Je ne crois pas que le pistolet soit le meilleur ami de la police.
Vous nous dites, monsieur Ciotti, que les circonstances ont changé. Il est vrai que les récents événements terroristes nous ont tous traumatisés, mais l’assassinat de deux policiers lors de l’attaque de Charlie Hebdo ou celui de la policière municipale de Montrouge n’auraient pas été évités avec un droit de tirer : ils ont été abattus par surprise, sans possibilité de se défendre. La question de la légitime défense ne s’est malheureusement pas posée. Les méthodes des terroristes vont nécessiter des réponses policières adaptées, mais rien ne serait plus dangereux que de laisser la panique l’emporter sur la raison, de mettre en péril les citoyens, de multiplier les bavures sous ce seul prétexte. Faudrait-il armer les gardiens, les agents de sécurité et que sais-je encore ?
Il faut entendre les policiers quand ils parlent de l’aggravation de leurs conditions de travail. Nous faisons nôtre leur complainte sur le traitement qui leur a été infligé : réduction drastique des effectifs, soit une suppression de 14 000 postes entre 2007 et 2012 due à la révision générale des politiques publiques, pression exercée sur eux par l’instauration de la politique du chiffre, inégale répartition territoriale des effectifs… Je ne détaillerai pas les réformes qui avaient modernisé la police et la gendarmerie sous les gouvernements de gauche. Si M. Vaillant était là, il en parlerait mieux que moi.
Dans une enquête de la direction des ressources et des compétences de la police rendue publique lundi dernier, 3 500 fonctionnaires de police ont livré leur quotidien : ils sont nombreux à évoquer un malaise dans leur rang et un climat social plutôt mauvais, et très réservés sur leurs conditions matérielles, les possibilités d’avancement et l’organisation du travail. Précisons que les craintes sur leur propre sécurité ne sont pas particulièrement mises en avant dans ce questionnaire. Ils souffrent surtout de la dégradation de leur relation avec la population et confirment que le fossé s’agrandit depuis des années. Cette proposition de loi n’est pas de nature à rassurer la population et à créer la proximité, la communication et le respect qu’ils espèrent.
Les événements de janvier ont permis à la population de montrer sa solidarité et sa reconnaissance pour les représentants des forces de l’ordre qui ont été assassinés, sa conscience de la dangerosité de leur travail. Mais elle a aussi exprimé son besoin de protection. À cet égard, je rappelle que le code de déontologie des policiers affirme avoir « pour ambition de contribuer au renforcement du lien entre les forces de sécurité intérieure et la population, en plaçant explicitement celle-ci au coeur des préoccupations des policiers et des gendarmes. »
C’est une embellie que nous n’espérons pas passagère, et c’est dans ce sens que le groupe socialiste souhaite travailler à la reprise d’un dialogue républicain autour de besoins nouveaux et adaptés aux circonstances auxquelles sont confrontés les policiers. Il s’agit de construire les outils d’aujourd’hui pour les problèmes d’aujourd’hui. Améliorer les conditions de travail des policiers, ce n’est pas seulement faciliter l’usage de leur arme de service : cela passe aussi par le renforcement de leur formation aux situations de crise, par l’amélioration de leur équipement, par le renforcement de leur présence sur le terrain, améliorée avec la création de 500 postes de policiers et de gendarmes chaque année depuis le début du quinquennat, et enfin par l’actualisation du budget de la sécurité et par le rétablissement de la confiance entre la police et la justice.
C’est à tous ces objectifs que je vous propose de nous atteler. Le groupe socialiste ne votera pas cette proposition de loi mais est disponible pour réfléchir à la protection indispensable et renforcée des policiers, et aux perspectives d’amélioration des conditions de travail et de sécurité des forces de l’ordre, aux côtés de tous les républicains de l’hémicycle.