Intervention de Guillaume Pepy

Réunion du 17 mars 2015 à 17h15
Commission des affaires européennes

Guillaume Pepy, président de la SNCF :

Oui. La nouvelle délimitation des régions entrera en vigueur le 1er janvier 2016 et nous réfléchissons aux relations entre la SNCF et les nouvelles régions à partir de cette date. Dans la grande région du quart nord-est – Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine – le transport ferroviaire devrait avoir une place très importante, avec une ligne à grande vitesse faisant office de colonne vertébrale, des lignes classiques greffées en arêtes de poisson et assurant une desserte capillaire, des autobus départementaux et des centrales de mobilité. Nous ferons des propositions de contrats de mobilité aux nouveaux élus régionaux dès qu'ils seront installés.

Dans le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, l'intention du législateur est de regrouper le plus possible les compétences de mobilité auprès de la région. C'est d'une grande sagesse car le millefeuille actuel de compétences en matière de transport provoque un gâchis d'argent public. Souvent, un service d'autobus concurrence un TER ; si l'on était autour d'une seule table, on trouverait certainement une formule meilleure en termes de service public et moins coûteuse pour la collectivité. On se gardera d'oublier qu'en moyenne, le coût des transports collectifs est financé à hauteur de 30 % par les clients et de 70 % par les collectivités territoriales ; elles ont donc toute légitimité pour organiser ces services de manière qu'ils soient les meilleurs possibles à un coût raisonnable.

Le contrat de performance sera un outil puissant de contrôle du fonctionnement du système ferroviaire par le Parlement auquel, pour la première fois, il sera transmis, après avoir été discuté entre les pouvoirs publics et le nouveau groupe. Dans le calendrier de son élaboration, M. Frédéric Saint-Geours, président pressenti du conseil de surveillance, jouera un grand rôle. La discussion a commencé. Le projet de contrat de performance doit être prêt en juin ; il pourra être soumis au conseil de surveillance en juillet et transmis au Parlement à la rentrée, pour être mis en oeuvre à la fin de l'année. Ce contrat porte sur dix ans ; c'est une excellente chose car le secteur ferroviaire est celui des investissements sur plusieurs décennies, et la gestion annuelle est l'ennemie absolue de l'optimisation. Enfin, la réforme est sous-tendue par le principe selon lequel ceux qui payent décident et ceux qui décident payent. Actuellement, on en est très loin ; on n'y parviendra peut-être pas entièrement d'emblée, mais c'est ainsi que la réforme est conçue.

La définition du cadre social de branche et d'entreprise commande l'avenir de l'entreprise. Une SNCF compétitive a un grand avenir. Laisserait-elle dériver sa compétitivité qu'elle n'aurait pas beaucoup de chances dans les dix à vingt ans qui viennent ; elle serait peu à peu ébranlée et réduite par la concurrence des nouveaux modes de transport – co-voiturage, auto-partage, autobus longues distances, vols à bas coût – et, pour ce qui concerne le fret ferroviaire, par la libéralisation du marché européen. Aussi devons-nous absolument construire un nouveau cadre social avec les salariés.

Je suis optimiste. Le Parlement nous a apporté une aide puissante en nous donnant deux ans pour nous mettre d'accord, sous-entendant que si nous n'en sommes pas capables à cette échéance, les accords actuels cesseront de produire leurs effets. Nous avons donc encore une vingtaine de mois pour achever des discussions qui se déroulent soit au niveau de la branche soit à celui de l'entreprise. Les salariés de la SNCF ont pleinement conscience de ce qui se joue et toutes les organisations syndicales sont autour de la table. Certes, la discussion est difficile, mais elle sera sans totems ni tabous. La direction devra faire des avancées parce que les salariés du secteur ont des aspirations relatives à la reconnaissance de leur expérience, aux carrières, à la prise en compte d'un rythme de travail réparti sur 24 heures, 365 jours par an ; quant aux organisations syndicales représentatives du personnel, elles devront assumer le fait que la SNCF n'a pas d'avenir en France si sa compétitivité n'est pas renforcée.

Intellectuellement, le mieux eût été de s'accorder en premier lieu sur le volet politique du quatrième paquet ferroviaire. Mais les États de l'Union européenne ayant malheureusement beaucoup de mal à converger, le pragmatisme conduit à faire de l'aboutissement du volet technique la priorité.

Les accords intergouvernementaux relatifs à la liaison ferroviaire Lyon-Turin ont été ratifiés par les Parlements français et italien et il ne m'appartient pas de les commenter. J'observe seulement que le dossier initial était en partie un dossier de transport de voyageurs, mais qu'il s'agit aujourd'hui principalement de transporter des marchandises. Le financement doit donc être assez puissant et solide pour éviter que les péages ne soient dissuasifs, sans quoi l'ensemble des routiers continueront d'emprunter les tunnels du Fréjus ou de passer par Vintimille. Il serait donc intéressant de savoir quels péages seront demandés aux transporteurs routiers une fois l'ouvrage achevé.

Le financement du plan Juncker englobe malheureusement 3 milliards d'euros qui étaient originellement destinés au Mécanisme pour l'interconnexion en Europe. Il se peut que le secteur ferroviaire ne retrouve pas les fonds ainsi préemptés ; cela nous inquiète.

Le projet de loi libéralisant le transport longue distance de passagers par autocar sur le territoire français est en cours d'examen par le Parlement. Je dirai seulement qu'il faut concevoir les modes de transport comme étant complémentaires et non concurrents. J'en donnerai un exemple. Parce que, pour beaucoup de nos clients extrêmement sensibles au prix du transport et moins à la vitesse, chaque euro compte, nous avons créé il y a deux ans une ligne de train classique sur laquelle le trajet est vendu à partir de 13 euros ; ces convois, qui mettent deux fois plus longtemps que le TGV pour relier Paris à Toulouse, sont complets. De même, il faut envisager les lignes d'autocars longue distance comme un outil dans une panoplie de modes de transport complémentaires. Dans ce cadre, il n'y a rien à dire sur la libéralisation des autocars sur longue distance si les véhicules respectent la norme Euro VI, si les normes de sécurité sont respectées et s'il s'agit d'entreprises sérieuses. D'autre part, la question du seuil, actuellement fixé à 100 kilomètres, fait encore débat. Il conviendra de trouver un équilibre entre l'objectif de libéralisation et la nécessité de protéger les lignes de TER qui ont été financées par des fonds publics ; il ne faudrait pas que les pertes du TER soient étatisées cependant que les bénéfices du transport par autocars seraient privatisés.

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