Intervention de François Molins

Réunion du 26 mars 2015 à 10h00
Commission d'enquête sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens

François Molins, procureur de la République de Paris :

Je le répète, je ne suis pas le meilleur juge du volet de droit administratif du maintien de l'ordre.

Toutefois, il serait, de mon point de vue, périlleux de vouloir soustraire les manifestations au régime de droit commun des libertés publiques pour les soumettre à un régime plus réducteur. Les droits du citoyen doivent rester identiques, quel que soit le cadre dans lequel ils s'exercent, dès lors que la loi est respectée.

J'ai le sentiment, au travers du prisme judiciaire qui est le mien, je le redis, que le cadre juridique général n'est pas inadapté. Il gagnerait toutefois à être précisé car certaines notions du droit des manifestations reposent sur des fondations argileuses. C'est le cas pour la théorie des circonstances insurmontables qui laisse la place à des interprétations très prétoriennes et personnelles.

Même si la Cour de cassation, dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, a récemment estimé que l'infraction d'organisation de manifestation sans déclaration était définie de manière suffisamment précise, il n'en reste pas moins que, dans la pratique, nous rencontrons des difficultés pour caractériser l'infraction. Avec les évolutions techniques et le rôle des réseaux sociaux, il est parfois très délicat de déterminer qui est l'organisateur de la manifestation. Sur ce sujet, plusieurs poursuites ont abouti à des décisions de relaxe du tribunal correctionnel de Paris, ce qui est le meilleur signe de la difficulté.

Avons-nous les moyens de déloger les personnes occupant un site ? J'ai le sentiment que la réponse est oui. Mais, en la matière, l'intervention judiciaire est éminemment tributaire de la décision administrative. Les instruments juridiques existent mais leur usage appartient à l'autorité administrative et relève de la responsabilité politique. En l'état actuel des textes, rien ne s'oppose selon moi à l'évacuation d'un site. En revanche, la notion de propriété privée ou de domicile soulève des difficultés juridiques. L'interpellation est possible dans le temps de la flagrance. Ensuite, la voie à suivre est celle de la procédure d'expulsion.

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