L’abbé Grégoire disait en 1822 – et ces propos font directement écho à notre proposition de loi – : « J’appelle négrier, non seulement le capitaine de navire qui vole, achète, enchaîne, encaque et vend des hommes noirs, ou sang-mêlé, qui même les jette à la mer pour faire disparaître le corps du délit, mais encore tout individu qui, par une coopération directe ou indirecte, est complice de ces crimes. Ainsi, la dénomination de négriers comprend les armateurs, affréteurs, actionnaires, commanditaires, assureurs, colons-planteurs, gérants, capitaines, contremaîtres, et jusqu’au dernier des matelots, participant à ce trafic honteux. »
C’est grâce à cette capacité visionnaire d’Henri Grégoire que nous avons pu établir le principe de l’abolition. Il a bien fallu qu’un pays soit le premier à décider cette abolition, en dépit de l’opposition de ceux qui prétendaient que ce serait la fin de l’économie, alors qu’il s’agissait seulement de la fin d’un certain monde et de la naissance d’un autre.
Ce monde d’après, c’est celui dessiné par ceux qui, en 1898, ont établi que les accidents du travail relevaient de la responsabilité de l’entreprise et n’étaient pas attribuables à la seule maladresse du salarié.
Cette proposition de loi s’inscrit dans la filiation de ces grands combats. Pour revenir aux enjeux contemporains, elle est également en parfaite résonance avec la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, qui a introduit, en mai 2013, la transparence dans les paradis fiscaux. Elle s’inscrit aussi dans la logique du texte relatif à la lutte contre la fraude fiscale de juin 2013, défendue par Yann Galut. Enfin, elle fait écho au combat contre la concurrence sociale déloyale, mené en juin 2014 par Gilles Savary.
Tous ces textes défendus par notre majorité visent à introduire de la loyauté, de la régulation, de l’harmonisation par le haut, dans un monde qui ne peut dépendre des seules lois du marché.
Je tiens à souligner l’originalité et la force de la genèse de cette proposition de loi, qui a été inspirée par les ONG, sentinelles et forces de proposition, et par une coalition de syndicats. Elle est également issue du rassemblement des groupes de la majorité et a vocation à être soutenue par les membres de l’opposition de bonne volonté qui veulent s’atteler à ce combat.
Je rappelle que Philippe Noguès et Danielle Auroi en ont été à l’origine, en déposant avec d’autres députés une première proposition de loi. Je tiens à leur rendre hommage, car ils travaillent ardemment depuis deux ans pour que ce combat législatif soit porté devant vous aujourd’hui.
Je salue également tous ceux qui ont permis qu’il soit mené au Parlement. Je rends hommage au Gouvernement, représenté aujourd’hui par M. Le Guen. Le Premier ministre, Manuel Valls, s’est engagé à ce que la lutte pour le redressement productif ne néglige pas l’essentiel : l’économie ne peut pas se développer au détriment des droits humains et en oubliant ses propres finalités, l’épanouissement de tous et le devoir de vigilance, qui nous rend responsable des travailleurs du bout du monde.