Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, les élections départementales viennent encore de démontrer que l’abstention est de plus en plus un fléau pour notre démocratie. Signe d’un désintérêt, voire d’un rejet de la politique, entretenu par les extrêmes, ce renoncement à l’exercice d’un de nos droits les plus fondamentaux est symptomatique des difficultés de notre système représentatif. Élu moi-même d’un département qui, avec un taux d’abstention de 57,48 %, comptait hier parmi les quatre plus abstentionnistes, je ne suis pas fier d’un tel résultat, et je m’interroge sur la raison qui fait que sept départements d’Île-de-France se classent parmi les dix départements les plus abstentionnistes.
À côté de ce rejet ou de ce désintérêt manifeste, ce sont des raisons techniques qui expliquent que certains de nos concitoyens ne votent pas : c’est faute d’être correctement informés ou d’avoir eu connaissance des démarches administratives à effectuer qu’il ne sont pas, ou qu’ils sont mal inscrits. De telles situations pourraient être évitées par une modification des conditions d’exercice du droit de vote.
Dans le rapport d’information qu’ils ont consacré aux modalités d’inscription sur les listes électorales, nos collègues Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann ont bien identifié ce phénomène. En 2012, on comptait ainsi trois millions de non-inscrits, chiffre en progression continue depuis 2007 ; quant aux « mal-inscrits », ces électeurs inscrits dans un bureau de vote qui ne correspond plus à leur lieu de résidence effective, ils auraient été 6,5 millions en 2012. C’est autant d’abstentionnistes supplémentaires dans notre pays – on comprend aisément que quelqu’un qui a déménagé dans une autre région ne retournera pas dans son précédent lieu de résidence pour voter.
Indéniablement, notre calendrier électoral conduit à l’exclusion de nombreux électeurs potentiels. Le rapport d’information de nos collègues souligne combien le calendrier de révision des listes électorales, en vertu duquel les délais d’inscription sont en général clôturées au 31 décembre, est déconnecté du rythme démocratique. Il ne permet pas à ceux qui sont les moins sensibilisés à la politique et les moins susceptibles d’être mobilisés à l’occasion des campagnes électorales de s’inscrire à temps pour des élections qui ont souvent lieu des mois plus tard. En effet, depuis 1959, la plupart des élections se déroulent après le 1er mars, date à laquelle l’inscription effectuée l’année précédente prend effet. La déconnexion sera encore plus flagrante cette année, les élections régionales ayant lieu en décembre.
Il existe certes des dérogations, par exemple en cas d’acquisition de la nationalité française ou de déménagement pour raisons professionnelles, mais elles sont peu nombreuses ; surtout, elles ne prennent pas en compte la mobilité croissante de la population, en particulier celle des jeunes majeurs et des Franciliens. En outre, si la mise en place en 1997 de l’inscription automatique à dix-huit ans a permis de réduire considérablement le nombre des non-inscrits, nous pouvons, et nous devons, aller plus loin. Nous avons désormais la possibilité d’agir concrètement pour limiter ces phénomènes, en assouplissant les délais d’inscription.
Outre l’assouplissement du calendrier d’inscription, qui relève de la responsabilité du Gouvernement, le rapport d’Élisabeth Pochon et de Jean-Luc Warsmann contient de nombreuses autres propositions. Vous suggériez notamment, madame la rapporteure, d’accompagner les démarches d’inscription, de rénover les conditions d’attache avec la commune d’inscription ou encore de réformer la procédure d’examen et de contrôle des inscriptions. On ne peut que regretter que la proposition de loi ne reprenne que la première préconisation. Nous espérons avoir bientôt l’occasion de débattre de l’ensemble de ces solutions, qui devraient permettre à un plus grand nombre de nos concitoyens de se rendre aux urnes.
Sur la forme, nous regrettons également que la proposition de loi n’ait pas été déposée, dans un esprit de co-construction réunissant majorité et opposition, par les deux auteurs du rapport. Sur un sujet aussi important pour notre pays, les postures partisanes n’ont pas leur place dans cet hémicycle.
Au moment où de multiples menaces pèsent sur la cohésion de notre société, toute initiative susceptible d’inciter nos concitoyens à aller voter et de faciliter l’exercice du vote doit être soutenue et valorisée. Je regrette cependant que nous n’ayons pas saisi l’occasion de travailler ensemble à réformer les modalités d’inscription sur les listes électorales.
La première proposition du rapport d’information suggérait d’assouplir le calendrier d’inscription pour l’ensemble des élections à venir, en rapprochant la date de clôture des inscriptions de celle des élections et en procédant à une révision préélectorale des listes. Cette préconisation s’inscrivait dans un contexte général. Bien que l’objet de cette proposition de loi se justifie tout particulièrement cette année du fait de la tenue d’élections en décembre, on peut regretter le caractère spécifique d’un texte qui a pour vocation de ne s’appliquer qu’à l’année 2015.
Convenons-en : en modifiant les modalités d’organisation de l’ensemble des élections, la majorité n’aura pas contribué à réduire l’abstention. On ne compte plus les allers et retours et les atermoiements du Gouvernement sur le sujet. Dans un premier temps, les élections régionales avaient été reportées au mois de mars 2015 par la loi du 17 mai 2013, avant que le Président de la République n’annonce qu’elles auraient lieu en décembre 2015, mais ce n’est que tardivement que nous avons pris connaissance des dates définitives : mars pour les départementales, avec les résultats que l’on connaît, et décembre pour les régionales, avec les résultats que l’on peut attendre. Dans un contexte de réforme, de tels revirements ne contribuent pas à clarifier la situation aux yeux des électeurs et ce n’est pas inciter nos concitoyens à aller voter que de compliquer ainsi le calendrier des élections. La présente proposition de loi devrait améliorer une situation dont vous admettrez, monsieur le ministre, que vous l’avez vous-même embrouillée.
Si ce texte est adopté, ceux de nos concitoyens qui n’auront pas pu s’inscrire avant le 31 décembre 2014 pourront néanmoins voter aux élections régionales. En outre, les jeunes qui atteindront l’âge de dix-huit ans au plus tard la veille du scrutin pourront s’inscrire s’ils n’ont pas bénéficié de la procédure d’inscription d’office. Il en sera de même des personnes qui bénéficieront de la nationalité française ou recouvriront l’exercice du droit de vote d’ici la même date. Nous pourrions difficilement nous opposer à cela.
Si l’on peut attendre de cette modeste proposition de loi une solution au problème posé par le calendrier électoral particulièrement complexe de l’année 2015, il convient néanmoins de garder à l’esprit que le défi majeur pour nous tous est celui de la démobilisation de l’électorat. En tant qu’élus, nous devons considérer l’abstentionnisme comme la manifestation d’une exaspération et trouver le moyen de revaloriser l’engagement civique et le vote, illustration la plus emblématique de la démocratie. À cet égard, le groupe UDI se félicite d’avoir contribué à faire adopter la reconnaissance du vote blanc aux élections.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris : le groupe UDI votera en faveur de cette proposition de loi, qui, nous l’espérons, constituera une avancée, en dépit de sa portée limitée.