C'est bien ainsi que je l'ai lu : il va à l'encontre d'une jurisprudence. Actuellement, nous autorisons parfois l'écoute d'un téléphone qui est utilisé de temps à autre par la personne soupçonnée, même s'il s'agit de l'appareil de son épouse. Pour nous, il n'y a pas d'obstacle à l'opération dès lors qu'il existe des indices sûrs d'une association étroite du matériel en question à l'oeuvre de préparation d'une infraction grave. Ce projet de loi nous fera sauter un pas supplémentaire alors que, au vu de mon expérience, je ne suis pas sûr que ce soit absolument indispensable pour les services. Certes, les Américains vont beaucoup plus loin puisqu'ils auraient élargi le cercle de surveillance au N +3 – c'est-à-dire à l'entourage de l'entourage de l'entourage de la personne visée – alors que nous n'en serons qu'au N +1. Il faut néanmoins avoir conscience que nous élargissons le cercle des personnes susceptibles d'être suivies.
S'agissant de la saisine directe du Conseil d'État, nous avons cru qu'elle offrait une garantie. La CNCTR ne serait-elle pas encline à s'attendrir devant une décision du Premier ministre et ne faudrait-il pas permettre à seulement deux de ses membres de saisir le Conseil d'État ? Je n'y crois pas trop. D'abord, ce serait blessant pour les parlementaires composant la CNCTR. Ensuite, connaissant un peu les magistrats pour les avoir fréquentés durant quelques dizaines d'années, je serais étonné qu'ils se laissent attendrir par une décision du Premier ministre. Pour ma part, je préférerais que la CNCTR délibère et décide elle-même de la majorité qui permettra une saisine du Conseil d'État. Je ne suis pas sûr que ce soit à la loi de le faire.