Intervention de Annick Le Loch

Séance en hémicycle du 30 mars 2015 à 16h00
Sociétés mères et entreprises donneuses d'ordre — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Le Loch, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les présidents de commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le drame du Rana Plaza, survenu le 24 avril 2013, nous a douloureusement rappelé l’urgence d’adapter notre appareil juridique à la nouvelle donne de la mondialisation. L’allongement et la complexification des circuits de production et de commercialisation, ainsi que les disparités massives en termes de conditions de travail et de protection de l’environnement à l’échelle de la planète autorisent des entreprises à laisser des catastrophes humaines, sanitaires et environnementales se produire sans que leur responsabilité puisse être recherchée.

Outre le Rana Plaza, dont le caractère tragique avait marqué l’opinion, on peut citer le cas du Qatar, où des ouvriers népalais participent, quasiment sous nos yeux, à la construction d’infrastructures pour la coupe du monde de football dans des conditions inhumaines, ou encore la catastrophe de Bhopal, en Inde, en 1984. La France, nation pionnière en matière de droits de l’homme et des travailleurs, ne peut se désintéresser du sort de populations ainsi exploitées. C’est la raison qui a motivé le dépôt de cette proposition de loi.

Le texte qui vous est présenté prend appui sur les déclarations de principe ainsi que sur les normes élaborées par des organisations internationales qui ont d’ores et déjà engagé sur cette question des travaux essentiels. Je pense notamment aux principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, mais aussi aux normes adoptées par l’Organisation internationale du travail, l’OIT, et par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

Cette proposition de loi prévoit d’obliger les grandes entreprises à établir et mettre en oeuvre un plan de vigilance visant à identifier et à prévenir la réalisation de risques d’atteintes aux droits de l’homme, de dommages corporels ou environnementaux graves et de risques sanitaires découlant de leurs activités. Ce plan doit également prévenir le risque de corruption.

Sans revenir en détail sur les dispositions de ce texte, je crois qu’il apporte une réponse équilibrée et opérationnelle aux drames humains et écologiques liés aux activités de certaines entreprises. Il doit permettre, à terme, d’engager une démarche européenne dans ce domaine. Il constitue également une innovation forte car aucun pays n’a encore étendu le devoir de vigilance à un tel éventail de risques.

En tant que rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, je voudrais surtout souligner que ce texte est au service de nos entreprises et de leur compétitivité. L’introduction d’un plan de vigilance obligatoire permettra de valoriser les efforts des entreprises vertueuses – il y en a – qui appliquent déjà des procédures d’identification et de réduction des risques d’atteintes aux droits de l’homme et à l’environnement. Il rétablira des conditions de concurrence équitables entre ces entreprises et celles qui ne s’y astreignent pas, ou qui feignent de s’y astreindre à des fins de communication, en assurant une plus grande transparence des efforts consentis par les entreprises dans ces domaines, ainsi qu’une meilleure information du consommateur. À l’échelle internationale, l’obligation de vigilance permettra également de rétablir des conditions de concurrence plus justes entre les entreprises qui produisent sur le sol français et celles qui recourent au dumping en matière de droits de l’homme et d’environnement.

Enfin, le devoir de vigilance constitue un facteur de sécurité pour les entreprises. À l’heure où l’opinion publique est de plus en plus sensible au comportement des entreprises en matière éthique et environnementale, cette proposition de loi leur fournit un cadre d’action clair. Elle leur permettra de réduire le risque d’atteinte à leur réputation et leur apportera une plus grande sécurité juridique, dans un contexte où le devoir de vigilance commence à être reconnu par la jurisprudence– je pense notamment à l’arrêt rendu par la Cour de cassation dans l’affaire du naufrage de l’Erika.

Les débats en commission des affaires économiques, puis en commission des lois, ont confirmé la pertinence du dispositif proposé tout en y apportant certaines améliorations. Ils ont notamment permis d’élargir le périmètre du devoir de vigilance à l’ensemble des sociétés sur lesquelles un contrôle exclusif est exercé, ainsi qu’aux fournisseurs et sous-traitants avec lesquels existe une relation commerciale établie.

À la suite de ses travaux, la commission des affaires économiques a rendu un avis favorable à l’adoption de cette proposition de loi. Je souhaite que nos débats permettent de l’enrichir encore, même si elle me paraît constituer, d’ores et déjà, une étape essentielle et satisfaisante vers la responsabilisation des grandes entreprises transnationales en matière de droits humains, de protection de l’environnement et de lutte contre la corruption.

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