La mise en oeuvre de la réforme ferroviaire suscite des doutes : certains estiment que l'EPIC de tête prend une importance excessive, et aussi que son architecture de fonctions transversales induit une proximité trop forte entre les trois entités considérées, laissant germer un soupçon de favoritisme possible en faveur de SNCF Mobilités aux dépens d'autres opérateurs. Qu'en dites-vous ? Quelle est la position de l'ARAF, et comment l'Europe réagit-elle ?
La France étant un pays où l'on prend d'infinies précautions politiques et syndicales, on a longtemps dit que, pour ouvrir le groupe SNCF à la concurrence, on attendrait d'y être contraints par l'Union européenne. Nous avons si bien tardé que notre fret ferroviaire a souffert, vous l'avez dit. Et, comme pour le transport international de passagers, nous avons voté des lois honteusement, sans en faire la publicité et sans que la SNCF y soit préparée, si bien qu'elle a dû encaisser ces chocs de manière improvisée, alors qu'en anticipant la mise en concurrence, d'autres pays avaient permis que leur opérateur historique l'affronte dans les meilleurs conditions. Depuis quelque temps, vous dites courageusement que vous souhaitez que l'on ne diffère plus l'ouverture à la concurrence. Qu'est-ce qui vous pousse à ouvrir un débat sulfureux et idéologiquement bloqué bien que légèrement schizophrénique, puisque la SNCF, elle-même à l'abri de sa ligne Maginot, sait arracher les liaisons parmi les plus rentables à l'étranger ? On sait, il est vrai, ce qu'il advient des lignes Maginot ; en l'espèce, les autres pays de l'Union européenne veulent imposer une clause de réciprocité qui menacerait l'activité de Keolis en Europe, amputant ainsi la France de sa compétitivité ferroviaire à l'international à un moment crucial.
Dans un autre domaine, où en est la négociation du contrat de performance entre la SNCF et l'État ? Le comité des opérateurs du réseau a-t-il été installé auprès de SNCF Réseau ? Enfin, quel est l'état d'avancement de la négociation de la convention collective qui doit éviter dans le secteur ferroviaire la dérégulation sociale sauvage à l'oeuvre dans le transport routier, si tous les syndicats sont d'accord pour en débattre ? S'ils ne le sont pas, ils porteront la redoutable responsabilité de livrer les personnels qui leur succéderont à la jungle sociale que connaissent les chauffeurs de poids lourds.