout particulièrement lutter contre la « mal-inscription », première cause d’abstention en France. Il y a plus de six millions de « mal-inscrits » sur les quarante-six millions d’inscrits sur les listes électorales : à chaque élection, c’est l’équivalent de Paris, Lyon et Marseille qui est privé de vote. J’ajoute que 7 % des Français en âge de voter ne peuvent pas le faire faute d’être inscrits sur les listes électorales.

La rapporteure l’a souligné : le calendrier d’inscription apparaît aux yeux des électeurs comme particulièrement complexe et rigide, et ne facilite pas l’inscription du plus grand nombre sur les listes électorales dans des conditions satisfaisantes. Le Président de la République avait d’ailleurs annoncé son intention de permettre l’inscription sur les listes électorales jusqu’à un mois avant un scrutin, alignant le régime français sur celui en vigueur dans les États qui sont également dotés d’une procédure d’inscription volontaire, comme les États-Unis, le Portugal ou le Royaume-Uni.

On peut regretter, mes chers collègues, que cette modification de la règle moins d’un an avant l’échéance ajoute de la confusion au climat politique et que l’on procède à titre exceptionnel en la matière. Toutefois, je constate que l’opposition n’a déposé aucun amendement, ni en commission ni en séance, et qu’aucune des vingt-deux autres propositions de la mission d’information sur les modalités d’inscription sur les listes électorales n’a été reprise. Si vous trouvez que notre démocratie nécessite une mobilisation plus ambitieuse, chers collègues de l’opposition, il vous appartient de transformer les autres recommandations du rapport en proposition de loi, au lieu d’utiliser votre droit de tirage pour déposer tous les trois mois des propositions de loi en faveur de la légitime défense ou de la déchéance de nationalité. Je pense que nous serions dans ce cas un certain nombre à vous suivre.

Le groupe écologiste entend s’attacher à démontrer que la modernisation de l’exercice du droit de vote exige d’établir des règles générales pour résoudre les problèmes d’inscription sur les listes électorales, qui constituent l’un des principaux freins à la participation. L’État doit simplifier la procédure d’inscription, et notamment envisager l’inscription à domicile car l’inscription volontaire se fait de plus en plus rare. Ce n’est pas un désintérêt de la politique ni une phobie administrative qui expliquent la majorité des cas de non-inscription, mais des procédures d’inscription parmi les plus complexes au monde, procédures que l’on se doit de réformer si l’on souhaite que l’abstention ne devienne pas le principal fléau de notre démocratie.

Vous l’avez compris, chers collègues : le groupe écologiste votera cette proposition de loi, tout en regrettant que la discussion se limite à la seule échéance régionale de la fin de l’année, alors que le rapport d’information offrait des possibilités de réforme plus ambitieuses. Je regrette notamment, d’autant que cette réalité me concerne directement, que le rapport ne traite pas de la question de nos compatriotes établis à l’étranger, alors que leur consultation dans le cadre des élections législatives de 2012 et des élections consulaires de 2014 a connu un certain nombre de ratés, qu’il s’agisse de l’élaboration des listes ou du déroulement du vote électronique.

Je retiens cependant, monsieur le ministre, votre volonté que ce texte soit le prélude à une refonte plus globale. C’est donc dans cet esprit que les écologistes apportent leur soutien à la proposition de loi.

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