Encore faut-il avoir les bons moyens de mesure pour y voir un investissement, avec les bénéfices qui en découlent, et déterminer ceux qui en profitent.
Autant d'aspects qui sont au coeur de la problématique des outremer, mais également des discussions de la COP21, où nous attendons que les démarches dites nature-based solutions – solutions basées sur la nature – et ecosystem-based adaptations – adaptations basées sur les écosystèmes – soient réellement prises en compte. L'atténuation s'inscrit dans ces démarches. Nous ne prétendons pas que ce soient les seules réponses, mais elles doivent faire partie d'une solution hybride. Nous ne sommes pas des utopistes, mais force est de reconnaître qu'en écartant toutes les solutions « naturelles », ce sont autant d'opportunités que l'on néglige.
Un mot sur les subventions préjudiciables. Tout le monde sait où elles sont : les subventions pour le pétrole, dans l'agriculture… On sait que cela a des effets pervers et que cela nuit au combat contre le changement climatique, mais apparemment, certains acteurs ne l'admettent pas, ils refusent de changer et même de commencer à changer. La politique agricole commune a essayé de faire son « verdissement », avec quelques résultats : c'est une étape, mais on voit beaucoup de contorsions pour ne pas montrer que, certes, c'est vert, mais que, au final, toutes ces mesures ne jouent pas réellement en faveur de la biodiversité.
Il faut effectivement contrôler beaucoup plus le financement. Beaucoup de financements n'arrivent pas là où ils devraient arriver, les autorités locales de vos îles le savent bien. C'est un peu comme pour l'eau : beaucoup d'argent se perd dans le réseau ! (Sourires) Cela étant, il ne faut pas se focaliser exagérément sur cette dimension. En fait, ce n'est jamais une question d'absence de moyens : c'est souvent utilisé comme une excuse au niveau européen.
L'Europe va participer à la COP21 avec la première contribution du monde, puisqu'elle s'engage à réduire de 30 % ses émissions d'ici à 2030. C'est un chiffre élevé, mais qui doit être relativisé. Ainsi, nous avons réduit de 19 % exactement nos émissions de gaz à effet de serre depuis 1990 ; on peut en déduire qu'il est possible de préserver la croissance tout en réduisant ses émissions. Mais il faut être honnête : un rapport de l'agence européenne de l'environnement, sorti il y a deux semaines, montre que si l'on prend en compte les émissions de GES liées aux produits que nous consommons, elles ont bel et bien augmenté. Ceux qui pensent qu'il faut changer notre manière de consommer comme les défenseurs des entreprises seront d'accord sur un point : l'industrie s'est délocalisée en Chine et en Inde, et avec elle les emplois et les émissions de carbone. L'argument peut donc être utilisé dans les deux sens… Normalement, qui dit développement dit création d'emplois : or si l'économie en Europe a doublé en volume en vingt ans, les emplois n'ont pas doublé. Cela doit amener à s'interroger sur la nécessité d'une approche intégrée, son financement et la manière de la mener à bien.
Enfin, le leadership doit s'entendre au niveau des collectivités régionales ou autorités infranationales, et non au niveau du ministre de l'environnement ou du Gouvernement national ou fédéral. C'est lorsque l'autorité infranationale est convaincue du bien-fondé de la démarche intégrée que l'on voit apparaître les premiers changements – on l'a vu dans certains pays. Une opportunité, une de plus, à ne pas négliger.
Quoi qu'il en soit, pour les îles, le recours aux solutions naturelles est toujours une bonne chose, que l'élévation du niveau des mers soit de cinq centimètres ou d'un mètre. Les retours sur investissement sont immenses par comparaison avec les coûts, mais on ne mesure pas vraiment les bénéfices que l'on en retire. L'UICN continuera d'agir pour promouvoir l'atténuation et faire la preuve que ces solutions intelligentes ont également un réel intérêt économique.
Un dernier mot à propos d'une grande opportunité – encore une – au niveau européen : des centaines de milliards d'euros seront bientôt mobilisés dans le plan d'investissement du président Juncker, qu'il va falloir utiliser le plus intelligemment possible. Or le premier vice-président de la Commission, Frans Timmermans a, entre autres responsabilités, celle de la coordination au service du développement durable. Nous travaillons à le convaincre de se comporter en visionnaire et à saisir cette opportunité pour ordonner son action politique.