Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du 30 mars 2015 à 16h00
Sociétés mères et entreprises donneuses d'ordre — Après l'article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Les auteurs de cet amendement proposent de fixer un rendez-vous, puisqu’un rendez-vous européen n’est pas possible – aucune directive européenne n’est prise, mais, chers collègues, sur ce point, nous ne désespérons pas.

Monsieur le secrétaire d’État, nous insistons beaucoup pour que la navette soit la plus rapide possible. Si vous pouvez vous exprimer à ce propos… Nous souhaitons que le Sénat examine cette loi et qu’elle revienne à l’Assemblée de manière à ce qu’elle puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible. Nous proposons aussi que le chantier du décret soit ouvert dès maintenant.

Nous ne pouvons, nous le savons, faire référence aujourd’hui à une directive, dont l’élaboration n’est même pas amorcée, et nous nous réjouissons que Danielle Auroi prenne l’initiative d’une résolution européenne sur la question. En attendant, si nous prévoyons qu’un rapport soit remis dans trois ans aux fins d’évaluation de l’application de la loi, cela jouera le rôle d’une sorte de corde de rappel. En l’absence de directive européenne, un rapport nous permettra, dans trois ans, de mesurer la mise en oeuvre du plan de vigilance, d’évaluer sa sanction et les réparations qu’il aura permises de par le monde si la prévention ne s’est pas montrée pas suffisante. Ce rapport permettra donc d’éclairer le législateur futur et d’améliorer la loi, même si nous espérons que, d’ici à cette date, l’Europe aura fait son travail, que nous aurons abaissé les seuils et amélioré la rédaction de ce que nous avons bâti collectivement.

Par ailleurs, je veux préciser deux ou trois choses qui me paraissent importantes. Je veux le redire très officiellement au Gouvernement que nous sommes extrêmement sensibles à l’engagement du Premier ministre. Le travail que nous avons mené avec le ministre de l’économie et la chancellerie a permis d’aboutir à ce compromis qui, disons-le encore une fois, n’est pas édulcoré : c’est vraiment un pas en avant, audacieux, dans le sens des droits de l’homme, de la protection et de la lutte contre la corruption. Nous sommes extrêmement heureux d’avoir franchi cette étape, nous sommes reconnaissants au Gouvernement de l’avoir permis. Nous savons quel écueil guette maintenant cette proposition de loi : celui d’une navette au rythme incertain. Les rapporteurs et tous ceux qui ont bâti ce projet de loi demandent instamment que la navette soit rapide et puissante.

Je terminerai en répondant à André Chassaigne, qui m’interrogeait, avec des allusions quelque peu ésotériques, sur mes écoles de formation. Je lui répondrai très simplement que j’en ai deux.

Tout d’abord, à sept kilomètres de chez moi, au bord d’un petit ruisseau, est né un homme qui s’appelait Georges Guérin. Toute sa vie, dans le mouvement qu’il a fondé, la JOC, il a rappelé que la vie d’un jeune travailleur vaut plus que tout l’or du monde. Je n’ai pas d’autre source d’inspiration qui me guide dans le combat d’aujourd’hui, et je vous assure que ce n’est pas un projet de loi édulcoré ; si c’en était un, je ne l’aurais pas défendu.

Mon autre école de formation est celle du développement social, du développement territorial. Il y a un an tout juste, je le dis avec émotion, avec Chaynesse Khirouni qui est venue à mes côtés, aujourd’hui, pour soutenir cette loi, nous perdions Michel Dinet, président du conseil général de Meurthe-et-Moselle, qui a inspiré l’âme et l’éthique politique de tout un département. Peut-être est-ce ce qui a conduit à la victoire d’hier soir. Michel Dinet fut pour nous, Lorrains du sud, pour nous Lorrains tout court, une incarnation de l’éthique et de l’engagement en politique. Je voulais aujourd’hui, en défendant cette proposition de loi, lui rendre hommage, et dire, à la suite de Gilles Savary, qui l’a fait en des termes extrêmement émouvants, que ces combats humanistes ne sont pas des combats de luxe ou anecdotiques ou méprisables : ils sont le coeur même de l’action publique.

Enfin, qu’avons-nous tous vécu, ces derniers jours, que nous soyons de droite, de gauche, écologistes ou communistes ? Qu’est-ce que nous avons entendu en faisant du porte-à-porte ? Nous avons entendu qu’il y avait une impuissance publique, parce que c’est la finance qui gouverne le monde. J’aimerais que nous puissions répondre, à travers cette proposition de loi, à travers les textes que défend Gilles Savary, à travers ceux sur les paradis fiscaux et tant d’autres, j’aimerais que nous puissions répondre que ce n’est pas la finance qui gouverne le monde, que c’est le peuple souverain, un peuple qui est capable de regarder au-delà de ses frontières et de viser la défense des droits humains.

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