Le premier constat, c’est que notre système de santé doit se transformer, car nous lui consacrons une part importante de la richesse nationale. Nous avons le devoir de le mettre pleinement au service de nos concitoyens, de répondre aux bouleversements de l’âge et de la technique et de le rendre plus efficace, quitte à bousculer quelques corporatismes. Le deuxième constat, c’est que la santé ne peut être le champ clos des seuls professionnels de santé, même si personne ne conteste leur rôle central et leur engagement. La santé appartient à l’ensemble de nos concitoyens.
Le troisième constat, c’est que votre projet de loi, madame la ministre, comporte des axes forts : un pilotage rénové grâce au renforcement des stratégies territoriales et à la réforme des agences sanitaires ; l’affirmation du rôle premier de la prévention promue à l’égal du soin ; la déclinaison de parcours de santé grâce à l’amélioration de la coopération entre tous les acteurs de santé en ville et à l’hôpital ; un saut qualitatif de l’information en matière de santé et de présence des usagers ; la promotion et l’enrichissement de métiers touchant à la santé ; l’introduction du principe de l’action de groupe en santé et la création d’un système national des données de santé ; le droit à l’oubli améliorant l’accès à l’assurance et à l’emprunt de personnes victimes de graves problèmes de santé. C’est sur ces points que j’invite mes collègues de l’opposition à débattre sans se contenter de dénoncer une étatisation de la santé complètement fantasmée, comme on a pu l’entendre au cours de la discussion générale. Tenter de surfer sur la contestation organisée contre la généralisation du tiers payant ne fait pas une politique alternative.
Je développerai trois points : le tiers payant bien sûr, la santé au travail et un amendement que Christian Paul et moi-même présenterons au nom du groupe SRC visant à mieux encadrer l’activité libérale à l’hôpital.
Le tiers payant généralisé, dont je ne nie pas les difficultés techniques en raison notamment de l’éparpillement des mutuelles, signe-t-il, comme l’affirment les tenants d’un libéralisme désuet, la mort de la médecine libérale ? Arrêtons-nous quelques instants sur les quatre principes de la charte de la médecine libérale édictée en 1927, il y a près de quatre-vingt-dix ans. Le premier principe, c’est le libre choix du médecin par le patient. Il n’est nulle part remis en cause dans le texte. Le deuxième, la liberté de prescription, n’est pas davantage abordé. Le troisième, c’est la liberté tarifaire. Convenons ensemble qu’elle a depuis longtemps laissé place à la négociation conventionnelle, les honoraires libres du secteur 2 étant encadrés et par le code de déontologie et par la convention médicale. Quant au quatrième principe, le sacro-saint paiement à l’acte, il est défendu par les détracteurs du tiers payant avec une obstination à mes yeux déraisonnable.
Peut-on rappeler sans faire hurler que la Sécurité sociale assure la solvabilité du système grâce aux cotisations de tous et par là même la patientèle des médecins libéraux, ce qui n’a rien de scandaleux ? Dois-je rappeler également que le tiers payant est pratiqué tous les jours en ville par un grand nombre de professionnels de santé et qu’il est la règle dans presque toute l’Europe ? Au-delà du symbole qui n’est finalement qu’un mode de règlement moderne, il me semble que nous devrons poursuivre notre réflexion avec les professionnels sur la notion de paiement à l’acte en allant progressivement vers une capitation accrue. L’exercice libéral isolé a eu son âge d’or et sa légitimité mais n’est plus adapté aux nouvelles missions et aux souhaits des jeunes générations. L’exercice groupé, les maisons de santé pluridisciplinaire et les centres de santé constituent des réponses au plus près des territoires permettant de lutter plus efficacement contre la désertification médicale. Le texte donne à la médecine de ville un rôle pivot de premier recours pour améliorer la prise en charge et la prévention face aux défis du vieillissement et des maladies chroniques. Au sujet de la santé au travail, je vous remercie, madame la ministre, d’avoir retiré l’amendement présenté par le Gouvernement visant à traiter des services de santé au travail et des notions d’aptitude et d’inaptitude par ordonnance.
Ce sujet mérite à lui seul de beaux débats et certainement pas une ordonnance, quel que soit le véhicule législatif choisi !