Madame la présidente, madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, comme je l’avais indiqué lors de l’examen de ce projet de loi en commission, le texte présenté par le Gouvernement était attendu depuis longtemps et il arrive bien tard devant le Parlement. Il a nourri des espoirs, il a aussi suscité des craintes alors que la santé devrait faire l’objet d’un consensus national.
Une loi ne peut satisfaire tout le monde. Elle poursuit des objectifs d’intérêt général mais peut quelquefois provoquer des réticences.
Une loi, c’est aussi un marqueur politique de notre temps. Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste regrettent que ces avancées de gauche soient masquées par un mécontentement exprimé par les médecins, certes, mais aussi par l’ensemble des professions de santé ainsi que par celles et ceux qui sont en cours de formation, notamment les internes.
Pour autant, il est manifeste que demain, grâce aux mesures de prévention contenues dans ce texte, nous constaterons une amélioration substantielle de l’état de santé de nos concitoyens.
Je pense en particulier aux mesures en faveur du dépistage du VIH, à savoir la possibilité donnée aux associations de poursuivre les dépistages rapides en dehors du mécanisme de l’expérimentation ou encore à la suppression de l’autorisation parentale pour les mineurs, ce qui permettra un dépistage précoce et une meilleure prise en charge.
Je salue le courage qui est le vôtre, madame la ministre, d’amener à l’échelon législatif et avec détermination, en direction des plus exclus de notre société, le programme de salles de consommation à moindre risque pour les toxicomanes.
Je pense également à la suppression de l’accord des proches pour le prélèvement d’organes sur les personnes en état de mort clinique. Cette mesure va, elle aussi, dans le bon sens et vous avez le soutien des députés radicaux de gauche.
Toujours dans la lignée des mesures humanistes, constitutives de l’ADN des radicaux, vous pourrez compter sur notre soutien sans faille pour supprimer le délai de réflexion de sept jours imposé aux femmes qui souhaitent bénéficier d’une interruption volontaire de grossesse.
Vous bénéficierez également d’un soutien sans réserve de notre part pour la mise en place d’un droit à l’oubli pour celles et ceux qui ont été frappés par le cancer ou toute autre maladie et qui, de par la volonté des assureurs, se trouvent dans l’impossibilité de souscrire un prêt.
Autre mesure de prévention, la mise en place de paquets de tabac neutres, déjà en usage en Australie, en Irlande et au Royaume-Uni, et que recommande vivement l’Organisation mondiale de la santé, est une mesure de santé publique qui, en diminuant l’attractivité du paquet, réduirait la consommation. Cependant, madame la ministre, les avis divergent au sein de notre groupe, certains estimant que les prescriptions de la directive européenne sur les paquets de cigarettes sont suffisantes.
Avant de conclure sur la prévention, madame la ministre, permettez-moi de vous interpeller sur un point précis. Vous avez, à raison, placé les plus jeunes d’entre nous au coeur de votre politique de prévention. Pourtant vous ne disposez pas de tous les leviers. Quand la santé scolaire sera-t-elle de la compétence de votre ministère ? Quand, enfin, nos collèges et lycées seront-ils dotés de médecins et d’infirmiers en nombre suffisant pour mener cette politique de prévention ?
Enfin, la possibilité que vous offrez aux patients d’engager des actions de groupe va dans le bon sens. Elle leur permettra de mieux défendre leurs intérêts. Peut-être, au cours de notre discussion, procéderons-nous à quelques ajustements techniques qui amélioreront la mise en oeuvre de cette disposition.
Au-delà des mesures de prévention, qui constituent incontestablement de grandes avancées en termes de santé publique, c’est désormais le débat sur la généralisation du tiers payant qui retient l’attention.
Je connais la situation des patients en situation de précarité et je sais que les médecins utilisent déjà le tiers payant car ils connaissent eux aussi très bien leurs patients.
Les réserves des médecins sur ce projet de loi ne relèvent pas du fantasme. Ils pressentent que, derrière ce tiers payant généralisé, se profile la fin programmée et la privatisation de notre sécurité sociale par le transfert progressif de la protection sociale vers l’assurance privée, et donc la fin pour tous les Français de l’accès à des soins de proximité de qualité.
Il faut rétablir une vérité : nos concitoyens renoncent en priorité aux équipements optiques, aux soins dentaires, aux prothèses auditives et aux consultations de spécialistes, mais tout simplement en raison du délai d’obtention d’un rendez-vous !
Plus encore, les médecins généralistes, qui sont le pilier de notre système de santé, pratiquent déjà le tiers payant systématique pour les bénéficiaires de la CMU-C, ce qui est de droit, mais également pour la plupart des patients pris en charge au titre d’une affection de longue durée, et ils le proposent, quand ils l’estiment nécessaire, à titre social et compassionnel, à ceux de leurs patients dont ils connaissent la précarité pour les avoir accompagnés pendant de nombreuses années.
