J’ai déjà donné les arguments concernant l’inversion de la charge de la preuve. Cela existe effectivement en droit – sécurité routière, médecine… –, mais cela suppose des jurisprudences extrêmement importantes car nous sommes dans des domaines très réservés. En droit international et pour un sujet aussi novateur, cette disposition ne nous semble pas pertinente. Fragile juridiquement, elle a peu de chance d’aboutir à l’échelle européenne. Loin de porter les fruits que nous espérons tous, elle constitue un handicap sans portée européenne : la commission l’a donc écartée. Nous ne pouvons pas la réintroduire à cette heure, c’est pourquoi, en toute cohérence, je la rejette.
Je vous assure cependant que le travail avec la Chancellerie, avec Bercy et avec toutes les parties prenantes – experts, universitaires, juristes – nous a profondément convaincus qu’il y a matière pour les juges, avec le défaut d’efficience du plan de vigilance, à établir la chaîne des causalités et à rendre justice aux victimes. Dans cet objectif, il n’y a pas d’un côté les généreux et de l’autre les pragmatiques, mais la volonté d’aboutir en France et de faire école en Europe. Pour cela, il nous faut une loi qui fonctionne et qui soit exportable au-delà de nos frontières.
Il nous semble que le défaut de devoir de vigilance est la bonne prise pour un juge pour rendre justice à ceux qui souffrent d’un libéralisme sans foi ni loi au bout du monde. Tel est notre objectif commun, et c’est la jurisprudence qui fera le travail ; cela prendra un peu plus de temps, mais je préfère une loi lente à éclore et ayant une portée à terme planétaire à une loi idéale qui ne verra jamais le jour dans notre hémicycle et qui ne sera jamais mise en oeuvre.