Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous nous retrouvons une nouvelle fois aujourd’hui pour discuter d’une proposition de loi qui, malgré ses bonnes intentions, nous inquiète grandement.
Comment ne pas être séduits, dans un premier temps, par un texte qui vise à garantir les droits fondamentaux, humains et environnementaux partout dans le monde, en demandant aux entreprises françaises qui y agissent directement ou indirectement de faire preuve d’une attitude exemplaire ? Comment ne pas adhérer à cette démarche si elle est progressive, réaliste, si elle tient compte du contexte législatif et réglementaire qui définit dans chaque pays ces droits fondamentaux, et si elle prend en considération la compétitivité de nos entreprises et la concurrence internationale ? Cette concurrence est de plus en plus le fait d’entreprises de pays dont les gouvernements ne sont pas les plus empressés à appliquer chez eux ces droits fondamentaux et ne les imposent pas à leurs entreprises, ni sur leur sol, ni à l’étranger.
Heureusement, le texte initial déposé par le groupe écologiste a été repoussé en séance publique le 29 janvier dernier par son renvoi en commission des lois, dans la mesure où il avait été jugé « juridiquement fragile » – c’est un euphémisme.
En effet, la proposition de loi initiale prévoyait de sanctionner civilement et pénalement toutes les entreprises qui n’auraient pas pu prouver qu’elles avaient mis en oeuvre tous les moyens et pris toutes les garanties pour éviter la survenance de dommages environnementaux, sanitaires ou d’atteintes aux droits fondamentaux du fait de leurs filiales ou de leurs sous-traitants. En somme, nous l’avions dit, ce texte instaurait une présomption de responsabilité civile et pénale quasi-irréfragable. Il était particulièrement dangereux en termes de sécurité juridique et contre-productif pour la compétitivité de nos entreprises. De plus, la menace d’une responsabilité irréfragable et illimitée dans son champ d’application aurait sans doute dissuadé les investisseurs de s’installer en France et provoqué la délocalisation des centres de décision des entreprises déjà implantées dans notre pays.
Dans un éclair de réalisme économique, le Gouvernement avait demandé le renvoi en commission de cette proposition de loi pour qu’elle soit remaniée. Nous nous étions alors félicités de cette décision, non pas parce que nous ne partagions pas l’objectif d’une mondialisation plus responsable et plus loyale – bien au contraire ! –, mais parce que nous considérions que la mise en cause brutale et frontale qui accompagnait la volonté de la majorité socialiste et écologiste d’imposer une automaticité et une pénalisation de la responsabilité du donneur d’ordre démontrait la faible capacité de ce texte à favoriser la responsabilisation de l’économie de marché mondialisée.
Des aménagements ont donc été décidés par Bercy, dont on reconnaît la patte dans la présente proposition de loi. Le renversement de la charge de la preuve et le risque pénal ont disparu.
En revanche, le nouveau texte maintient l’obligation juridique, pour les sociétés transnationales, d’établir et de mettre en oeuvre de façon effective un plan de vigilance – une sorte de cartographie des risques – destiné à prévenir les atteintes aux droits humains et environnementaux sur leurs chaînes de production, ainsi que la corruption. Nous prenons acte du fait que cette obligation ne s’appliquera qu’aux sociétés employant au moins 5 000 salariés en France ou au moins 10 000 salariés en France et à l’étranger, filiales comprises. Nous espérons qu’à l’issue de nos débats, ces seuils seront maintenus. Le juge, qui pourra être saisi par certaines associations ou ONG, aura la possibilité de prononcer une amende pouvant atteindre dix millions d’euros – j’ai même entendu certains orateurs souhaiter qu’elle soit proportionnelle au chiffre d’affaires – à l’encontre de la société négligente, et ordonner la publicité de la sanction.
Pourquoi de telles contraintes, cher collègue Potier, alors que vous avez vous-même rappelé dans la presse de ce lundi que onze des trente meilleures entreprises mondiales en matière de RSE étaient françaises…