Intervention de Jean-Pierre Karaquillo

Réunion du 25 mars 2015 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Pierre Karaquillo, président de la mission de réflexion sur le statut du sportif :

Mesdames, Messieurs les députés, j'ai cru comprendre que vous étiez derrière nous : nous avons besoin de vous pour éviter que ce rapport ne reste dans un tiroir.

Lorsque le secrétaire d'État m'a contacté, j'ai posé un certain nombre de conditions. D'abord, j'ai demandé à bénéficier d'une indépendance absolue. Je n'ai voulu aucune immixtion – cela fait partie de mon tempérament. J'ai fait valoir également qu'il était inutile de passer autant de temps à l'élaboration de ce rapport si l'on ne se battait pas ensuite pour le traduire dans un texte de loi. Comme vous, j'ai une autre vie, j'exerce un certain nombre de missions dans le milieu sportif. Si je suis un universitaire par accident, ce n'est pas tout à fait par hasard que j'ai accepté cette mission : je suis en effet un enfant légitime du sport et seulement un enfant adoptif de l'université – et je ne sais même pas s'il s'agit d'une adoption plénière !

Toutes vos questions étaient d'un grand intérêt, et je suis sûr que Mme Guyart et M. Carrière m'aideront à y répondre.

Vous nous avez reproché de ne pas avoir abordé certains points, comme l'égalité entre les femmes et les hommes, et la situation des arbitres. Mais lorsque l'on met l'accent sur la nécessité d'appliquer la législation sociale aux sportifs de haut niveau, on se préoccupe de fait de la situation de la femme sportive enceinte, par exemple.

S'agissant des arbitres, nous avons fait le choix délibéré de ne pas traiter cette question. Je m'en suis expliqué auprès de l'Association des arbitres et de mes amis du monde du football. Je leur ai demandé, en effet, de régler d'abord leurs problèmes. Aujourd'hui, il existe six arbitres professionnels en basket et quatre en rugby. Le football s'interroge pour savoir s'il faut ou non instaurer le professionnalisme dans le monde des arbitres. Je lui laisse le temps de répondre à cette interrogation. Je leur ai aussi indiqué qu'il y avait eu un fort lobbying auprès sans doute de vous-mêmes et des sénateurs pour imposer un texte inséré dans le code du sport prévoyant – et cela fait frémir les juristes – que l'arbitre est un travailleur indépendant au regard du droit du travail et un travailleur salarié au regard du droit de la sécurité sociale. Il faudrait modifier ces textes. Mais le moment n'est pas venu.

Lors de notre mission, le secrétaire d'État m'a dit avoir rencontré, à Doha, le président de l'association des directeurs techniques nationaux qui estime, quant à lui, qu'il faut absolument se saisir de la position des arbitres. Certes. Mais, je le répète, ce n'est pas le moment. Même en ayant procédé à des auditions pendant cinq mois, tous les jeudis et vendredis, il était difficile d'aborder tous les sujets. Ce rapport n'est pas exhaustif. Il a essayé de cerner les points les plus brûlants.

À cet égard, il est essentiel que la préconisation sur l'instruction civique et citoyenne prenne vie à travers un texte de loi. Mon parcours de vie fait que je connais bien ces questions. Pour ma part, j'ai arrêté mes études en troisième – et j'avais le niveau de la cinquième. Eh bien, si je n'avais pas eu ce support civique et citoyen qui manque aujourd'hui à beaucoup d'athlètes de haut niveau et d'athlètes professionnels, je n'aurais pas pu faire une capacité en droit. Tout le monde peut faire du droit, on n'a pas besoin d'avoir des compétences particulières.

Vous m'avez demandé comment cette formation citoyenne et civique pouvait être mise en place : il faut une formation théorique civique mais aussi des stages imposés dans des lieux de vie, c'est-à-dire dans des entreprises, des théâtres, des musées, etc.

Vous vous interrogez par ailleurs sur le fait de savoir comment mieux adapter l'école et l'université à des sportifs de haut niveau. Mais il faut aussi que le monde sportif s'adapte. L'entourage des athlètes de haut niveau et des athlètes professionnels ne les incite pas à faire des études. Alors que j'avais dix-huit ans et que je jouais au football en tant que professionnel, les entraîneurs me considéraient comme l'intellectuel qu'il fallait fuir parce que j'étais en capacité en droit. Un tel état d'esprit existe toujours. Il faut donc travailler sur ce point. Les directeurs techniques nationaux dépendent de l'État. Ce sont eux qui forment les entraîneurs. Si ceux-ci doivent être formés techniquement, ils doivent aussi suivre une formation d'éducateur. Il y a de très bons entraîneurs en France, et dans toutes les disciplines. Mais beaucoup ont oublié qu'ils sont aussi des éducateurs. La seule chose qui compte pour eux, ce sont les résultats.

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