En quelques décennies, l’industrie textile s’est réorganisée vers l’Asie à la recherche du moindre coût, grâce à une concurrence acharnée entre pays. Les grandes marques de vêtements, qui réalisent des profits toujours plus importants, proposent des produits toujours moins chers. Pourtant, qui a conscience en achetant un pull à 29 euros que l’ouvrière ne percevra que 18 centimes ?
Je dis « ouvrière » car la couture est un métier de femmes et les femmes représentent 80 % de la main-d’oeuvre du secteur textile en Asie. Le textile est le seul secteur accessible à ces femmes peu qualifiées qui n’ont pas accès à l’école, et le seul qui leur offre un minimum d’indépendance.
Ces femmes sont donc obligées de subir des conditions très dures : chaleur intenable, portes fermées, entassement. Elles sont parfois installées à même le sol, sans compter le harcèlement et les violences sexuelles – et ce pour des salaires très bas. Au Bangladesh, elles gagnent 100 dollars par mois pour dix à douze heures de travail par jour, et des heures supplémentaires souvent impayées.
Il a fallu la catastrophe du Rana Plaza, voici deux ans, pour que le monde regarde ces conditions de travail en face : 1 800 femmes et enfants – majoritairement – ainsi que des hommes sont morts, et deux mille autres sont blessés, dont certains amputés, qui ne se voient plus d’avenir.
Cette catastrophe n’est pas unique. Il a hélas fallu qu’elle se produise pour prendre conscience que derrière la publicité du produit le moins cher vanté par nos grandes surfaces et nos marques très prisées se cachait surtout la question suivante : qui d’entre elles est la moins chère ? Face à ces femmes non seulement victimes mais aussi combattantes, qui réclament un salaire juste et digne et qui, au Cambodge ou en Chine, obtiennent parfois un salaire un peu meilleur, ces marques veulent se délocaliser en Éthiopie.
Trouver des femmes toujours plus pauvres qui sont obligées d’accepter des conditions de travail indignes, cela s’appelle l’exploitation, la traite et l’esclavage. Tous les États membres de l’ONU qui ont signé la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 ont adopté l’article 23 : « Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant (…) une existence conforme à la dignité humaine ».
Espérons que cette proposition de loi apporte plus de dignité à toutes ces femmes ! C’est pourquoi en tant que présidente de la délégation aux droits des femmes, je soutiendrai ce texte.