Intervention de Jean-Marie le Guen

Séance en hémicycle du 30 mars 2015 à 16h00
Sociétés mères et entreprises donneuses d'ordre — Présentation

Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé des relations avec le Parlement :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui vise à instaurer une obligation de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre à l’égard de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs. Elle est, en ce sens, conforme aux principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, adoptés à l’unanimité par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en juin 2011, et aux principes directeurs de l’OCDE.

Les échanges commerciaux mondiaux contribuent en effet au rayonnement et au développement économiques des pays qui y participent. Cependant, ils s’accompagnent parfois de pratiques néfastes pour l’environnement ou les droits de l’homme. Nous ne pouvons pas continuer à ignorer certaines pratiques sous prétexte qu’elles ont cours à l’étranger, dans des pays qui ne respectent pas les contraintes et les normes qui s’appliquent à nos entreprises sur le territoire français.

Le drame du Rana Plaza est, à cet égard, emblématique.Le 24 avril 2013, un immeuble qui abritait plusieurs usines textiles s’est effondré au Bangladesh, causant la mort de plus d’un millier de personnes, blessant ou handicapant à vie plusieurs milliers d’autres. Dans les décombres, ont été retrouvées des étiquettes de grandes marques de vêtements mondiales, européennes et françaises, pour lesquelles travaillaient ces sous-traitants bangladais.

Vous le savez, le Gouvernement français a réagi dès le lendemain du drame. Nous avons voulu faire la lumière sur les responsabilités de tous les acteurs de ce drame, car ces responsabilités sont partagées : elles concernent non seulement les donneurs d’ordres et les fournisseurs, mais aussi les autorités étrangères et, en bout de chaîne, le consommateur. À l’initiative de Nicole Bricq, alors ministre du commerce extérieur, des mesures de diligence raisonnable ont été prises dès 2013 et le Gouvernement a incité les entreprises à les appliquer pour éviter que de tels drames ne se reproduisent.

Les acteurs de la société civile se sont, eux aussi, fortement mobilisés. Depuis 2012, la plate-forme pour la responsabilité sociétale des entreprises, ou plate-forme RSE, réunit les représentants des milieux économiques, les experts, les chercheurs et les développeurs, les organisations non gouvernementales et les institutions publiques. Cette plate-forme a fêté ses deux ans d’existence et a déjà fait la preuve de son efficacité pour permettre le dialogue et, surtout, le consensus entre les acteurs de la RSE. À l’occasion d’un colloque organisé au Conseil économique, social et environnemental à l’automne dernier, le Premier ministre a d’ailleurs rendu hommage à cette plate-forme et l’a encouragée à poursuivre ses travaux.

Bien que ces avancées soient encourageantes, il est désormais possible d’aller plus loin pour garantir la pleine responsabilité de nos entreprises. La proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, déposée le 11 février 2015 par Bruno Le Roux, Dominique Potier, Philippe Noguès et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, symbolise cette mobilisation de la société civile et du Parlement pour aboutir à des résultats concrets. Elle a le grand mérite de mettre en lumière les enjeux très lourds qui s’attachent à la responsabilité des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. Son examen fait suite, vous le savez, à celui d’une précédente proposition de loi du groupe écologiste, qui avait fait l’objet d’un renvoi en commission en janvier dernier.

Ce renvoi était justifié par deux défauts, qui découlaient du régime de présomption de responsabilité qu’elle proposait d’instaurer. Permettez-moi d’y revenir brièvement.

Sur le plan juridique, cette proposition de loi paraissait incompatible avec les grands principes du droit de la responsabilité et les règles du droit international privé. Elle risquait, en conséquence, d’être dépourvue de toute effectivité. Sur le plan économique, ce texte aurait engendré un risque pour les entreprises localisées en France. Cette situation aurait ouvert un champ d’incertitude pour nos entreprises sur l’engagement de leur responsabilité, avec des conséquences économiques tellement lourdes qu’elles auraient pu avoir un effet paralysant. L’autre danger était de voir les entreprises françaises choisir de quitter le territoire, faute de prévisibilité de leur cadre d’opération. Le Gouvernement, qui oeuvre inlassablement pour rétablir l’attractivité de notre pays, s’y est refusé, suivant en cela l’avis rendu par votre commission des lois.

Mais ce n’était nullement pour baisser les bras, et je sais gré au rapporteur, Dominique Potier, …

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