Intervention de Anne-Yvonne Le Dain

Réunion du 28 janvier 2015 à 16h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Yvonne Le Dain, députée, rapporteur :

– Je ne crois pas que l'indispensable prise de conscience qu'a évoquée Bruno Sido relève d'une approche pessimiste du numérique, mais l'idée que la sécurité numérique puisse devenir un atout de développement économique me tient à coeur, et c'est là un axe majeur de notre analyse. Il s'agit de faire d'une crainte une opportunité.

Au fur et à mesure des auditions, une idée nous a de plus en plus préoccupés : comment tirer parti d'une situation mal engagée, en l'occurrence, en matière d'insécurité numérique, pour faire de l'économie avec du droit ? Un développement dans le rapport illustre ce que cette idée sous-tend.

Il se trouve que la France possède de nombreux atouts en ce domaine car, sans même parler des fabricants d'antivirus, les connaissances de l'École française de mathématiques alliées à une grande tradition en matière de cryptologie, de cryptographie et de linguistique, les ressources des centres de recherche de la Direction générale de l'armement ou de l'INRIA, pour ne citer qu'eux, devraient permettre de conforter les entreprises oeuvrant en matière de sécurité numérique et, surtout, permettre de nouvelles initiatives qui ne seraient pas récupérées aussitôt par nos concurrents principaux, à savoir les États-Unis d'Amérique – qui écrivent l'informatique à l'aide du même alphabet que nous, contrairement aux Russes, aux Indiens ou aux Chinois.

Pour mettre en valeur les atouts français, il faut se débarrasser de préjugés et d'attitudes routinières. Par exemple, les préjugés associés à l'image des hackers alors que certains d'entre eux pourraient être employés fort utilement pour élaborer des solutions de prévention et de riposte aux attaques numériques éventuelles – un certain nombre d'entreprises le fait déjà. Les personnes entendues ont cité des exemples de hackers peu diplômés que l'administration française n'avait pu recruter à un niveau de salaire décent. En effet, leur diplôme ne donnait accès qu'à un niveau indiciaire de traitement dans la fonction publique peu propre à rémunérer équitablement les hautes compétences dont ils faisaient preuve.

Une autre personne entendue nous a cité les exemples de jeunes entreprises extrêmement innovantes dans le numérique aussitôt rachetées par des financiers d'outre-Atlantique venus faire, en quelque sorte, leur marché en France.

Face à une telle situation, il ne suffit pas de demander aux autres de faire preuve d'initiative, de créativité, de réactivité, si nous-mêmes, parlementaires, ne montrons pas l'exemple d'abord par notre engagement personnel, puis à travers les décisions des assemblées et collectivités territoriales au sein desquelles nous pouvons avoir une influence. Certaines de nos propositions de recommandations vont dans ce sens.

Libre au Gouvernement d'agir de même face aux administrations.

Venons-en maintenant à l'observation de nos comportements face aux exigences de la sécurité numérique souvent négligées dans la vie courante.

Par exemple, qui d'entre nous hésite avant de s'abonner à une messagerie électronique alors que celle-ci est peut-être contrôlée par une firme étrangère ? Qui prend le temps minimal de réflexion avant de choisir la voie la plus sécurisée pour transmettre un message urgent ? Les services des assemblées sont-ils eux-mêmes à la pointe quant à la sécurité informatique ? Les collectivités territoriales ne pourraient-elles s'intéresser davantage à cette question ? Qu'en est-il enfin des entreprises que l'on suppose à la pointe en matière de technologie de sécurité numérique ? Et, quand on parle de sécurité numérique, les ordinateurs ne sont pas les seuls objets à prendre en considération, les téléphones portables sont également sources de risques, ainsi que tous les « objets dits connectés ».

Tout naturellement, à ce stade de l'analyse, chacun pense au rôle de l'éducation nationale. Or, vos rapporteurs proposent, dans la vingtaine de recommandations prioritaires qu'ils vous soumettent, d'enseigner le codage de manière ludique dès l'école maternelle et de créer une véritable filière d'enseignement de l'informatique incluant systématiquement des modules significatifs sur sa sécurité jusque dans l'enseignement supérieur. Et, ce, sur tout le territoire national.

Cela peut paraître évident mais la situation actuelle n'est pas à la hauteur des exigences, loin s'en faut.

Qu'observe-t-on aujourd'hui ? L'absence de l'informatique dans les programmes ou, quand elle y figure, c'est avec un nombre d'heures extrêmement restreint et malheureusement sans enseignement sur la sécurité du numérique, ou si peu, y compris dans les écoles spécialisées.

En outre, quels sont les enseignants censés faire face à cette nouvelle demande ? D'où proviennent-ils aujourd'hui ? D'où proviendront les effectifs accrus nécessaires demain ? Il serait bien imprudent de croire qu'on peut facilement reconvertir un professeur de mathématiques, de sciences physiques ou de technologie en professeur d'informatique. Chacun sait que l'informatique n'est pas vraiment une branche des mathématiques ni une section de l'électronique.

Quand je parle de filière de l'enseignement de l'éducation au numérique, il s'agit aussi de diplômes reconnus et d'un corps d'inspection. Et où placer cet enseignement dans l'emploi du temps des élèves ?

Mais, me direz-vous, cette construction n'aurait-elle pas bientôt pour effet de figer les connaissances des enseignants alors que ce secteur évolue si vite ?

C'est un risque réel qui doit être d'emblée pris en compte pour anticiper la sclérose éventuelle desdits enseignants dont la réactivité devra demeurer la qualité première.

Mais, sans entrer davantage dans cette partie de nos propositions, je crois que le Premier vice-président souhaiterait vous en détailler un peu davantage la philosophie.

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