Intervention de François Molins

Réunion du 26 mars 2015 à 10h00
Commission d'enquête sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens

François Molins, procureur de la République de Paris :

L'apologie du terrorisme, au travers de l'exhibition de drapeaux ou symboles a chaque fois fait l'objet de poursuites. En revanche, l'exhibition du drapeau nazi est réprimée uniquement dans les enceintes sportives. Le traitement judiciaire de certaines situations est malaisé : certains actes apparaissent de manière limpide comme une infraction – c'est le cas aujourd'hui du drapeau de Daech. En revanche, la quenelle demande une analyse du contexte pour déterminer si elle doit être poursuivie ou pas. La réflexion que nécessite ce geste n'est pas toujours compatible avec une interpellation immédiate.

La vidéo est une piste intéressante. Sa plus grande utilisation ne demande pas une modification législative mais plutôt un travail en commun et une meilleure organisation. Le recours à la vidéo présente le double avantage, d'une part, de pré-constituer des preuves, et d'autre part, de stigmatiser les mauvais comportements des forces de l'ordre ou de dédouaner ceux qui sont injustement accusés. Je ne vois que des avantages à la vidéo.

La qualité des procédures n'est pas un problème nouveau. La direction des affaires criminelles et des grâces diffuse régulièrement depuis le milieu des années 1990 des circulaires qui appellent l'attention des procureurs sur la nécessité de se rapprocher des préfets et de veiller à l'existence de dispositifs de police judiciaire suffisants lors des manifestations. Si la qualité des procédures pose problème et si tant de procédures tombent, la raison en est simple : le dispositif judiciaire n'est pas au niveau qui devrait être le sien dans le traitement du maintien de l'ordre. Cela ne nécessite pas forcément une modification législative mais peut-être plus de travail en commun. Partout où je suis passé, j'ai toujours été associé par le préfet à la préparation des manifestations. Quand ce n'était pas le cas, j'ai pris l'initiative de m'enquérir des dispositifs prévus.

Peut-on faire mieux ? Certainement. Je n'ai jamais suivi de formation au traitement judiciaire du maintien de l'ordre. Il existe peut-être des sessions de formation continue sur ce thème, qui n'a sans doute pas été suffisamment travaillé ; les efforts de formation sont bienvenus. Je n'ai pas connaissance de l'existence d'un programme commun de formation avec les préfets.

S'agissant d'Internet, il est difficile d'établir deux corpus juridiques différents pour une même liberté. Pour les manifestations organisées par le biais des réseaux sociaux, la première difficulté tient à l'absence d'interlocuteurs. L'idée de présumer organisateur celui qui lance le message me semble bonne. Cela responsabiliserait les initiateurs et faciliterait le travail de l'autorité administrative.

Lorsque la manifestation n'est pas déclarée, je peux vous citer le cas de poursuites contre quelqu'un qui appelait à manifester qui ont abouti à une décision de relaxe. De la même manière, un tribunal a considéré que le fait de se comporter en organisateur n'était pas suffisant pour considérer quelqu'un comme organisateur.

En la matière, nous sommes dans le droit commun de la procédure pénale, donc dans un régime de totale liberté de preuves.

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