Absolument ! Il a oeuvré pour mettre en place un dispositif permettant de responsabiliser nos entreprises tout en préservant leur compétitivité. Je tiens également à rendre hommage aux auteurs de la proposition de loi examinée en janvier 2015 ; leurs travaux ont été utiles, puisqu’ils ont nourri une réflexion qui nous permettra, je l’espère, d’aboutir à l’adoption d’un texte opérationnel et consensuel. La France doit, en effet, continuer à jouer un rôle d’éclaireur, comme elle l’a fait en apportant une contribution décisive à l’adoption de la directive sur le reporting non-financier par l’Union européenne en octobre 2014. Grâce à l’action déterminée de la France, ce texte prévoit, pour la première fois, une transparence sur les procédures de vigilance, en matière sociale et environnementale, mises en place par les grandes entreprises européennes au sein de leur chaîne de production.
Pour continuer dans cette voie, nous devons être les porteurs de progrès concrets, afin de les promouvoir ensuite auprès de nos partenaires de l’Union européenne. À cet égard, la proposition présentée ici, en aplanissant les difficultés juridiques et économiques soulevées par le texte précédent, est à même de permettre des avancées réelles.
Ce texte s’articule autour de deux axes. Tout d’abord, il instaure un devoir de vigilance pour les grandes entreprises, sous la forme d’une obligation de mettre en oeuvre un plan de vigilance couvrant l’ensemble des domaines de la responsabilité sociétale des entreprises – l’environnement, le social, les droits de l’homme, la lutte contre la corruption. Par ailleurs, il habilite le juge à vérifier que ces nouvelles obligations sont bel et bien respectées, une amende civile étant encourue en cas de non-respect.
Grâce à ce dispositif, la méconnaissance par une société de son devoir de vigilance pourra être invoquée devant le juge à l’appui d’une action en réparation fondée sur le régime de responsabilité civile de droit commun. Un double système de sanction, robuste juridiquement, est donc prévu : il repose à la fois sur une sanction spécifique pour les entreprises qui répugneraient à mettre en place un plan de vigilance puis à l’appliquer et sur le droit commun de la responsabilité en cas de dommage. Ainsi, parce qu’elle est fondée sur une obligation de moyens concrète, cette proposition de loi est opérationnelle et pragmatique, sans risque de censure constitutionnelle ou d’inapplicabilité pratique. De plus, ce mécanisme pourra facilement être adopté par nos partenaires européens, dans le cadre d’une initiative que la France défendra avec fierté.
Je tiens, par ailleurs, à souligner un point important : l’un des avantages de cette proposition de loi est qu’elle ne nuira pas à la compétitivité de nos entreprises. Conscientes des enjeux, de plus en plus d’entreprises se sont, d’ailleurs, dotées de chartes éthiques ou ont adhéré volontairement à des initiatives publiques ou privées. En outre, depuis la loi relative aux nouvelles régulations économiques, adoptée sous le gouvernement de Lionel Jospin en 2001 et complétée par la loi Grenelle II, certaines entreprises sont soumises à des obligations de reporting extra-financier. La nouvelle obligation de vigilance ne pèsera donc que sur les entreprises qui n’ont pas mis en oeuvre ces bonnes pratiques.
À l’inverse, celles qui se sont déjà engagées dans une démarche de responsabilité pourront d’autant plus facilement valoriser leurs efforts et montrer au public qu’elles ont intégré la complexité des relations mondialisées.
Aussi, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement est favorable à cette à cette proposition de loi. À mes yeux, elle constitue un signal fort pour nos partenaires au niveau européen et international. Il appartiendra à la France d’engager, sur cette base, un dialogue avec les autres Etats pour qu’ils adoptent, eux aussi, des règles visant à renforcer la responsabilité de leurs entreprises.
Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons éviter qu’à l’avenir des drames comme celui de Rana Plaza ne se reproduisent. En effet, dans un contexte de mobilité des entreprises et des capitaux, notre ambition ne saurait être purement nationale. La France ne peut pas, à elle seule, garantir partout dans le monde la sécurité des travailleurs étrangers, le respect des droits de l’homme ou la protection de l’environnement. Elle doit mener un travail de conviction pour que des réformes similaires à celle que nous examinons aujourd’hui soient mises en place par ses partenaires. En donnant à voir cette ambition, nous fixons un cadre d’action plus exigeant, plus éthique : nous nous donnons les moyens de jouer un rôle d’avant-garde et, je l’espère, posons la première pierre d’un édifice plus vaste qui permettra, à terme, de rééquilibrer les règles du commerce international.