Intervention de Pascal Popelin

Réunion du 31 mars 2015 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Popelin :

Nous engageons l'examen du texte avec une certaine gravité. Pour la première fois, la France consacre un projet de loi au renseignement, univers que nos concitoyens connaissent peu, ce qui nourrit bien des fantasmes. Les Français évoquent avec méfiance leurs « services secrets », quand nos amis anglo-saxons parlent ordinairement de leur « Intelligence Service ».

Le projet de loi ne doit rien à l'émotion ni aux circonstances. Si les événements de janvier lui confèrent une actualité particulière, il est le fruit d'une volonté ancienne du président de la République, du Premier ministre et du Gouvernement, ainsi que de la délégation parlementaire au renseignement. Annoncé dès juillet 2014 et prévu dans l'agenda des réformes pour 2015, il s'inspire notamment du rapport d'information présenté en mai 2013 par Jean-Jacques Urvoas et Patrice Verchère, qui concluait à la nécessité prégnante d'une loi encadrant les pratiques du renseignement.

Le contexte, marqué par les menaces qui pèsent sur la sécurité de nos concitoyens, montre qu'il ne faut plus attendre. Nous devons légiférer avec pragmatisme et sans naïveté, affirmer enfin que la France, comme tout État démocratique moderne, peut légitimement disposer de cet outil de souveraineté que sont des services de renseignement dotés de moyens adéquats, destinés à protéger, à l'intérieur et hors de ses frontières, ses intérêts stratégiques et la sécurité de ses ressortissants.

Cet impératif ne saurait nous faire oublier que notre pays est un État de droit, et pas n'importe lequel : il demeure aux yeux du monde la patrie des droits de l'homme, ce qui nous confère une responsabilité particulière. Les moyens dont nous souhaitons que nos services disposent en toute légalité peuvent par nature porter atteinte aux libertés individuelles. Ils doivent donc être employés avec discernement, dans le respect du principe de proportionnalité, et être encadrés par un contrôle rigoureux.

Certains textes ont vocation à susciter le débat. C'est le cas de celui-ci. Le Gouvernement a le mérite d'ouvrir une discussion publique. Pour avoir accompagné le rapporteur pendant les nombreuses auditions qu'il a organisées depuis l'adoption du projet de loi, le 19 mars, par le conseil des ministres, j'ai entendu les interrogations, les attentes et les craintes. Dès demain, notre Commission va tenter d'y répondre en examinant les articles. Je ne doute pas que ce travail de consolidation ne se poursuive en séance publique, à partir du 13 avril.

En harmonie avec le rapporteur, le groupe SRC présentera deux amendements de principe. Le premier vise à affirmer le caractère public des services de renseignement. Loin d'être déclarative et dépourvue de portée juridique, une telle disposition vise à éviter qu'un jour, l'État n'en vienne à sous-traiter à des officines privées tout ou partie de ses activités hautement régaliennes. Nombreux sont les exemples, autour de nous, qui justifient cette précaution d'écriture.

Le second amendement vise à préciser le périmètre d'intervention des services de renseignement. On mesure la difficulté d'un tel exercice. Comment délimiter le recours au renseignement pour des motifs d'intérêt public ? Comment être exhaustif sans devenir dangereusement globalisant ? La rédaction du septième alinéa du nouvel article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure, dont on comprend aisément l'intention, a suscité des craintes, compte tenu de l'interprétation extensive qui pourrait en être faite, notamment à l'encontre des mouvements sociaux.

Nous proposerons une nouvelle rédaction, qui en maintient la finalité, en excluant tout détournement. Nous souhaitons que cette nouvelle rédaction, comme d'autres propositions que nous formulerons en cours de débat, recueille l'assentiment du Gouvernement, compte tenu de l'esprit constructif dont nous le savons animé.

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