Intervention de Annie Le Houerou

Séance en hémicycle du 31 mars 2015 à 21h30
Modernisation du système de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Le Houerou :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, notre système de santé français est reconnu dans le monde, mais il peine à survivre, du fait d’inégalités d’accès aux services, inégalités sociales et territoriales. Pourtant, nous devons préserver ce système, donc l’adapter et le moderniser. Il est performant, grâce aux professionnels de santé engagés dans leurs missions, de l’agent hospitalier aide-soignant à l’accompagnant social et au grand spécialiste expert d’une maladie très rare, en passant bien sûr par le grand corps des infirmiers et infirmières. Chacun et chacune apporte sa contribution à une prise en charge de qualité des patients, lesquels doivent être traités avec la plus grande humanité. C’est ici l’occasion de rendre hommage aux professionnels de santé, qui travaillent dans des conditions souvent difficiles et dans un contexte financier contraint.

La mesure emblématique de ce texte est la généralisation du tiers payant. Mais elle n’est pas la seule : il faut également citer l’affirmation du service public hospitalier et bien d’autres mesures garantissant ce que vous avez appelé, madame la ministre, la « République sociale », qui redonne une juste place à l’usager et au patient. Je vous félicite, madame la ministre, d’avoir mené les concertations et les négociations depuis déjà plusieurs mois. Vous restez à l’écoute, avec beaucoup de patience. Vous nous présentez un texte qui a évolué tout au long des semaines passées afin de trouver les bons équilibres. Votre projet de loi entend assurer l’universalité d’un système de santé de qualité pour tous et partout, alliant le respect des intérêts des professionnels, la vigilance budgétaire et la justice sociale. Pour y parvenir, il s’articule autour de cinq titres : renforcer la prévention et la promotion de la santé ; faciliter au quotidien les parcours de santé ; innover pour garantir la pérennité de notre système de santé ; renforcer l’efficacité des politiques publiques et la démocratie sanitaire ; simplifier notre système pour plus d’efficacité.

Pour nos concitoyens, l’accès aux soins est une source d’inquiétude et parfois d’angoisse, particulièrement dans nos territoires ruraux. Le maintien d’un système de soins efficient est fragile. À titre d’exemple, la densité de médecins généralistes dans le pays de Guingamp est inférieure à 6 pour 10 000 habitants, alors que la densité moyenne de la région Bretagne est de 9,7 pour 10 000 et que la densité moyenne nationale est de 9,5 pour 10 000. De manière anecdotique, je vous citerai l’exemple d’un médecin de ma circonscription qui vient de prendre sa retraite bien méritée à l’âge de 93 ans, faute de remplaçant. Notre territoire offre à ceux qui choisissent d’y habiter une qualité de vie extraordinaire et une bonne espérance de vie en bonne santé – la preuve ! –, mais le mode de recrutement des médecins a malheureusement conduit à ce qu’ils soient désormais issus d’une élite ayant grandi dans des grandes villes, ayant poursuivi des études hyper-spécialisées et préférant donc les CHU à la médecine de ville ou aux hôpitaux de proximité jugés peu prestigieux.

Les conséquences de la pénurie de médecins dans certains territoires sont aggravées par le vieillissement de la population. La demande de soins plus forte et les cas plus complexes pèsent lourdement sur l’activité des généralistes mais renforcent aussi la nécessité d’un bon maillage territorial des hôpitaux, au plus près des populations, dans le cadre de coopérations au sein des groupements hospitaliers de territoire que ce texte rend obligatoires.

Le maintien à domicile de nos aînés est devenu un enjeu de société mais nécessite une bonne coordination de tous les acteurs, plaçant la personne au coeur de l’offre de services. C’est ce que vous nous proposez, madame la ministre, en facilitant le parcours de santé.

Permettre à des jeunes de tous horizons sociaux de réussir des études de médecine, permettre aux professionnels de santé d’exercer leur métier dans de bonnes conditions, garantir à chacun de nos concitoyens les soins dont il a besoin au bon moment et au bon endroit, quels que soient son statut social, son handicap et sa fragilité dans son environnement : tels sont les défis de la stratégie nationale de santé inscrite dans ce projet de loi. Vous avez choisi l’adhésion de la profession : je souhaite que vous réussissiez, madame la ministre, et que vos appels à la solidarité soient entendus.

Par voie d’amendement, je soumettrai à la discussion la question des ordres professionnels paramédicaux, particulièrement celui des infirmiers sur lequel j’ai travaillé depuis 2013. J’ai auditionné de nombreux acteurs : l’Ordre national des infirmiers – ONI –, les syndicats, divers représentants des professionnels libéraux et salariés, les représentations locales de l’ONI et, tout simplement, de nombreuses infirmières en exercice, mais également le Haut conseil des professions paramédicales.

Depuis sa création en 2006, l’Ordre national des infirmiers n’est pas parvenu à convaincre : une majorité de la profession, tant libérale que salariée, est opposée à cette instance. Alors que près de 600 000 personnes sont titulaires du diplôme en France, moins de 30 000 infirmiers et infirmières ont voté lors des dernières élections, soit 5 % de la profession, malgré une forte incitation des nouveaux recrutés. L’ordre n’est pas représentatif de la profession. Il crée des tensions au sein d’une profession qui a besoin d’un rassemblement et d’une évolution du métier, en lien avec les autres professionnels de santé.

Il conviendrait donc de réexaminer les missions dévolues à l’ordre, dans un souci de simplification et afin d’éviter les doublons, notamment concernant la démographie et la régulation de la profession. La réorganisation envisagée devrait être effectuée en lien avec les agences régionales de santé, le Haut conseil des professions paramédicales et les tribunaux de droit commun. Elle supposerait de veiller à trouver des solutions pour le personnel exerçant dans ces structures. Si la majorité de notre assemblée ne souhaitait pas supprimer l’Ordre national des infirmiers, je proposerais que l’adhésion des infirmiers soit rendue facultative afin de régler le risque juridique lié à la non-adhésion d’une majorité de professionnels. Cette proposition vaut pour l’ensemble des ordres paramédicaux créés depuis 2004.

Ce projet de loi va susciter de nombreuses discussions. Je souhaite que celles-ci soient constructives et aboutissent à un bon compromis, déjà bien engagé, qui préserve les objectifs fixés par notre majorité, marqueurs d’une politique de gauche solide et solidaire. Je sais pouvoir compter sur votre détermination au service de la santé de tous et partout.

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