Ce sont les représentants de l’État et des collectivités locales, c’est-à-dire le Président de la République, les membres du Gouvernement, les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil constitutionnel, les préfets et sous-préfets, les présidents des conseils régionaux et départementaux, les directeurs et sous-directeurs régionaux et départementaux des services extérieurs de l’État ! Ce sont les maires, leurs adjoints, et enfin les officiers ministériels, les avocats aux conseils, les notaires, les huissiers ! Vous avouerez que ces personnalités, si respectables soient-elles, et elles le sont absolument, ne sont pas les premières concernées par l’extension des cas de légitime défense.
Mesdames, messieurs, je ne voudrais pas, en passant cette proposition de façon rigoureuse au tamis de considérations de droit, vous donner l’impression que je méconnais la gravité des questions auxquelles ses auteurs ont voulu apporter une réponse. Comme je vous l’ai dit, monsieur Ciotti, je partage votre souci d’améliorer la protection des forces de police et de gendarmerie. Mais je souhaite le faire dans le respect des principes conventionnels et constitutionnels, des principes de droit qui rendent nos réponses plus fortes lorsqu’ils les inspirent.
J’ai songé aux obligations qui sont les nôtres à leur égard en m’adressant il y a quelques jours à la nouvelle promotion des officiers de police de l’école de Cannes-Écluse, qui a choisi de se placer sous le patronage d’Ahmed Merabet et de Franck Brinsolaro, leurs camarades tombés sous les balles des terroristes le 7 janvier dernier.
Être policier, être gendarme, ce n’est pas exercer un métier comme les autres. C’est un métier où l’on prend son service chaque matin en acceptant de pouvoir croiser sur son chemin, avant de rentrer chez soi, la violence, dans ses formes parfois les plus extrêmes, les plus lâches et les plus abjectes. Rares sont en réalité les professions dont ceux qui les embrassent savent qu’ils exposeront leur vie pour le bien commun. Avec les militaires et les sapeurs-pompiers, les policiers et les gendarmes appartiennent ainsi à cette aristocratie républicaine du courage et du risque consciemment assumé.
C’est précisément parce qu’ils acceptent un tel risque que nous nous devons de leur offrir la garantie d’une protection vigilante et juridiquement incontestable.
Je ne vous recommande donc pas d’oublier cette proposition de loi. Je ne vous demande pas de considérer que la question de l’usage des armes par les policiers et les gendarmes est superflue. Je vous propose au contraire de poser cette question complexe en prenant toutes les précautions juridiques et d’y réfléchir en consultant les premiers concernés, les policiers et les gendarmes eux-mêmes. Vous l’avez fait, et j’ai commencé à le faire moi-même.
Le Gouvernement propose donc de ne pas retenir à ce stade cette proposition de loi afin de réunir dans un groupe de travail les inspections de la police et de la gendarmerie nationales – vous avez d’ailleurs évoqué la responsable de l’inspection générale de la police nationale, qui fait un travail remarquable – ainsi que des parlementaires de la majorité et de l’opposition, notamment le président de la commission des lois et vous-même, monsieur Ciotti, qui faites un travail qui mérite d’être pris en compte. Sur de tels sujets, en effet, on n’a pas besoin de chercher systématiquement la confrontation et l’opposition. La protection des forces de l’ordre face aux risques auxquels elles se trouvent exposées est un sujet sur lequel nous pouvons accepter de cheminer ensemble, dans le respect des principes que je viens d’indiquer.
Je vous remercie donc, monsieur Ciotti, pour cette proposition de loi, qui porte sur un sujet qui mérite d’être traité. Elle pose un certain nombre de problèmes en droit, que je viens d’évoquer, mais je ne propose cependant pas de l’écarter et de se résigner à ne pas traiter le sujet. Je propose la mise en place d’un groupe de travail associant mon administration et les parlementaires de la majorité et de l’opposition afin que nous puissions cheminer de façon consensuelle. En attendant l’avancement de ces travaux, monsieur le rapporteur, je vous saurais bien entendu gré de bien vouloir retirer cette proposition de loi. Voyez à quel point nous sommes constructifs.