Nous devons aussi évoquer le sort des médecins, qui seront contraints de mettre en oeuvre le tiers payant généralisé alors que les territoires ruraux dans lesquels ils exercent ne disposent pas de l’ADSL ou de la fibre optique.
Madame la ministre, quand ils affirment que cette mesure va supprimer du temps médical au profit du temps administratif, au seul préjudice de leurs patients, il faut les entendre !
Quand ils soutiennent qu’en milieu isolé, en milieu rural, dans les cités, dans les déserts médicaux où ils exercent dans des conditions particulièrement difficiles – horaires élastiques, déplacements, pas ou peu de vacances car ils ne trouvent pas de remplaçant disponible, lourdes responsabilités, temps consacré à l’écoute de leurs patients en lieu et place d’une assistante sociale – il faut les écouter !
Il est impossible qu’une mesure législative les oblige à dégager du temps pour des tâches administratives qui n’ont aucune valeur médicale ajoutée !
Madame la ministre, je le répète, il faut les entendre, enfin !
Je me permets de citer ici cette anaphore du président de l’Ordre national des médecins, Patrick Bouet, au cours du neuvième congrès des médecins généralistes : « Madame la ministre, je veux vous dire qu’il n’y a pas de santé sans médecin, madame la ministre, je veux vous dire qu’il n’y a pas de virage ambulatoire sans renforcement de la médecine générale. Madame la ministre, je veux vous dire qu’il ne suffit pas d’ordonner que les gens se coordonnent sans coordonnateurs ». Cela doit vous interpeller, d’autant plus qu’il a ajouté que vous leur aviez cruellement manqué…
Nous, députés radicaux de gauche, aurions préféré que la généralisation du tiers payant passe d’abord par l’expérimentation, qu’elle soit ensuite mise en place progressivement et qu’enfin son coût soit connu avec précision.
Finalement, qui en a le plus besoin ? Les étudiants, les personnes âgées à faible revenu, les plus modestes d’entre nous ? C’est là qu’il fallait agir ! Qui n’en a pas besoin ? Les plus aisés !
Concernant les pratiques avancées et les délégations de tâches, nous y sommes favorables, car elles sont indispensables, mais seulement dans la mesure où elles seront étudiées, étroitement concertées avec les professionnels de santé et surtout parfaitement organisées.
S’agissant de l’organisation territoriale, nous regrettons l’ostracisme qui a frappé, dès la naissance de ce texte, la médecine de ville et les établissements privés, qu’ils soient à but lucratif ou non lucratif. Nous ne pouvons nous passer du maillage territorial, or les cliniques sont un maillon fort de la chaîne de santé.
La configuration actuelle des GHT, les groupements hospitaliers de territoire, n’est pas satisfaisante car elle ne va pas dans le sens d’une dynamique locale. Il faut insérer un dispositif plus souple dans le texte afin d’assurer une meilleure dynamique de territoire dans le cadre des futures grandes régions.
Désormais, avec les communautés professionnelles territoriales de santé, les médecins généralistes restent bien au coeur du dispositif. Toutefois, accompagnés par les agences régionales de santé, les ARS, nombreux sont ceux qui redoutent la confusion entre accompagnement et contrainte.
Ces communautés devront aussi être adaptées aux spécificités de nos territoires – je pense surtout aux territoires très isolés ou transfrontaliers. Il est souvent plus facile de franchir une frontière qu’une vallée et les amendements présentés par mon collègue Joël Giraud au nom de notre groupe devront faire l’objet d’un examen attentif et bienveillant, car il en va de la sécurité des patients qui vivent dans ces territoires.
Pour conclure, madame la ministre, nous regrettons l’unanime remarque des organisations syndicales et ordinales concernant la qualité des négociations. Elles font état d’un dialogue de sourds et ne peuvent pas collectivement se tromper. Le résultat aujourd’hui, c’est une guérilla tarifaire et une journée santé morte…
De même, nous regrettons la procédure accélérée et le peu de temps accordé à l’étude de ce texte en commission. Il y a là, et c’est inacceptable, une confiscation du rôle du Parlement et, je suis désolée de le dire, une confusion entre Parlement et chambre d’enregistrement. Cette marche forcée mécontente les députés de notre groupe.
Alors, madame la ministre, j’espère que vous ne serez pas lassée par les déclarations générales des uns et des autres, comme vous l’avez affirmé dans la presse ce matin.
Nous souhaitons être un partenaire fidèle du Gouvernement, mais nous voulons aussi être respectés dans notre travail parlementaire. Le Gouvernement aura l’occasion de nous le montrer tout au long de l’examen de ce projet de loi. Les députés du groupe RRDP seront très attentifs au débat qui va s’ouvrir, à la discussion des amendements, et ils resteront vigilants quant à l’évolution de ce texte.